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en eux.

a donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lacheté les a perpétués.

Je n'ai rien dit du roi Adam, ni de l'em. pereur Noé pere de trois grands Monarques qui se partagerent l'univers, comme firent les enfans de Saturne, qu'on a cru reconnoitre

J'espere qu'on me saura gré de cette modération ; car, descendant directement de l'un de ces Princes, & peut-être de la bran-. che ainée, que sais-je fi par la vérification des titres je ne me trouverois point le légitimne roi du genre humain ? Quoi qu'il en soit, on ne peut disconvenir qu'Adam n'ait été Souvesain du monde comme Robinson de son ille, tant qu'il en fut le seul habitant; & ce qu'il y avoit de commode dans cet empire étoit que Ic monarque assuré sur fon trône n'avoit craindre ni rébellions ni guerres ni confpirateurs.

CHAPITRE II 1.

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Du droit du plus fort. Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maitre, s'il ne transforme la force en droit & l'obéissance en devoir. Dela le

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droit du plus fort; droit pris ironíquement en apparence, & réellement établi en principe Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot i La force est une puisfance physique; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets, Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté; c'est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra - ce être un de. Voir ?

SUPPOSONS un moment ce prétendu droit, Je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inerplicable. Car sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause; toute force qui surmonte la premiere succéde à son droit. Sitôt qu'on peut désobéir impunément on le peut légitimement, & puisque le plus fort a toujours raison, il ne s'agit que de faire en forte qu'on soit le plus fort. Or qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force ceffe? S'il faut obéir par force on n'a pas besoin d'obéïr par devoir, & fi l'on n'est plus forcé d'obéïr on n'y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n'ajoûte rien à la force; il ne signifie ici rien du tout.

OBEISSE Z aux puissances: Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon mais superflu, je réponds qu'il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l'awoüe; mais toute maladie en vient aussi. Eit ce à dire qu'il soit défendu d'appeller le mé decin ? Qu'un brigand me surprenne au coin d'un bois: non seulement il faut par force donDer la bourse, mais quand je pourrois la fous Atraire suis-je en conscience-obligé de la donner? car enfin, le pistolet qu'il tient; eft, aufli une puissance,

CONVENONS donc que force, ne fait pas droit , & qu'on n'est obligé d'obéïr qu'aux puissances légitimes. Ainsi ma question primitive revient toujours,

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€ H A P ITR E IV.

De l'esclavage. Puisqu'AU

UISQU'AUCUN homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, &. puisque la force ne produit aucun droit, restent. donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.

SI UN particulier, dit Grotius, peut alicner sa liberté & se rendre esclave d'un maître, pourquoi tout un peuple ne pourroit - il pas aliéner la sienne & se rendre sujet d'un roi ? Il y, a là bien des mots équivoques qui auroient Besoin d'explication,, mais tenons - nous en à telui d'aliéner: Aliéner c'est donner ou vendee. Or, un homme qui se fait esclave d'un

autre

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de peu:

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aütre ne se donne pas, il fe vend, tõut au moins pour fa fubfiftance : mais un peuple pour quoi fe vend -il? Bien loin qu'un 'rot fournille di ses sujets leur subsistance il' ne tire la sientre qué d'eux, & selon Rabelais un rot ne vit pas

Les sujets donnent donc leur personne à conditioni qu'on prendra 'auf leur bien Je ne vois pas ce qu'it leur reste à conserver.

ON DIRA que le despote assure à fes fujets la tranquillité civile. Soit; mais qu'y gagnencils, fi les guerres que son ambition leur attire, ft: fon insatiabte avidité, fi les vexations de fon ministcre les défolent plus que ne feroient leurs diftentions ? Qu'y gagnent-ilst, fi cette tranquillité-mêmre est une de leurs miferes? On vit tranquille aussi dans les cachots; en estce assez pour s'y trouver bien? Les Grecs entfermés dans l'antre du Cyclope y vivoient trans quillès, en attendant que leur-tour vint d'être dévorés.

DIRE qu'un homme se donne gratuitement) c'est dire une chose absurde & inconcevable; un tel acte est illégitime & nul; par cela seul que celui qui le fait n'est pas dans fon boir sens. Dire la même chose de tout un peupley c'est supposer un peuples-de foux: la folie ne fait pas droit:

QUAND chacun pourroit s'aliéner lui-même il ne peut aliéner fes enfans; ils naident hom

A.S.

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mes & l'ibres; leut liberté leur appartient, nut n'a droit d'en difpofer qu'eux. Avant qu'ils foient en åge de raison le pere peut en leur nom ftipuler des conditions pour leur conservation, pour leur bien être; mais non les donner irrévocablement & fans condition; car un tel don eft contraire aux fins: de nature & passe les droits de la paternité. Il faudroit donc pour qu'un gouvernement arbitraire fut légitime qu'à chaque génération le peuple fut le maitre de l'admettre ou de le rejetter : mais alors ce gouvernement ne feroit plus arbitraire.

RENONCER à sa liberté c'est renoncer à la qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédomagement poffible pour quiconque renonce à tout. Une telte renonciation est incompatible avec la mature de l'homme, & c'est ôter toute morali.. cé à fes actions que d'oter toute liberté à fa volonté. Enfin c'est une convention vaine & contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue & de l'autre une obéissance fans bornes. N'est-il pas clair qu'on n'est engngé à rien envers celui dont on a droit de tout exi. ger, & cette seule condition fans équivalent fans échange n'entraine-t-elle pas la nullité de Pacte ? Car quel droit mon esclave auroit-ik contre noi, puifque tout ce qu'il a m'appar. Hene, & que fon droit étant le mien, ce droit

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