Page images
PDF
EPUB

Grèce provenait de l'accouplement de cet animal et du renard. Byzance, devenue depuis Constantinople, était déjà une ville importante du temps de Théophraste. Cyzique était un port de la Mysie, sur la Propontide.

(9) Une espèce de singes. (La Bruyère.) Des singes à courte queue, disent les scoliastes de ce passage.

(10) Vraisemblablement d'os de gazelles de Libye, comme ceux dont parle Lucien (in Amorib. lib. I). Des dés d'os de chèvre ne vaudraient pas la peine d'être cités.

(II) Littéralement, « des flacons bombés de Thurium, » ou, d'après une autre leçon, « de Tyr, » ou plutôt « de sable tyrien, » c'est-à-dire de verre, pour la fabrication duquel on se servait alors de ce sable exclusivement, ce qui donnait une très-grande valeur à cette matière. On ne connaît aucune fabrique célèbre de vases dans les différentes villes qui portèrent le nom de Thurium. Ce ne fut que du temps des Romains que les ustensiles de verre cessèrent d'être chers, et qu'on put les avoir à un prix très-bas. (Voyez Strab. liv. XVI, suivant la correction certaine de Casaubon. Cette note m'a été communiquée par M. Visconti.)

(12) Le grec dit : « Ils ont chez eux une petite cour en forme de pa«<lestre, renfermant une arène et un jeu de paume. » Les palestres étaient en petit ce que les gymnases étaient en grand.

(13) Une sorte de philosophes vains et intéressés. (La Bruyère.) A la fois philosophes et rhéteurs, ils instruisaient les jeunes gens par leurs leçons chèrement payées, et amusaient le public par des déclamations et des dissertations solennelles.

(14) Leur palestre.

(15) Chaque interprète a sa conjecture particulière sur ce passage altéré ou elliptique. Je propose de mettre simplement le dernier pronom au pluriel, et de traduire, au lieu de «< ils se trouvent présents, etc.,» << ensuite dans les représentations ils disent à leur voisin, en parlant « des spectateurs, la palestre est à eux. » De cette manière, ce trait rentre entièrement dans le caractère du complaisant, tel qu'il est défini par Aristote.

CHAPITRE VI.

De l'image d'un coquin (1).

Un coquin est celui à qui les choses les plus honteuses ne coûtent rien à dire ou à faire; qui jure volontiers, et fait des serments en justice autant qu'on lui en demande; qui est perdu de réputation, que l'on outrage impunément; qui est un chicaneur (2) de profession, un effronté, et qui se mêle de toutes sortes d'affaires. Un homme de ce caractère entre sans masque dans une danse comique (3), et même sans être ivre ; mais de

sang-froid il se distingue dans la danse la plus obscène (4) par les postures les plus indécentes. C'est lui qui, dans ces lieux où l'on voit des prestiges (5), s'ingère de recueillir l'argent de chacun des spectateurs, et qui fait querelle à ceux qui, étant entrés par billets, croient ne devoir rien payer (6). Il est d'ailleurs de tous métiers: tantôt il tient une taverne, tantôt il est suppôt de quelque lieu infâme, une autre fois partisan (7); il n'y a point de si sale commerce où il ne soit capable d'entrer. Vous le verrez aujourd'hui crieur public, demain cuisinier ou brelandier (8): tout lui est propre. S'il a une mère, il la laisse mourir de faim (9). Il est sujet au larcin, et à se voir traîner par la ville dans une prison, sa demeure ordinaire, et où il passe une partie de sa vie. Ce sont ces sortes de gens que l'on voit se faire entourer du peuple, appeler ceux qui passent, et se plaindre à eux avec une voix forte et enrouée, insulter ceux qui les contredisent. Les uns fendent la presse pour les voir, pendant que les autres, contents de les avoir vus, se dégagent et poursuivent leur chemin sans vouloir les écouter; mais ces effrontés continuent de parler : ils disent à celui-ci le commencement d'un fait, quelque mot à cet autre; à peine peut-on tirer d'eux la moindre partie de ce dont il s'agit (10) ; et vous remarquerez qu'ils choisissent pour cela des jours d'assemblée publique, où il y a un grand concours de monde, qui se trouve le témoin de leur insolence. Toujours accablés de procès que l'on intente contre eux, ou qu'ils ont intentés à d'autres, de ceux dont ils se délivrent par de faux serments, comme de ceux qui les obligent de comparaître, ils n'oublient jamais de porter leur boîte (11) dans leur sein, et une liasse de papiers entre leurs mains: vous les voyez dominer parmi de vils praticiens (12) à qui ils prêtent à usure, retirant chaque jour une obole et demie de chaque drachme (13); ensuite fréquenter les tavernes, parcourir les lieux où l'on débite le poisson frais ou salé, et consumer ainsi en bonne chère tout le profit qu'ils tirent de cette espèce de trafic. En un mot, ils sont querelleurs et difficiles, ont sans cesse la bouche ouverte à la calomnie,

ont une voix étourdissante, et qu'ils font retentir dans les marchés et dans les boutiques.

NOTES.

(1) De l'effronterie.

(2) Le mot grec employé ici, et qui se retrouve encore à la fin du chapitre, signifie un homme qui se tient toujours sur le marché, et qui cherche à gagner de l'argent, soit par des dénonciations ou de faux témoignages dans les tribunaux, soit en achetant des denrées pour les revendre, métier odieux chez les anciens. (Voyez les notes de Duport sur ce passage.)

(3) Sur le théâtre avec des farceurs. (La Bruyère.)

(4) Cette danse, la plus déréglée de toutes, s'appelait en grec cordax, parce que l'on s'y servait d'une corde pour faire des postures. ( La Bruyère.) Cette étymologie est inadmissible, car le terme grec d'ou nous vient le mot de corde commence par une autre lettre que le mot cordax, et ne s'emploie que pour des cordes de boyau, t telles que cells de la lyre et de l'arc. Casaubon n'a cru que le cordax se dansait avec une corde que parce qu'Aristophane dit quelque part cordacem trahere, et peut-être parce qu'il se rappelait que, dans les Adelphes de Térence, acte IV, scène VII, Demea demande, Tu inter eas restim ductans saltabis? Mais, quoique dans cette phrase la corde soit expressément nommée, Donatus pense qu'il n'y est question que de se donner la main; et c'est aussi tout ce qu'on peut conclure de l'expression d'Aristophane au sujet du cordax. M. Visconti, auquel je dois cette observation, s'en sert dans un mémoire inédit sur le bas-relief des danseuses de la villa Borghese, pour éclaircir le passage célèbre de Tite-Live, liv. XVII, chap. XXXVII, où, en parlant d'une danse sacrée, cet auteur se sert de l'expression restim dare.

(5) Choses fort extraordinaires, telles qu'on en voit dans nos foires. (La Bruyère.)

(6) Le savant Coray a observé avec raison qu'il faut ajouter une négation à cette phrase. Je traduis : « à ceux qui n'ont point de billet, et « veulent jouir du spectacle gratis. » Il est question ici de farces jouées en pleine rue, et dont par conséquent, sans la précaution de distribuer des billets à ceux qui ont payé, et d'employer quelqu'un à quereller ceux qui n'en ont pas, tout le monde peut jouir. Cette observation, qui n'avait pas encore été faite, contredit l'induction que le savant auteur du Voyage du jeune Anacharsis a tirée de ce passage dans le chapitre LXX de cet ouvrage.

(7) La Bruyère désigne ordinairement par ce mot les riches financiers; ici il n'est question que d'un simple commis au port, ou de quelque autre employé subalterne de la ferme d'Athènes.

[ocr errors]

(8) Joueur de dés. Aristote donne une raison assez délicate du mal qu'il trouve dans un jeu intéressé. On y gagne, dit-il, l'argent de ses « amis, envers lesquels on doit au contraire se conduire avec généro" sité. »

(9) La loi de Solon, qui n'était en cela que la sanction de la loi de la nature et du sentiment, ordonnait de nourrir ses parents, sous peine d'infamie.

(10) Cette circonstance est ajoutée par la Bruyère; Théophraste ne parle que de l'impudence qu'il y a à continuer une harangue dans les rues, quoique personne n'y fasse attention, et que chaque phrase s'adresse à un public différent.

(11) Une petite boite de cuivre fort légère, où les plaideurs mettaient leurs titres et les pièces de leurs procès. (La Bruyère.) C'était au contraire un grand vase de cuivre ou de terre cuite, placé sur la table des juges pour y déposer les pièces qu'on leur soumettait; et Théophraste ne se sert ici de ce terme que pour plaisanter sur l'énorine quantité de papiers dont se chargent ces chicaneurs. (Voyez le scol. d'Aristophane, Vesp. 1427, et la scolie sur ce passage de Théophraste donnée par Fischer.)

(12) Ici le mot grec dont j'ai déjà parlé dans la note 2 ne peut avoir d'autre signification que celle des petits marchands de comestibles auxquels l'effronté prète de l'argent, et chez lesquels il va ensuite en retirer les intérêts, en mettant cet argent dans la bouche, comme c'était l'usage parmi le bas peuple d'Athènes. Casaubon avait fait sur ce dernier point une note aussi juste qu'érudite, et la Bruyère n'aurait pas dù s'écarter de l'explication de ce savant.

(13) Une obole était la sixième partie d'une drachme. (La Bruyère.) L'effronté prend donc un quart du capital par jour. ( Voyez sur l'usure d'Athènes le Voyage du jeune Anacharsis, chap. LV.)

CHAPITRE VII.

Du grand parleur (1).

Ce que quelques-uns appellent babil est proprement une intempérance de langue qui ne permet pas à un homme de se taire (2). Vous ne contez pas la chose comme elle est, dira quelqu'un de ces grands parleurs à quiconque veut l'entretenir de quelque affaire que ce soit j'ai tout su, et si vous vous donnez la patience de m'écouter, je vous apprendrai tout. Et si cet autre continue de parler : Vous avez déjà dit cela (3); songez, poursuit-il, à ne rien oublier. Fort bien; cela est ainsi, car vous m'avez heureusement remis dans le fait ; voyez ce que c'est que de s'entendre les uns les autres! Et ensuite : Mais que veux-je dire? Ah! j'oubliais une chose: oui, c'est cela même, et je voulais voir si vous tomberiez juste dans tout ce que j'en ai appris. C'est par de telles ou semblables interrup

tions qu'il ne donne pas le loisir à celui qui lui parle de respirer; et lorsqu'il a comme assassiné de son babil chacun de ceux qui ont voulu lier avec lui quelque entretien, il va se jeter dans un cercle de personnes graves qui traitent ensemble de choses sérieuses, et les met en fuité. De là il entre dans les écoles publiques et dans les lieux des exercices (4), où il amuse les maîtres par de vains discours, et empêche la jeunesse de profiter de leurs leçons. S'il échappe à quelqu'un de dire, Je m'en vais, celui-ci se met à le suivre, et il ne l'abandonne point qu'il ne l'ait remis jusque dans sa maison (5). Si par hasard il a appris ce qui aura été dit dans une assemblée de ville, il court dans le même temps le divulguer. Il s'étend merveilleusement sur la fameuse bataille qui s'est donnée sous le gouvernement de l'orateur Aristophon (6), comme sur le combat célèbre que ceux de Lacédémone ont livré aux Athéniens sous la conduite de Lysandre (7). Il raconte une autre fois quels applaudissements a eus un discours qu'il a fait dans le public, en répète une grande partie, mêle dans ce récit ennuyeux des invectives contre le peuple; pendant que de ceux qui l'écoutent, les uns s'endorment, les autres le quittent, et que nul ne se ressouvient d'un seul mot qu'il aura dit. Un grand causeur, en un mot, s'il est sur les tribunaux, ne laisse pas la liberté de juger; il ne permet pas que l'on mange à table; et s'il se trouve au théâtre, il empêche non-seulement d'entendre, mais même de voir les acteurs (8). On lui fait avouer ingénument qu'il ne lui est pas possible de se taire, qu'il faut que sa langue se remue dans son palais comme le poisson dans l'eau ; et que, quand on l'accuserait d'être plus babillard qu'une hirondelle, il faut qu'il parle : aussi écoute-t-il froidement toutes les railleries que l'on fait de lui sur ce sujet ; et jusques à ses propres enfants, s'ils commencent à s'abandonner au sommeil, Faites-nous, lui disent-ils, un conte qui achève de nous endormir (9).

« PreviousContinue »