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nous conduit-il au bien inestimable de la Foi, & de-là au terme précieux du falut? C'eft à la raifon elle-même que nous en appellons. Dès qu'on reconnoît un Dieu, il ne s'agit plus que de fçavoir s'il a daigné parler aux hommes, ́autrement que par les impreffions de la nature. Il faut donc examiner fi les faits, qui confta tent la révélation, ne font pas fupérieurs à tous les efforts de la chicanne la plus artificieuse. Cent fois l'incrédulité a tâché de les détruire ces faits, ou au moins d'en affoiblir les preuves; & cent fois fa critique a été convaincue d'impuiffance. Dieu, par la révélation, s'eft rendu témoignage à lui-même; & ce té moignage eft évidemment très- digne de foi. (e); Que reste-t-il donc à l'homme qui fait le meil leur ufage de fa raison, finon d'acquiefcer à ce témoignage? C'eft votre grace, ô mon Dieu ! qui confomme cette œuvre de lumière; c'eft. elle qui détermine la volonté, qui forme l'a.. me Chrétienne; mais le développement des preuves, & la force des motifs, ont préalable. ment occupé, épuré la raifon; & c'eft dans: ce travail, auffi noble qu'indifpenfable, que: confifte ce meilleur ufage de la raison, dont l'Au teur d'EMILE entreprend de parler fans en avoir une notion fixe & véritable.

Pour trouver la jeuneffe plus docile aux le çons qu'il lui prépare, cet Auteur veut qu'elles

(e) Testimonia tua credibilia faca funt nimis, Pfals

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foit dénuée de tout principe de Religion. Et voilà pourquoi, felon lui, connottre le bien & le mal, fentir la raison des devoirs de l'homme, n'est pas l'affaire d'un enfant... J'aimerais autant, ajoûte-t-il, exiger qu'un enfant eût cinq pieds de haut, que du jugement à dix ans.

Sans doute, M. T. C. F. que le jugement humain a fes progrès, & ne fe forme que par degrés. Mais s'enfuit-il donc qu'à l'âge de dix ans un enfant ne connoiffe point la différence du bien & du mal, qu'il confonde la fageffe avec la folie, la bonté avec la barbarie, la vertu avec le vice? Quoi! à cet âge il ne fentira pas qu'obéir à fon pere eft un bien: que lui défobéir eft un mal! Le prétendre, M. T. C. F. c'eft calomnier la nature humaine, en lui attribuant une ftupidité qu'elle n'a point.

Tout enfant qui croit en Dieu, dit encore „cet Auteur, est Idolâtre ou Antropomorphite. Mais s'il eft Idolâtre, il croit donc plufieurs Dieux; il attribue donc la nature Divine à des fimulacres infenfibles? S'il n'eft qu'Antropomorphite, en reconnoiffant le vrai Dieu, il lui donne un corps. Orion ne peut fuppofer ni l'un ni l'autre dans un enfant qui a reçu une édu cation Chrétienné. Que fi l'éducation a été vicieuse à cet égard, il eft fouverainement injufte d'imputer à la Religion cé qui n'eft que la faute de ceux qui l'enseignent mal. Au furplus, l'âge de dix ans n'eft point l'âge d'un Philofo

phe: un enfant, quoique bien inftruit, peut s'expliquer mal; mais en lui inculquant que la Divinité n'est rien de ce qui tombe, ou de ce qui peut tomber fous les fens; que c'eft unc intelligence infinie, qui douée d'une Puiffance fuprême, exécute tout ce qui lui plaît, on lui donne de Dieu une notion affortie à la portée de fon jugement. Il n'eft pas douteux qu'un Athée, par fes Sophifmes, viendra facilement à bout de troubler les idées de ce jeune Cro yant mais toute l'adreffe du Sophiste ne fera certainement pas que cet enfant, lorfqu'il croit en Dieu, foit Idolâtre ou Antropomorphite; c'est-à-dire, qu'il ne croye que l'existence d'une chimere..

Dr.

L'Auteur va plus loin, M. T. C. F. il n'aecorde pas même à un jeune homme de quinze ans, la capacité de croire en Dieu. L'homme ne fçaura donc pas même à cet âge, s'il y a un Dieu, ou s'il n'y en a point: toute la nature aura beau annoncer la gloire de fon Créateur, il n'entendra rien à fon langage! Il exiftera, fans fçavoir à quoi il doit fon existence! Et ce fera la faine raifon elle-même qui le plongera danse ces ténèbres? C'eft ainfi, M. T. C. F. que l'a-: veugle impiété voudroit pouvoir obscurcir de fes noires vapeurs, le flambeau que la Religion préfente à tous les âges de la vie humaine. Saint Auguftin raifonnoit bien für d'autres principes quand il difoit, en parlant des premières an nées de fa jeuneffe. Je tombai dès ce temps

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là, Seigneur, entre les mains de quelques uns de ceux qui ont foin de vous invoquer; & je compris par ce qu'ils me difoient de ,, vous, & felon les idées que j'étois capable de m'en former à cet âge-là, que vous étiez ,, quelque chofe de grand, & qu'encore que vous fuffiez invifible, & hors de la portée de nos fens, vous pouviez nous exaucer & nous fecourir. Auffi commençai-je dès mom ,, enfance à vous prier, & vous regarder com» me mon recours & mon appui; & à mesure " que ma langue fe dénouoit, j'employois fes ,, premiers mouvements à vous invoquer". (Liv. 1. Confeff. Chap. 1x.)

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Continuons, M. T. C. F. de relever les pa radoxes étranges de l'Auteur d'EMILE. Après avoir réduit les jeunes gens à une ignorance fi profonde par rapport aux attributs & aux droits de la Divinité, leur accordera-t-il du moins l'a vantage de fe connoître eux-mêmes? Sçauront ils fi leur ame eft une substance abfolument diftinguée de la matière? ou fe regarderont-ils comme des êtres purement matériels & foumis aux feules loix du Méchanifme? L'Auteur d'EMILE doute qu'à dix-huit ans, il foit encore temps que fon Eleve apprenne s'il a une ame: il penfe que, s'il l'apprend plutôt, il court rif que de ne le fçavoir jamais, ne veut-il pas du moins que la jeuneffe foit fufceptible de la connoiffance de fes devoirs? non. A l'en croire,

il n'y a que des objets phyfiques qui puiffent inté reffer les enfans, fur- tout ceux dont on n'a pas éveillé la vanité, & qu'on n'a pas corrompus d'ar wance par le poifon de l'opinion. Il veut, en conféquence, que tous les foins de la première é ducation foient appliqués à ce qu'il y a dans l'homme de matériel & de terreftre: Exercez, dit-il, fon corps, fes organes, fes fens, fes for ces; mais tenez fon ame oifive, autant qu'il se pourra. C'est que cette oifiveté lui a parue né ceffaire pour difpofer l'ame aux erreurs qu'il fe propofoit de lui inculquer. Mais ne vouloir enfeigner la fageffe à l'homme que dans le temps où il fera dominé par la fougue des paffions naiffantes, n'eft-ce pas la lui préfenter dans le deffein qu'il la rejette?

Qu'une femblable éducation, M. T. C. F., eft opposée à celle que prefcrivent, de concert, la vraie Religion & la faine raifon ? toutes deux veulent qu'un Maître fage & vigilant épie, en quelque forte dans fon Eleve les premières lueurs de l'intelligence, pour l'occuper des attraits de la vérité, les premiers mouvemens du cœur, pour le fixer par les charmes de la vertu. Combien en effet n'eft-il pas plus avantageux de pré venir les obftacles, que d'avoir à les furmonter? Combien n'eft-il pas à craindre que fi les. impreffions du vice précedent les leçons de la vertu, l'homme parvenu à un certain âge, ne manque de courage, ou de volonté pour réfifter

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