Page images
PDF
EPUB

Il semble que le Heros est d'un seul métier, qui est celuy de la guerre, et que le grand homme est de tous les métiers, ou de la robe, ou de l'épée, ou du cabinet, ou de la Cour : l'un et l'autre mis ensemble ne pesent pas un homme de bien.

¶ Dans la guerre, la distinction entre le Heros et le grand Homme est délicate; toutes les vertus militaires font l'un et l'autre. Il semble neanmoins que le premier soit jeune, entreprenant, d'une haute valeur, ferme dans les perils, intrepide; que l'autre excelle par un grand sens, une vaste prévoyance, une haute capacité et une longue experience. Peut-estre qu'Alexandre n'estoit qu'un Heros, et que Cesar étoit un grand homme.

¶ J'éviteray avec soin d'offenser personne, S1 je suis équitable; mais sur toutes choses un homme d'esprit, si j'aime le moins du monde mes interests.

¶Un homme d'esprit et d'un caractere simple et droit peut tomber dans quelque piege; il ne pense pas que personne veüille luy en dresser et le choisir pour estre sa duppe; cette confiance le rend moins précautionné, et les mauvais plaisans l'entament par cet endroit. Il n'y a qu'à perdre pour ceux qui en viendroient à une seconde charge: il n'est trompé qu'une fois.

¶Le sage quelquefois évite le monde de peur d'estre ennuyé.

Il n'y a rien de si délié, de si simple et de si imperceptible, où il n'entre des manieres qui nous decelent. Un sot ny n'entre, ny ne sort, ny ne s'assied, ny ne se leve, ny ne se tait, ny n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit.

DES FEMMES.

Es hommes et les femmes conviennent rarement sur le merite d'une femme; leurs interests sont trop differens: les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mesmes agréemens qu'elles plaisent aux hommes; mille manieres qui allument dans ceux-cy les grandes passions forment entre elles l'aversion ou l'antipathie.

Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de teste, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin; un esprit éblouissant qui impose, et que l'on n'estime que parce qu'il n'est pas approfondi. Il y a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle, indépendante du geste et de la démarche, qui a sa source dans le cœur, et qui est comme une suite de leur haute naissance; un merite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu'elles ne peuvent

couvrir de toute leur modestie, qui échapent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux.

¶ J'ay veu souhaiter d'estre fille, et une belle fille, depuis treize ans jusques à vingt-deux; et aprés cet âge, de devenir un homme.

¶ Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles, et l'harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l'on aime.

¶ L'on peut estre touché de certaines beautez si parfaites et d'un merite si éclatant que l'on se borne à les voir et à leur parler.

Une belle femme qui a les qualitez d'un honneste homme est ce qu'il y a au monde d'un commerce plus delicieux : l'on trouve en elle tout le merite des deux sexes.

Il échape à une jeune personne de petites choses qui persuadent beaucoup, et qui flatent sensiblement celuy pour qui elles sont faites; il n'échape presque rien aux hommes, leurs caresses sont volontaires; ils parlent, ils agissent, ils sont empressez, et persuadent moins.

Les femmes s'attachent aux hommes par les faveurs qu'elles leur accordent; les hommes guerissent par ces mesmes faveurs.

Une femme oublie d'un homme qu'elle n'aime plus jusques aux faveurs qu'il a receuës d'elle.

Une femme qui n'a qu'un galand croit n'estre

point coquette; celle qui a plusieurs galans croit n'estre que coquette.

Telle femme évite d'estre coquette par un ferme attachement à un seul, qui passe pour folle par son mauvais choix.

A un homme vain, indiscret, qui est grand parleur et mauvais plaisant, qui parle de soy avec confiance et des autres avec mépris, impetueux, altier, entreprenant, sans mœurs ny probité, d'un esprit borné, de nul jugement et d'une imagination tres-libre, il ne luy manque plus, pour estre adoré de bien des femmes, que de beaux traits et la taille belle.

Il y a des femmes déja flétries qui, par leur complexion ou par leur mauvais caractere, sont naturellement la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sçay qui est le plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille.

¶ Quelques femmes donnent aux couvents et à leurs amans; galantes et bienfactrices, elles ont jusques dans l'enceinte de l'Autel des tribunes et des oratoires où elles lisent des billets tendres, et où personne ne voit qu'elles ne prient point Dieu.

Il y a telle femme qui aime mieux son argent que ses amis, et ses amans que son argent

« PreviousContinue »