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te forçoit à fe tenir fur la referve, à gauchir à tergiverfer pour ne pas faire de Guillaume un ufurpateur. Si ces deux écrivains avoient adopté les vrais principes, toutes les difficultés étoient levées & ils euffent été toujours conféquents; mais ils auroient triftement dit la vérité & n'auroient fait leur cour qu'au peuple. Or la vérité ne mene point à la fortu ne, & le peuple ne donne ni. ambaffades, ni ahaires, ni penfions.

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Si la volonté générale peut errer.

IL S'ENSUIT de ce qui précede que la volonté générale eft toujours droite & tend toujours à Putilité publique: mais il ne s'enfuit pas que les déliberations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours fon bien, mais on ne le voit pas toujours Jamais on ne corrompt, le peuple, mais souvent on le trompe, & c'eft alors feulement qu'il paroit vouloir ce qui est mal..

IL Y A. fouvent bien de la différence entre la volonté de tous & la volonté générale; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun, l'autre regarde à l'intérêt privé, & n'est qu'une fomme de volontés particulieres: mais ôtez de

ees mêmes volontés les plus & les moins qui s'entredétruifent *, refte pour fomme des différences la volonté générale.

SI, QUAND le peuple fuffisamment infor mé délibere, les Citoyens n'avoient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences réfulteroit toujours la vo lonté générale, & la délibération feroit toujours bonne.. Mais quand il fe fait des brigues, des affociations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces affocia tions devient générale par rapport à fes membres, & particuliere par rapport à l'Etat; on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de vo tans que d'hommes, mais feulement autant que d'affociations. Les différences deviennent moins. nombreuses & donnent un réfultat moins gé néral. Enfin quand une de ces affociations eft fi grande qu'elle l'emporte fur toutes les au tres, vous n'avez plus pour réfultat une fom, me de petites différences, mais une différence unique; alors il n'y a plus de volonté générale, & l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier.

✦ Chaque intérêt, dit le M. d'A a des principes différents. L'accord de deux intérêts particuliers fe forme par oppofition à celui d'un tiers. Il eut pu ajouter que l'accord de tous les intérêts fe forme par oppofition à celui de chacun. S'il n'y avoit paint d'intérêts différens, à peine fentiroit on l'intérêt commun qui ne trouveroit jamais d'obftacle tout iroit de lui-même, & la politique cefferoit,

IL IMPORTE donc pour avoir bien l'énor-cé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de fociété partielle dans l'Etat & que chaque Ci- · toyen n'opine que d'après lui *. Telle fut l'unique & fublime institution du grand Lycur gue. Que s'il y a des föciétés partielles, il en faut multiplier le nombre & en prévenir l'inégalité, comme firent Solon, Numa, Servius. Ces précautions font les feules bonnes pour que la volonté générale foit toujours éclairée & que le peuple, ne fe trompe point.

CHAPITRE IV.

Des bornes du pouvoir Souverain.

SILET

I L'ETAT ou la Cité n'eft qu'une perfonne morale dont la vie confifte dans l'union de fess membres, & fi le plus important de fes foins eft celui de fa propre confervation, il lui faut une force univerfelle & compulfive pour mouvoir & difpofer chaque partie de la maniere la plus convenable au tout. Comme la

* Vera cosa è, dit Machiavel, che alcuni divifioni nu eone alle Republiche, e alcune giovano: quelle nuocono che sono dalle fette e da partigiani accompagnate: quelle giovane che senza fette, fenza partigiani fi mantengono. Non potendo adunque provedere un fondatore d'una Republica che non fiame nimicizie in quella, hà da proveder almeno che non vis fane fette, Hift. Fiorent, L. VII.

nature donne à chaque homme un pouvoir abfolu fur tous fes membres, le pacte focial donne au corps politique un pouvoir abfolu für tous les fiens, & c'eft ce même pouvoir, qui, dirigé par la volonté générale porte, comme j'ai dit, le nom de fouveraineté.

MAIS outre la perfonne publique, nous a vons à confidérer les perfonnes privées qui la compofent, & dont la vie & la liberté font naturellement indépendantes d'elle. Il s'agit donc de bien diftinguer les droits refpectifs des Citoyens & du Souverain*, & les devoirs: qu'ont à remplir les premiers en qualité de füjets, du droit naturel dont ils doivent jouït. en qualité d'hommes..

ON CONVIENT que tout ce que chacun: aliéne par le pacte focial de fa puiffance de fes biens de fa liberté, c'eft feulement la par. tie de tout cela dont l'ufage importe à la communauté, mais il faut convenir auffi que le Souverain feul eft juge de cette importance.

Tous les férvices qu'un citoyen peut ren dre à l'Etat, il les lui doit fitôt que le Souverain les demande; mais le Souverain de fon côté ne peut charger les fujets d'aucune chai ne inutile à la communauté; il ne peut pas.

*Lecteurs attentifs, ne vous preffez pas, je vous prie de m'accufer ici de contradiction. Je n'ai pu l'éviter dans vu la pauvreté de la langue, mais attendez

les termes,

même le vouloir: car fous la loi de raifon rien ne fe fait fans caufe, non plus que fous la loi de nature.

cun,

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LES ENGAGEMENS qui nous lient au corps. focial ne font obligatoires que parce qu'ils font mutuels, & leur nature eft telle qu'en les. rempliffant on ne peut travailler pour autrui fans travailler auffi pour foi. Pourquoi la vo - lonté générale eft-elle toujours droite, & pourquoi tous veulent-ils. conftamment le bonheur de chacun d'eux, fi ce n'eft parce qu'il n'y a perfonne qui ne s'approprie ce mot cha& qui ne fonge à lui-même en votant pour tous? Ce qui prouve que l'égalité de droit & la notion de juftice qu'elle produit. dérive de la préférence que chacun fe donne & par conféquent de la nature de l'homme, que la volonté générale pour être vraiment telle doit l'être dans fon objet ainfi que dans fon effence, qu'elle doit partir de tous pour s'appliquer à tous, & qu'elle perd fa rectitu de naturelle lorfqu'elle tend à quelque objet individuel & déterminé; parce qu'alors jugeant de ce qui nous eft étranger nous n'avons aucun vrai principe d'équité qui nous guide.

EN EFFET, fitôt qu'il s'agit d'un fait ou d'un droit particulier, fur un point qui n'a pas été réglé par une convention générale & antérieure, l'affaire devient contentieufe. C'est

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