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Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs.

Elle de se moquer. Ah! vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte! Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne :
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L'âge la fit déchoir: adieu tous les amants.
Un an se passe, et deux, avec inquiétude :
Le chagrin vient ensuite; elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour;
Puis ses traits choquer et déplaire;

Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron.
Les ruines d'une maison

Se peuvent réparer : que n'est cet avantage
Pour les ruines du visage!

Sa préciosité changea lors de langage.

Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disait aussi :
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.

FABLE VI.

LES SOUHAITS.

IL est au Mogol des follets
Qui font office de valets,

Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage,
Et quelquefois du jardinage.

Si vous touchez à leur ouvrage,

Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois
Cultivait le jardin d'un assez bon bourgeois.
Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d'adresse,
Aimait le maître et la maîtresse,

Et le jardin surtout. Dieu sait si les Zéphyrs,
Peuple ami du démon, l'assistaient dans sa tâche!
Le follet, de sa part, travaillant sans relâche,
Comblait ses hôtes de plaisirs.

Pour plus de marques de son zèle, Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté, Nonobstant la légèreté

A ses pareils si naturelle;

Mais ses confrères les esprits

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Firent tant que le chef de cette république,
Par caprice ou par politique,

Le changea bientôt de logis.

Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvége
Prendre le soin d'une maison

En tout temps couverte de neige;

Et d'Indou qu'il était on vous le fait Lapon.
Avant que de partir, l'esprit dit à ses hôtes :
On m'oblige de vous quitter;

Je ne sais pas pour quelles fautes:

Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter

Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine :
Employez-la; formez trois souhaits: car je puis
Rendre trois souhaits accomplis ;

Trois, sans plus. Souhaiter, ce n'est pas une peine
Étrange et nouvelle aux humains.

Ceux-ci, pour premier vœu, demandent l'abondance ;
Et l'Abondance à pleines mains

Verse en leurs coffres la finance,

En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins :
Tout en crève. Comment ranger cette chevance?
Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut!
Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.

Les voleurs contre eux complotèrent;

Les grands seigneurs leur empruntèrent;

Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens

Malheureux par trop de fortune.

Otez-nous de ces biens l'affluence importune,
Dirent-ils l'un et l'autre : heureux les indigents!
La pauvrete vaut mieux qu'une telle richesse.
Retirez-vous, trésors; fuyez: et toi, déesse,
Mère du bon esprit, compagne du repos,
O Médiocrité, reviens vite! A ces mots
La Médiocrité revient. On lui fait place:
Avec elle ils rentrent en grâce,

Au bout de deux souhaits, étant aussi chanceux
Qu'ils étaient, et que sont tous ceux

Qui souhaitent toujours et perdent en chimères
Le temps qu'ils feraient mieux de mettre à leurs affaires.
Le follet en rit avec eux.

Pour profiter de sa largesse,

Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point,

Ils demandèrent la sagesse :

C'est un trésor qui n'embarrasse point.

FABLE VII.

LA COUR DU LION.

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SA majesté lionne un jour voulut connaître
De quelles nations le ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés

Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture

Avec son sceau. L'écrit portait
Qu'un mois durant le roi tiendrait
Cour plénière, dont l'ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.

Par ce trait de magnificence

Le prince à ses sujets étalait sa puissance.

En son louvre il les invita.

Quel louvre! un vrai charnier, dont l'odeur se porta

D'abord

L'ours boucha sa narine :

des au nez gens. Il se fût bien passé de faire cette mine;

sa grimace déplut: le monarque irrité

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