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Grandeur fait une pétition de principe. Je ne

dis point qu'il ne faut pas réprimer le vice, , mais je dis qu'il vaut mieux l'empêcher de ,, naître. Je veux pourvoir à l'infuffifance des ,, Loix, & vous m'alléguez l'infuffifance des

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Loix. Vous m'accufez d'établir les abus, par,, ce qu'au-lieu d'y remédier j'aime mieux qu'on les prévienne. Quoi! s'il étoit un moyen de vivre toujours en fanté, faudroit-il done le profcrire, de peur de rendre les médecins oififs? Votre Excellence veut toujours voir des gibets & des roues, & moi je vou,, drois ne plus voir de malfaiteurs avec tout ,, le refpect que je lui dois, je ne crois pas. ,, être un homme abominable".

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Hélas! M. T. C. F. malgré les principes de l'éducation la plus faine & la plus vertueuse; malgré les promeffes les plus magnifiques de la Religion & les menaces les plus terribles, les écarts de la jeu. neffe ne font encore que trop fréquens, trop multipliés. J'ai prouvé que cette éducation, que vous appellez la plus faine, étoit la plus infenfée, que cette éducation, que vous appellez la plus vertueuse, donnoit aux enfans tous leurs vices; j'ai prouvé que toute la gloire du paradis les tentoit moins qu'un morceau de fucre, & qu'ils craignoient beaucoup plus de s'ennuyer à Vêpres que de brûler en enfer; j'ai prouvé que les é carts de la jeuneffe qu'on fe plaint de ne pouvoir reprimer par ces moyens, en étoient l'ou

vrage. Dans quelles erreurs, dans quels excès, a bandonnée à elle-même, ne fe précipiteroit-elle donc pas? La jeuneffe ne s'égare jamais d'elle-même: toutes fes erreurs lui viennent d'être mal conduite. Les camarades & les maîtreffes achevent ce qu'ont commencé les Prêtres & les Précepteurs; j'ai prouvé cela. C'est un torrent qui fe déborde malgré les digues puissantes qu'on lui avoit opposées : que feroit-ce donc fi nul obftacle ne fufpendoit fes flots, & ne rompoit fes efforts? Je pourrois dire: c'est un torrent qui renverse vos impuissantes digues & brife tout. Elargissez son lit & le laissez courir fans obftacle; il ne fera jamais de mal. Mais j'ai honte d'employer dans un fujet auffi férieux ces figures de College, que chacun applique à La fantaifie, & qui ne prouvent rien d'aucun côté.

AU RESTE, quoique, felon vous les écarts de la jeuneffe ne foient encore que trop fréquens, trop multipliés, à caufe de la pente de I'homme au mal, il paroit qu'à tout prendre vous n'êtes pas trop mécontent d'elle, que vous vous complaifez affez dans l'éducation faine & vertueufe que lui donnent actuellement vos maltres pleins de vertus, de fageffe & de vigilance, que felon vous, elle perdroit beaucoup à être élevée d'une autre manière, & qu'au fond vous ne penfez pas de ce fiecle la lie des ficcles tout le mal que vous affectez d'en dire à la tête de vos Mandemens.

JE CONVIENS qu'il eft fuperflu de chercher

de nouveaux plans d'Education, quand on eft fi content de celle qui exifte: mais convenez auffi, Monseigneur, qu'en ceci vous n'êtes pas difficile. Si vous euffiez été auffi coulant en matiere de doctrine, votre Diocè fe eût été agité de moins de troubles; l'orage que vous avez excité, ne fût point retombé fur les Jéfuites; je n'en aurois point été écrasé par compagnie; vous fuffiez refté plus tranquille, & moi auffit. 44 Vous avouez que pour réformer le monde autant que le permettent la foiblesse, &, felon vous, la corruption de notre nature, il fuffiroit d'observer fous la direction & l'impreffion de la grace les premiers rayons de la raifon humaine, de les faifir avec foin, & de les diriger vers la route qui conduit à la vérité. (8) Par tà, continuez-vous, ces efprits, encore exempts de préjugés feroient pour toujours en garde contre P'erreur; ces cœurs encore exempts des grandes paffions prendroient les impreffions de toutes les vertus, Nous fommes donc d'accord fur ce point, car je n'ai pas dit autre chofe. Je n'ai pas ajoûtté, j'en conviens, qu'il fallût faire élever les enfans par des Prêtres; même je ne penfois pas que cela fût néceffaire pour en faire des Citoyens & des hommes; & cette erreur, fi c'en eft une, commune à tant de Catholiques, n'eft pas un fi grand crime à un Proteftant. Je n'éxamine pas fi dans votre pays les Prêtres eux

(8) Mandement iñ-4. p. 5. in-12. p. x,

mêmes paffent pour de fi bons Citoyens; mais comme l'éducation de la génération préfente eft leur ouvrage, c'eft entre vous d'un côté & vos anciens Mandemens de l'autre qu'il faut décider fi leur lait fpirituel lui a fi bien profité, s'il en a fait de fi grands faints, (9) vrais adorateurs de Dieu, & de fi grands hommes, dignes d'être la refource & l'ornement de la patrie. Je puis ajouter une obfervation qui devroit frapper tous les bons François, & vous-même comme tel; c'eft que de tant de Rois qu'a eus votre Nation, le meilleur eft le feul que n'ont point élevé les. Prêtres.

Mats qu'importe tout cela, puifque je ne leur ai point donné l'exclufion; qu'ils élevent la jeuneffe, s'ils en font capables; je ne m'y oppofe pas; & ce que vous dites là-deffus (10) nefait rien contre mon Livre. Prétendriez-vous que mon plan fût mauvais, par cela feul qu'il peut convenir à d'autres qu'aux gens d'Eglife?

SI L'HOMME eft bon par fa nature, comme je crois l'avoir démontré, il s'enfuit qu'il demeure tel tant que rien d'étranger à lui ne l'altere; & files hommes font méchans, comme ils ont pris. peine à me l'apprendre, il s'enfuit que leur méchanceté leur vient d'ailleurs; fermez donc l'entrée au vice, & le cœur humain fera toujours bon. Sur ce principe, j'établis l'éducation né

(9) Mandement in-4. p. 5. in-12. p. x. (10) Ibid,

gative comme la meilleure ou plutôt la feule bonne; je fais voir comment toute éducation pofitive fuit, de quelle maniere qu'on s'y prenne, une route oppofée à fon but; & je montre comment on tend au même but, & comment on y arrive par le chemin que j'ai tracé.

J'APPELLE éducation pofitive celle qui tend former l'efprit avant l'âge & à donner à l'enfant la connoiffance des devoirs de l'homme. J'ap pelle éducation négative celle qui tend à perfectionner les organes, inftrumens de nos connoiffances, avant de nous donner ces connoiffances & qui prépare à la raifon par l'exercice des fens. L'éducation négative n'eft pas oifive, tant s'en faut. Elle ne donne pas les vertus, mais elle prévient les vices; elle n'apprend pas la vérité, mais elle préferve de l'erreur. Elle difpose l'enfant à tout ce qui peut le mener au vrai quand il eft en état de l'entendre, & au bien quand il eft en état de l'aimer.

CETTE marche vous déplaît & vous choque; il est aisé de voir pourquoi. Vous commencez. par calomnier les intentions de celui qui la propofe. Selon vous, cette oifiveté de l'ame m'a paru néceffaire pour la difpofer aux erreurs que je lui voulois inculquer. On ne fait pourtant pas trop quelle erreur veut donner à fon éleve celui qui ne lui apprend rien avec plus de foin qu'à fentir fon ignorance & à favoir qu'il ne fait rien. Vous convenez que le jugement a fes

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