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pour réfifter aux grands? Comme jadis les villes grecques réfifterent au grand Roi, & comme plus récemment la Hollande & la Suiffe ont refifté à la maifon d'Autriche.

TOUTEFOIS fi l'on ne peut réduire l'Etat à de juftes bornes, il reste encore une reffourse; c'eft de n'y point fouffrir de capitale, de faire fièger le Gouvernement alternativement dans chaque ville, & d'y raffembler auffi tourtour les Etats du pays.

PEUPLEZ également le territoire, étendezy par-tout les mêmes droits, portez-y par-tout l'abondance & la vie, c'eft ainfi que l'Etat deviendra tout à la fois le plus fort & le mieux gouverné qu'il foit poffible. Souvenez-vous que les murs des villes ne fe forment que dirdébris des maisons des champs. A chaque Palais que je vois élever dans la capitale, je crois voir mettre en mazures tout un pays.

CHAPITRE XIV,

Suite

A L'INSTANT que le Peuple eft légitime

ment affemblé en corps Souverain, toute jurif diction du Gouvernement ceffe,, la puiffance exécutive eft fufpendue, & la perfonne du der nier Citoyens eft auffi facrée & inviolable que

celle du premier Magiftrat, parce qu'où fetrouve le Réprésenté, il n'y a plus de Répréfentant. La plupart des tumultes qui s'éleverent à Rome dans les comices vinrent d'avoir ignoré ou négligé cette regle. Les Confuls alors n'étoient que les Préfidens du Peuple, les Tribuns de fimples Orateurs * le Sénat n'étoit rien du

tout.

CES intervalles de fufpenfion où le Prince reconnoît ou doit reconnoître un fupérieur ac tuel, lui ont toujours été redoutables, & ces affemblées du peuple, qui font l'égide du corps. politique & le frein du Gouvernement, ont é té de tous tems l'horreur des chefs: auffi n'épargnent-ils jamais ni foins, ni objections, ni difficultés, ni promeffes, pour en rebuter les Citoyens. Quand ceux-ci font avares, lâches, puffillanimès, plus amoureux, du repos que de la liberté, ils ne tiennent pas longtems contre les efforts redoublés du Gouvernement; c'eft ainfi que la force, résistante augmentant fans ceffe, l'autorité Souveraine s'évanòuït à la fin, & que la plupart des cités tombent & périssent avant le tems.

MAIS entre l'autorité Souveraine & le Gouvernement arbitraire, il s'introduit quelquefois un pouvoir moyen dont il faut parler.

A-peu-près felon le fens qu'on donne à ce nom, dans Je Parlement d'Angleterre. La reffemblance de ces emr plois eut mis en conflit les Confuls & les Tribuns ; quand ême toute jurisdiction cut été suspendue.

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Des Députés ou Répréfentans.

SITOT que le fervice public ceffe d'être la principale affaire dés Citoyens, & qu'ils aiment mieux fervir de leur bourfe que de leur perfon ne, l'Etat eft déjà près de fa ruïne. Faut-il marcher au combat? ils payent des troupes & reftent chez eux; faut-il aller au Confeil? ils nominent des Députés & restent chez eux. A force de pareffe & d'argent ils ont enfin des foldats pour affervir la patrie & des réprésentans pour la vendre.

C'EST le tracas du commerce & des arts c'eft l'avide intérêt du gain, c'eft la moleffe & l'amour des commodités, qui changent les fervices perfonnels en argent. On cede une partie de fon profit, pour l'augmenter à fon aife. Donnez de l'argent, & bientôt vous aurez des fers. Ce not de finance eft un mot d'efclave; il eft inconnu dans la Cité. Dans un Etat vraiment libre les citoyens font tout avec leurs bras & rien avec de l'argent: Loin de payer pour, s'exempter de leurs devoirs, ils payeront pour, les remplir eux-mêmes. Je fuis bien loin des, idées communes; je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes.

MIEUX l'Etat eft conftitué, plus les affaires publiques l'emportent für les privées dans l'efprit des Citoyens. Il y a même beaucoup moins d'affaires privées, parce que la fomme du bonKeur commun fourniffant une portion plus confidérable à celui de chaque individu, il lui ens tefte moins à chercher dans les foins particuliers. Dans une cité bien conduite chacun vole aux affemblées; fous un mauvais Gouvernement nul n'aime à faire un pas pour s'y rendre; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait,. qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, & qu'enfin les foins domeftiques absorbent tout Les bonnes loix en font faire de meilleures, les mauvaises en amenent de pi res. Sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'Etat, que m'importe? on doit compter que l'Etat cft perdurardo i

L'ATTIEDISSEMENT de l'amour de la patrie, l'activité de l'intérêt privé, l'immensité des Etats, les conquêtes, l'abus du Gouverne, ment ont fait imaginer la voye des Députés our Répréfentans du peuple dans les affemblées de la Nation.. C'est ce qu'en certains pays on ofe appeller le Tiers-Etat. Ainfi l'intérêt particulier. de deux ordres eft mis au premier & au second rang., l'intérêt public n'eft qu'au troifieme.

LA SOUVERAINETE ne peut être répré, fentée, par la même raifon qu'elle ne peut être:

tans,

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aliénée; elle confifte effenciellement dans lavo. lonté générale, & la volonté ne fe répréfente point: elle eft la même, ou elle eft autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne font donc ni ne peuvent être fes répréfenils ne font que fes commiffaires; ils ne peuvent rien conclurre. définitivement. Toute loi que le Peuple en perfonne n'a pas ratifiée eft nulle; ce n'eft point une loi. Le peuple Anglois penfe être libre; il fe trompe fort, il ne l'eft que durant l'élection des membres du Parlement; fitôt qu'ils font élus, il eft efclave, il n'eft rien. Dans les courts momens de fa liberté, l'ufage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde.

L'IDEE des Répréfentans eft moderne; elle nous vient du Gouvernement féodal, de cet inique & abfurde. Gouvernement dans lequel l'efpece humaine eft dégradée, & où le nom d'homme eft en deshonneur. Dans les anciennes Républiques & même dans les Monarchies, jamais le peuple n'eut de répréfentans; on ne connoiffoit pas ce mot-là. Il eft très fingulier qu'à Rome où les Tribuns étoient fi facrés on n'ait pas même imaginé qu'ils puffent ufurper les fonctions du peuple, & qu'au milieu d'une ff grande, multitude, ils n'aient jamais tenté de paffer de leur chef un feul Plebiscite:. Qu'on

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