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de moi contre moi-même est un mot qui n'a aucun sens?

GROTIUS & les autres tírent de la guerTe une autre origine du prétendu droit d'efclavage. Le vainqueur ayant, selon eux, le droit de tuer le vaincu, celui-ci peut racheter fa vie aux dépends de la liberté; convention d'autant plus légitime qu'elle tourne au profit de tous deux.

MAI's il est clair que će prétendu droit de tuer les vaincus ne résulte en aucune maniere de l'état de guerre. Par cela fêuf que l'es hommes vivant dans leur primitive indépendance n'ont point entre eux de rapport af fez constant pour constituer ni l'état de paix. ni l'état de guerre , ils ne sont point naturel. lement ennemis. C'est le rapport des choses & non des hommes qui constitue la guerre , & l'état de guerre ne pouvant naitre des. fimples rélations personnelles, mais seulement: des rélations réelles, la guerre privée our d'homme å komme ne peut exifter, ni dans l'état de nature où il n'y a point de proprie, té constante, ni dans l'état focial où tout est fous l'autorité des loix.

LES COMBAT & particuliers , les duels, fes rencontres sont des actes qui ne constituent point un état; & à l'égard des guerres grivées., autorisées par les établissemens de

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Louis IX roi de France & suspendues par las paix de Dieu, ce sont des abus du gouverne: ment féodal, fyftême absurde s'il en fut ja. . mais „, contraire aux principes du droit natyre rel, & à toute bonne politie.

LA GUERRE n'est doộc point : une rélation d'homme à homme , mais une rélation d'Etat à Etat, dans laquelle les particuliers ne font ennemis qu'accidentellement, non point comme, hommes ni même comme citoyens, mais comme soldats ; non point comme membres de la patrie, mais comme ses défenseurs. Enfinchaque Etat ne peut avoir pour enne mis . que d'autres Etats & non pas des hom- mes , attendu qu'entre choses de diverses natures on ne peut fixer aucun vrai rapport.

CE PRINCIPE est mêine conforine aux maximes, établies de tous les tems & à la prą. tique constante de tous les peuples, policés. Les déclarations de guerre sont inoins desavertissemens aux puissances qu'à leurs sujets. L'étranger , soit roi, soit particulier, soit peuple, qui - vele tüe ou détient les sujets fans, déclarer la guerre aụ prince, n'est pas un ennemi, c'est un brigand. Même en pleine: guerre un prince juste s'empare bien en pays ennemi de tout ce qui appartient au pư.

blic, mais il respecte la personne & les biens des particuliers ; il respecte des droits, sur le for

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quels sont fondés les siens. La fin de la guerre étant la destruction de l'Etat ennemi, on a droit d'en tuer les défenseurs tant qu'ils ont les armes a:la main; mais fitôt qu'ils les posent & se: rendent, cellant..d?être ennemis ou instrumens de l'ennemi , ils, redeviennent simplement hommes & l'on n'a plus de droit fur leur vie. Quelquefois on peut tuer l'E: tat fans tuer un feul de ses membres : Or la guerre ne donne aucun droit qui ne soit né. cellaire à sa fin.. Ces principes ne sont pas ceux de Grotius ; : ils ne sont pas. fondés suč

des autorités de poëres, mais ils dérivent de la nature des choses,& font fondés sur la raifon...

A L'EGARD du droit de conquête, il n'a d'autre fondement que la loi du plus fort. Si la guerre ne donne point au vainqueur le droit de massacrer les... peuples vaincus .,. ce droit qu'il n'a pas ne peut fönder celui de les afservir.. On n'a le droit de tuer l'ennemi que quand on ne peut. le. faire esclave; le droit de le faire esclave ne vient donc pas du droit de le tuer : C'est donc un échange inique de lui faire acheter au prix de fa.li. berté, sa vie. sur laquelle on n'a aucun droit. En établissant le droit de vie & de mort sur te droit d'esclavage , & le droit d'esclavage fur.. le droit de vie & de mort, n'est-il pas

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TEDEPLĀNDSCHE ZENDINGSSCHOE

OEGSTGEEST,

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dair qu'on tombe dans le cercle vicieux ?

EN SUPPOSANT même ce terrible droit de tout tuer , je dis qu'un esclave fait à la guerte ou un peuple conquis n'est tenu à rien du tout envers son maitre, qu'à lui obéir autant qu'il y eft forcé. En prenant un équivalent à fa vie le vainqueur ne lui en a point fait grace: áu lieu de le tuer fans fruit il l'a tuéutilement. Loin donc qu'il ait acquis fur lui nulle autorité jointe de la force , l'état de guerre fubfifte entre enx comme auparavant, feur rélation même en est l'effet , & l'usage du droit de la guerre 'ne suppose aucun traité de paix. Ils ont fait une convention ; foit: mais cette convention, loin de détruire l'état: de guerre', en suppose là continuité.

AINSI, de quelque sens qu'on envifage les chofes, le droit d'esclavage eft nul, non feu. lement parce qu'il est illégitime, mais parce qu'il est absurde & ne fignifie rien. Ces mots, esclavage , &, droit sont contradictoires ; ils s'excluent mutuellement. Soit d'un homme å un homme, soit d'un homme à un peuple, ce discours fera toujours également insensé. Fe Fais avec toi une convention toute sta obarge & toute à mon profit, que j'observerai tant qu'il me plaira, & que tu obferueras tant qu'il me plaira..

CH A P I T R E V.

Qu'il faut toujours remonter à une premiers

convention..

QUAND

UAND j'accorderois tout ce que j'ai réfuté jusqu'ici, les fauteurs du despotisme n'en feroient pas plus avancés. Il y aura toujours une grande différence entre foumettre une multitude, & régir une société. Que des hommes épars soient successivement asservis à un seul, en quelque nombre qu'ils puissent être, je ne vois là qu'un maitre & des esclaves, je n'y vois point un peuple & fon chef; c'est fi l'on veut une aggregation, mais non pas une association; il n'y a là ni bien public ni corps politique. Cet homme, eut-il affervi la moitié da monde, n'est toujours qu'un particulier; fon intérêt, féparé de celui des autres, n'est tour jours qu'un intérêt privé. Si ce même homme vient à périr, son empire après lui reste épars & fans liaison, coinme un chêne se dit fout & tombe en un tas de cendres, après que le feu l'a consumé.

UN PEUPLĖ, dit Grotius, peut se donner å un roi. Selon Grotius un peuple est donc un peuple avant de se donner à un rol. Ce don même est un acte civil, il fuppofe une

ܬ

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