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MADAME DE SOTENVILLE.

Jour de Dieu! je l'étranglerois de mes propres mains, s'il falloit qu'elle forlignât de l'honnêteté de sa mère.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Corbleu! je lui passerois mon épée au travers du corps, à elle et au galant, si elle avoit forfait à son honneur.

GEORGE DANDIN.

Je vous ai dit ce qui se passe pour vous faire mes plaintes, et je vous demande raison de cette affaire-là.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Ne vous tourmentez point, je vous la ferai de tous deux, et je suis homme pour serrer le bouton à qui que ce puisse être. Mais êtes-vous pas (1) bien sûr aussi de ce que vous nous dites?

GEORGE DANDIN.

Très-sûr.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Prenez bien garde au moins; car, entre gentilshommes, ce sont des choses chatouilleuses, et il n'est pas question d'aller faire ici un pas de clerc.

GEORGE DANDIN.

Je ne vous ai rien dit, vous dis-je, qui ne soit véritable.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Mamour, allez-vous-en parler à votre fille, tandis qu'avec mon gendre j'irai parler à l'homme.

Ce pas pourrait bien être de trop; nos trois autres textes l'omettent.

MADAME DE SOTENVILLE.

Se pourroit-il, mon fils, qu'elle s'oubliât de la sorte, après le sage exemple que vous savez vous-même que je lui ai donné?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Nous allons éclaircir l'affaire. Suivez-moi, mon gendre, et ne vous mettez pas en peine. Vous verrez de quel bois nous nous chauffons lors qu'on s'attaque à ceux qui nous peuvent appartenir.

GEORGE DANDIN.

Le voici qui vient vers nous.

SCÈNE V.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE,

GEORGE DANDIN.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Monsieur, suis-je connu de vous?

CLITANDRE.

Non pas, que je sache, Monsieur.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Je m'appelle le baron de Sotenville (1).

Je m'en réjouis fort.

CLITANDRE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Mon nom est connu à la cour, et j'eus l'honneur dans ma jeunesse de me signaler des premiers à l'arrière-ban de Nancy.

(1) Je m'appelle Monsieur de Sotenville.» (Éd. 1672, 1682.)

A la bonne heure.

CLITANDRE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Monsieur, mon père Jean-Gilles de Sotenville eut la gloire d'assister en personne au grand siége de Montauban.

J'en suis ravi.

CLITANDRE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Et j'ai eu un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si considéré en son temps, que d'avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage d'outre-mer.

Je le veux croire.

CLITANDRE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Il m'a été rapporté, Monsieur, que vous aimez et poursuivez une jeune personne, qui est ma fille, pour laquelle je m'intél'homme resse, et pour que vous voyez, qui a l'honneur d'être

mon gendre.

Qui, moi?

CLITANDRE.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Qui; et je suis bien aise de vous parler, pour tirer de vous, s'il vous plaît, un éclaircissement de cette affaire.

CLITANDRE.

Voilà une étrange médisance! Qui vous a dit cela, Monsieur?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Quelqu'un qui croit le bien savoir.

CLITANDRE.

Ce quelqu'un-là en a menti. Je suis honnête homme. Me croyez-vous capable, Monsieur, d'une action aussi lâche que cellelà? Moi, aimer une jeune et belle personne, qui a l'honneur d'être la fille de Monsieur le baron de Sotenville! je vous révère trop pour cela, et suis trop votre serviteur. Quiconque vous l'a dit, est un sot.

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Si je savois qui ce peut être, je lui donnerois en votre présence de l'épée dans le ventre.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Soutenez donc la chose.

GEORGE DANDIN.

Elle est toute soutenue, cela est vrai (1).

CLITANDRE.

Est-ce votre gendre, Monsieur, qui. . .?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Oui, c'est lui-même qui s'en est plaint à moi.

CLITANDRE.

Certes, il peut remercier l'avantage qu'il a de vous appartenir, et sans cela je lui apprendrois bien à tenir de pareils discours d'une personne comme moi.

SCÈNE VI.

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, ANGÉLIQUE,
CLITANDRE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE.

MADAME DE SOTENVILLE.

Pour ce qui est de cela, la jalousie est une étrange chose! J'amène ici ma fille pour

éclaircir l'affaire en présence de tout le

monde.

CLITANDRE.

Est-ce donc vous, Madame, qui avez dit à votre mari que je suis amoureux de vous?

ANGÉLIQUE.

Moi? et comment lui aurois-je dit? Est-ce que cela est ? Je voudrois bien le voir vraiment, que vous fussiez amoureux de moi.

(1) Elle est toute soutenue, il est vrai. (Éd. 1672, 1682.)

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