Page images
PDF
EPUB

NOTES.

(1) Ou du babil. (La Bruyère.) On pourrait intituler ce Caractère, De la loquacité. Il se distingue du Caractère 111 par un babil moins insignifiant, mais plus importun. M. Barthélemy a inséré ce Caractère à la suite de l'autre dans son chap. xxvIII du Voyage d'Anacharsis.

(2) Littéralement : « La loquacité, si l'on voulait la définir, pourrait « étre appelée une intempérance de paroles. »

(3) Je crois qu'il faut traduire : « Avez-vous fini? n'oubliez pas vo «<< tre propos, etc. » M. Barthélemy rend ainsi ce passage : « Oui, je sais « de quoi il s'agit, je pourrais vous le raconter au long. Continuez, n'o<< mettez aucune circonstance. Fort bien, vous y êtes; c'est cela << même. Voyez combien il était nécessaire d'en conférer ensemble. >>

(4) C'était un crime puni de mort à Athènes par une loi de Solon, à laquelle on avait un peu dérogé du temps de Théophraste. ( La Bruyère. ) Il parait que cette loi n'était relative qu'au temps où l'on célébrait dans ces gymnases une fête à Mercure, pendant laquelle la jeunesse était moins surveillée qu'à l'ordinaire. (Voyez le Voyage du jeune Anacharsis, chap. VIII, et le chap. v de ces Caractères, note 6.)

(5) « Misere cupis, inquit, abire,

.....

Jamdudum video: sed nil agis; usque tenebo,
Persequar.

Nil habeo quod agam, et non sum piger; usque sequar te; » dit l'importun d'Horace dans la neuvième satire du premier livre, qui mérite d'être comparée avec ce Caractère.

(6) C'est-à-dire, sur la bataille d'Arbelles et la victoire d'Alexandre, suivies de la mort de Darius, dont les nouvelles vinrent à Athènes lorsque Aristophon, célèbre orateur, était premier magistrat. (La Bruyère) Ce n'était pas une raison suffisante pour dire que cette bataille avait été livrée sous l'archontat d'Aristophon. Paulmier de Grentemesnil a cru qu'il était question de la bataille des Lacédémoniens, sous Agis, contre les Macédoniens commandés par Antipater; mais il n'a pas fait attention que dans ce cas Théophraste n'aurait pas ajouté les mots de ceux de Lacédémone au trait suivant seulement. Je crois, avec Corsini, qu'il faut traduire : « sur le combat de l'orateur, c'est-à-dire de Démosthène, arrivé sous Aristophon. » C'est la fameuse discussion sur la couronne que Démosthène croyait mériter, et qu'Eschine lui disputait. Ce combat, qui rassembla toute la Grèce à Athènes, était un sujet de conversation au moins aussi intéressant pour un habitant de cette ville que la bataille d'Arbelles, et il fut livré précisément sous l'archontat d'Aristophon.

(7) Il était plus ancien que la bataille d'Arbelles, mais trivial et su de tout le peuple. (La Bruyère.) C'est la bataille qui finit par la prise d'Athènes, et qui termina la guerre du Péloponnèse, l'an 4 de la quatre-vingt-treizième olympiade..

(8) Le grec dit simplement, «< il vous empêche de jouir du spectacle. (9) Le texte porte : « et il permet que ses enfants l'empêchent de se "livrer au sommeil, en le priant de leur raconter quelque chose pour « les endormir. »

CHAPITRE VIII.

Du débit des nouvelles (1).

Un nouvelliste, ou un conteur de fables, est un homme qui arrange, selon son caprice, des discours et des faits remplis de fausseté; qui, lorsqu'il rencontre l'un de ses amis, compose son visage, et lui souriant, D'où venez-vous ainsi? lui dit-il; que nous direz-vous de bon? n'y a-t-il rien de nouveau ? Et continuant de l'interroger : Quoi donc! n'y a-t-il aucune nouvelle (2)? cependant il y a des choses étonnantes à raconter. Et sans lui donner le loisir de lui répondre, Que dites-vous done? poursuit-il; n'avez-vous rien entendu par la ville? Je vois bien que vous ne savez rien, et que je vais vous régaler de grandes nouveautés. Alors, ou c'est un soldat, ou le fils d'Astée le joueur de flûte (3), ou Lycon l'ingénieur, tous gens qui arrivent fraîchement de l'armée (4), de qui il sait toutes choses; car il allègue pour témoins de ce qu'il avance des hommes obscurs qu'on ne peut trouver pour le convaincre de fausseté (5): il assure donc que ces personnes lui ont dit que le roi (6) et Polysperchon (7) ont gagné la bataille, et que Cassandre, leur ennemi, est tombé vif entre leurs mains (8). Et lorsque quelqu'un lui dit : Mais en vérité cela est-il croyable? il lui réplique que cette nouvelle se crie et se répand par toute la ville, que tous s'accordent à dire la même chose, que c'est tout ce qui se raconte du combat (9), et qu'il y a eu un grand carnage. Il ajoute qu'il a lu cet événement sur le visage de ceux qui gouvernent (10); qu'il y a un homme caché chez l'un de ces magistrats depuis cinq jours, qui revient de la Macédoine, qui a tout vu, et qui lui a tout dit. Ensuite, interrompant le fil de sa narration, Que pensez-vous de ce succès ? demande-t-il à ceux qui l'écoutent (11). Pauvre Cassandre! malheureux prince! s'écrie-t-il d'une manière touchante : voyez ce que c'est que la fortune! car enfin Cassandre était puissant, et il avait avec lui de grandes forces. Ce que je vous

dis, poursuit-il, est un secret qu'il faut garder pour vous seul ; pendant qu'il court par toute la ville le débiter à qui le veut entendre. Je vous avoue que ces diseurs de nouvelles me donnent de l'admiration (12), et que je ne conçois pas quelle est la fin qu'ils se proposent car, pour ne rien dire de la bassesse qu'il y a à toujours mentir, je ne vois pas qu'ils puissent recueillir le moindre fruit de cette pratique; au contraire, il est arrivé à quelques-uns de se laisser voler leurs habits dans un bain public, pendant qu'ils ne songeaient qu'à rassembler autour d'eux une foule de peuple, et à lui conter des nouvelles. Quelques autres, après avoir vaincu sur mer et sur terre dans le Portique (13), ont payé l'amende pour n'avoir point comparu à une cause appelée. Enfin il s'en est trouvé qui, le jour même qu'ils ont pris une ville, du moins par leurs beaux discours, ont manqué de dîner. Je ne crois pas qu'il y ait rien de si misérable que la condition de ces personnes : car quelle est la boutique, quel est le portique, quel est l'endroit d'un marché public où ils ne passent tout le jour à rendre sourds ceux qui les écoutent, ou à les fatiguer par leurs mensonges?

NOTES.

(1) Théophraste désigne ici par un seul mot l'habitude de forger de fausses nouvelles. M. Barthélemy a imité une partie de ce Caractère à la suite de ceux sur lesquels j'ai déjà fait la même remarque.

(2) Littéralement : « Et il l'interrompra en lui demandant : Comment! << on ne dit donc rien de plus nouveau?

(3) L'usage de la flùte, très-ancien dans les troupes. (La Bruyère.) (4) Le grec porte, « qui arrivent de la bataille même. »

(5) Je crois avec M. Coray qu'il faut traduire : « car il a soin de choi<< sir des autorités que personne ne puisse récuser. »

(6) Aridée, frère d'Alexandre le Grand. (La Bruyère.)

(7) Capitaine du même Alexandre. (La Bruyère.)

(8) C'était un faux bruit; et Cassandre, fils d'Antipater, disputant à Aridée et à Polysperchon la tutelle des enfants d'Alexandre, avait eu de l'avantage sur eux. (La Bruyère.) D'après le titre et l'esprit de ce Caractère, il n'y est pas question de faux bruits, mais de nouvelles fabriquées à plaisir par celui qui les débite.

(9) Plus littéralement : « que le bruit s'en est répandu dans toute la « ville, qu'il prend de la consistance, que tout s'accorde, et que tout le « monde donne les mêmes détails sur le combat. >>

(10) Le texte ajoute, « qui en sont tout changés. » Cassandre favorisait le gouvernement aristocratique établi à Athènes par son père; Polysperchon protégeait le parti démocratique. (Voyez la note 17 du Discours sur Théophraste.)

(11) Au lieu de, « Ensuite, etc. » le grec porte: « Et, ce qui est à peine «<croyable, en racontant tout cela, il fait les lamentations les plus na<< turelles et les plus persuasives. »

(12) « M'étonnent. »

(13) Voyez le chapitre de la Flatterie. (La Bruyère, chap. II, note 1.)

CHAPITRE IX.

De l'effronterie causée par l'avarice (1).

Pour faire connaître ce vice, il faut dire que c'est un mépris de l'honneur dans la vue d'un vil intérêt. Un homme que l'avarice rend effronté ose emprunter une somme d'argent à celui à qui il en doit déjà, et qu'il lui retient avec injustice (2). Le jour même qu'il aura sacrifié aux dieux, au lieu de manger religieusement chez soi une partie des viandes consacrées (3), il les fait saler pour lui servir dans plusieurs repas, et va souper chez l'un de ses amis; et là, à table, à la vue de tout le monde, il appelle son valet, qu'il veut encore nourrir aux dépens de son hôte; et lui coupant un morceau de viande qu'il met sur un quartier de pain, Tenez, mon ami, lui dit-il, faites bonne chère (4). Il va lui-même au marché acheter des viandes cuites (5); et avant que de convenir du prix, pour avoir une meilleure composition du marchand, il le fait ressouvenir qu'il lui a autrefois rendu service. Il fait ensuite peser ces viandes, et il en entasse le plus qu'il peut : s'il en est empêché par celui qui les lui vend, il jette du moins quelques os dans la balance : si elle peut tout contenir, il est satisfait; sinon, il ramasse sur la table des morceaux de rebut, comme pour se dédommager, sourit, et s'en va. Une autre fois, sur l'argent qu'il aura reçu de quelques étrangers pour leur louer des places au théâtre, il trouve le secret d'avoir sa part franche du spectacle, et d'y envoyer (6) le lendemain ses enfants et leur précepteur (7). Tout lui fait envie ; il veut pro

fiter des bons marchés, et demande hardiment au premier venu une chose qu'il ne vient que d'acheter. Se trouve-t-il dans une maison étrangère, il emprunte jusques à l'orge et à la paille (8); encore faut-il que celui qui les lui prête fasse les frais de les faire porter jusque chez lui. Cet effronté, en un mot, entre sans payer dans un bain public, et là, en présence du baigneur, qui crie inutilement contre lui, prenant le premier vase qu'il rencontre, il le plonge dans une cuve d'airain qui est remplie d'eau, se la répand sur tout le corps (9). Me voilà lavé, ajoute-t-il, autant que j'en ai besoin, et sans en avoir obligation à personne; remet sa robe, et disparaît.

NOTES.

(1) Le mot grec ne signifie proprement que l'impudence, et Aristote ne lui donne pas d'autre sens; mais Platon le définit comme Théophraste. (Voyez les notes de Casaubon.)

(2) On pourrait traduire plus exactement, «‹ à celui auquel il en a déjà fait perdre, ou, d'après la traduction de M. Levesque, « à celui qu'il « a déjà trompé.

[ocr errors]

(3) C'était la coutume des Grecs. Voyez le chapitre du Contre-temps. (La Bruyère.) On verra dans le chapitre XII, note 4, que non-seulement << on mangeait chez soi une partie des viandes consacrées,» mots que la Bruyère a insérés dans le texte, mais qu'il était même d'usage d'inviter ce jour-là ses amis, ou de leur envoyer une portion de la victime, (4) Dans le temps du luxe excessif de Rome, la conduite que Théophraste traite ici d'impudence aurait été très-modeste; car alors, dans les grands diners, on faisait emporter beaucoup de choses par son esclave, soit sur les instances du maître, soit aussi sans en être prié. Mais les savants qui ont cru voir cette coutume dans notre auteur me paraissent avoir confondu les temps et les lieux. Du temps d'Aristophane, c'est-à-dire environ un siècle avant Théophraste, c'étaient même les convives qui apportaient la plus grande partie des mets avec eux; et celui qui donnait le repas ne fournissait que le local, les ornements et les hors-d'œuvre, et faisait venir des courtisanes. (Voyez Aristoph., Acharn., v. 1085 et suiv., et le Scol.)

(5) Comme le menu peuple, qui achetait son souper chez le charcutier. La Bruyère.) Le grec ne dit pas des viandes cuites, et la satire ne porte que sur la conduite ridicule que tient cet homme envers son bou cher.

(6) Le grec dit, « d'y conduire. >>

(7) Leur pédagogue. C'était, comme dit M. Barthélemy, chapitre XXVI, un esclave de confiance chargé de suivre l'enfant en tous lieux, et surtout chez ses différents maitres.

« PreviousContinue »