Page images
PDF
EPUB

te forçoit à fe tenir sur la reserve, à gauchit: à tergiverser pour ne pas faire de Guillaume un usurpateur. Si ces deux écrivains avoient adopté les vrais principes, toutes les difficultés étoient levées. & ils eusfent été toujours conséquents ; mais ils auroient tristement dit La. vérité & n'auroient fait leur cour qu'au peuple. Or la vérité ne mene point à la fortune, & le peuple ne danne ni. ambassades, ni chaires, ni pensions.

CHA P I TRE III..

Si la volonté générale peut errer. Il s'ensuit de ce qui précede que la va lonté générale, est toujours droite & tend toujours à l'utilité publique : mais ils ne s'ensuit pas que les deliberations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : Jamais on ne corrompt, le peuple, mais souvent on le trompe, & c'est alors seulement qu'il paroit vouloir ce qui eft mal..

IL Y A. fouvent bien de la différence entre la volonté de tous & la volonté générale; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun, l'autre Ingarde à l'intérêt privé, & n'et qu'une somPe de volontés particulieres : wais êtez de

[ocr errors]

ees mêmes volontés les plus & les moins qui s'entredétruisent *; reste pour somme des différences la volonté générale.

SI, QUAND le peuple suffisamment infor mé délibere, les Citoyens n'avoient aucune communication entre eux , du grand nombre de petites différences résulteroit toujours la vot lonté générale, & la délibération seroit toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associa: tions devient générale par rapport à ses membres , & particuliere par rapport à l'Etat; on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votans que d'hommes, mais seulement autant que d'affociations. Les différences deviennent inoins nombreuses. & donnent un résultat muins gé: néral. Enfin quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les au, tres, vous n'avez plus pour résultat une: fom, me de petites différences, mais une différence unique; alors, il n'y a plus de volonté génésale, & l'avis. qui l'emporte n'est qu'un avis particulier.

Chaque intérét , dit le M. d'As a dos principes différents. L'accord de deux intérêts particuliers se forme par opposition à celui d'un tiers. Il eut pu ajouter que l'accord de tous ks intérêts se forme par opposition à celui de chacun. s'il n'y avoit point d'intérêts différens, à peine sentiroirs on l'intérêt commun qui ne trouvcroit jamais d'obftacle : tout iroit de lui-même , &. la politique, celleroit L'être na...

IL IMPORTE donc pour avoir bien l'énorcé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de société partielle dans l'Etat & que chaque Citoyen n'opine que d'après lui: * Telle fut l'upique & sublime institution du grand Lycure gue. Que s'il y a des sociétés partielles, il en faut multiplier le nombre & en prévenir l'inégalité, comme firent Solon, Numa, Servius. Ces précautions sont les seules bonnes pour. que la volonté générale soit toujours éclairée & que le peuple. ne se trompe point.

CHAPITRE IV.

Des bornes du pouvoir Souverain: SI L'ETAT ou la Cité n'eft qu'une personne morale dont. la vie consiste dans l'unión de fes: membres, & fi le plus important de ses soins eft celui de la propre conservation, il lui faut une force univerfelle & compulsive pour mouvoir & difpofer chaque partie de la maniere la plus convenable au tout comme la:

* Vera cofa è, dit-Machiavet, che alcuni-divifoni nuuno alle Republiche, e alcune giovano : quelle muocone che sono dalle sette i da partigiani accompagnate : quelle giovani ske-fenza fette - fenza partigiani A mantongono. Non potendo adunque provedere un fondatore di una Republica che non fine ne: nimicitie in quellay, bi da provedet almeno che non vi: Bane feste. Hift. Fjorent. L. Vii.

nature donne à chaque homme . un pouvoir absolu sur tous ses membres, le pacte social donne au corps politique un pouvoir absolu: für tous les siens, & c'est ce même pouvoir, qui, dirigé par la volonté générale porte, Gomme j'ai dit, le nom de souveraineté.

MAIS outre la personne publique, nous ac vons à considérer les personnes privées qui la composent, & dont, la vie. & la liberté font naturellement indépendantes d'elle. Il s'agit donc de bien distinguer les droits respectifs des Citoyens & du Souverain *; & les devoirs: qu'ont à remplir les premiers en qualité de füjets, du droit naturel dont ils doivent jouit en qualité d'hommes.

ON CONVIENT que tout ce que chacun: aliéne par le pacte social de la puissance de sës biens de la liberté, c'est seulement la para tie de tout cela dont l'usage importe à la communauté, mais il faut convenir aussi que le Souverain feul est juge de cette importance.

Tous les services qu'un citoyen peut rentdre à l'Etat , il les lui doit fitôt que le Souverain les demande; mais le Souverain de son côté ne peut charger les sujets d'aucune chaine inutile à la communauté; il ne peut pas.

3

* Lc&curs attentifs, ne vous pressez pas, je vous prie, de m'accufer ici de contradi&ion. Je n'ai pu l'éviter dans les cimes, Tù la puiviere de la langue), mais attcodes

même le vouloir : car sous la loi de raison rien ne se fait sans cause, non plus que sous la loi de nature.

LES ENGAGEMENS qui nous lient au corps. focial ne font. obligatoires que parce qu'ils sont mutuels , & leur nature est telle qu'en les remplissant on ne peut travailler pour autrui fans travailler aussi pour foi. Pourquoi la vo: lonté générale est-elle toujours droite , & pourquoi tous veulent-ils. constamment le bonheur de chacun d'eux, si ce n'est parce qu'il n'y a personne qui ne s'approprie ce mot cbacun, & qui ne songe à lui - même en votant pour tous ? Ce qui prouve que l'égalité de droit & la notion de justice qu'elle produit. dérive de la préférence que chacun se donne & par conséquent de la nature de l'homme, que la volonté générale pour être vraiment telle doit l'être dans con objet ainsi que dans fon eflence, qu'elle doit partir de tous pour s'appliquer à tous, & qu'elle perd la rectitu: de naturelle lorsqu'elle tend à quelque objet individuel & déterminé; parce qu'alors jugeant de ce qui nous est étranger nous n'avons au: cun vrai principe d'équité qui nous guide.

EN EFFET, sitôt qu'il s'agit d'un fait ou d'un droit particulier, sur un point qui n'a. pas été réglé par une corrvention générale & antérieure, l'affaire devient contentieuse. C'est

« PreviousContinue »