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avec une magnifique libéralité, de la grande fortune que ses travaux lui avaient acquise, lorsqu'il fut invité, en 1620, . à venir à Paris décorer de peintures la grande galerie du palais du Luxembourg. Marie de Médicis ('), après de longues discordes, venait de se réconcilier avec le roi Louis XIII, son fils, et allait désormais habiter ce palais récemment achevé. Elle souhaita que les appartements, et particulièrement la grande galerie attenante à sa chambre, fussent décorés par la main d'un peintre illustre. Le baron de Vicq, ambassadeur à la cour de France de l'archiduc Albert et de l'infante Isabelle, qui gouvernaient alors les provinces flamandes, proposa à la reine de confier ce travail au grand artiste d'Anvers. Rubens, mandé à Paris, se mit en route aussitôt et fut reçu par la reine de la manière la plus flatteuse. Elle lui demanda de retracer en vingt et un grands tableaux les principaux faits de son histoire. Rubens peignit à Paris, en 1621, les esquisses de tous ces tableaux; mais ce fut à Anvers qu'il les exécuta avec l'aide de ses plus habiles élèves. Il revint à Paris, au mois de février 1625, apportant ces immenses toiles que l'on peut voir aujourd'hui au Musée du Louvre, où elles ont été transportées lorsque la galerie qu'elles décoraient au palais du Luxembourg fut remaniée et en partie détruite pour faire place à l'escalier qui conduit actuellement au Sénat. Rubens s'était réservé de mettre la dernière main à ses tableaux lorsqu'ils seraient en place; il désirait surtout, avant de terminer les nombreux portraits qui font partie de ces vastes compositions, revoir quelques-uns des modèles. Quand il eut enfin achevé cette grande entreprise, il fit encore, à la prière de Marie de Médicis, le portrait de cette princesse en Bellone, ainsi que ceux de son père François de Médicis et de sa mère Jeanne d'Autriche, grande-duchesse de Toscane; puis il voulut faire le portrait du baron de Vicq, à qui, dès 1621, il avait témoigné sa reconnaissance en lui envoyant un tableau représentant la Vierge et l'Enfant Jésus. Le portrait du baron de Vicq appartient, depuis 1850, au Musée du Louvre.

Le tableau que représente notre gravure est le cinquième de toute la suite. Il a pour sujet la cérémonie du mariage de la reine, qui fut célébré le 15 octobre 1600, à Florence, dans l'église de Sainte-Marie des Fleurs. Henri IV faisait alors la guerre au duc de Savoie; ce fut le grandduc de Toscane, Ferdinand, oncle de Marie de Médicis, qui épousa la princesse au nom du roi, par procuration, et c'est lui qu'on voit en face d'elle dans le tableau. Debout derrière eux est le cardinal Pierre Aldobrandini, par qui fut donnée la bénédiction nuptiale. Derrière la reine se tiennent Christine de Lorraine, grande- duchesse de Toscane, et Éléonore de Médicis, duchesse de Mantoue. Du côté du grand-duc, on voit Roger de Bellegarde, grand écuyer de France, porteur de la procuration de Henri IV, et le marquis de Sillery, qui avait conduit les négociations du mariage. Enfin une figure d'enfant qui tient un flambeau et porte la robe de la reine personnifie I'llymen; car Rubens, dans ce tableau comme dans toute l'histoire de Marie de Médicis et dans la plupart de ses grandes compositions, a mêlé l'allégorie aux faits de l'histoire et introduit les divinités païennes jusque dans le sanctuaire d'une église chrétienne. Aucun peintre n'a moins tenu compte des nécessités ou des simples convenances du sujet qu'il se proposait de traiter; se laissant aller indifféremment où l'emportaient les qualités et les défauts de son puissant génie, pourvu que sa composition eût l'abondance, la pompe et l'éclat qui plaisaient à son imagination, il lui importait peu de choquer la vraisemblance ou de compromettre la dignité de la pensée. Assurément (') Voy., sur Marie de Médicis, t. Ier, 1833, p. 289, et sur Rubens, la Table des vingt premières années.

ce génie païen que l'on voit au pied de l'autel trouble singulièrement l'impression morale de cette scène historique; l'attitude du grand écuyer n'est point celle qui convient, dans un pareil moment, à l'envoyé d'un roi de France; cette guirlande de légumes suspendue aux colonnes du temple est d'un goût déplorable; mais quelle finesse et quelle solidité dans les têtes! avec quelle habileté la lumière est distribuée! comme toutes les parties de ce tableau, figures et accessoires, dont l'importance respective est peut-être mal observée, sont à leur place et avec leur juste valeur, si l'on ne veut considérer que l'effet pittoresque! Rubens est peintre uniquement, et c'est cet effet seulement qu'il veut atteindre et à.quoi il fait tout contribuer.

Marie de Médicis avait le projet de faire construire dans son palais une seconde galerie parallèle à la première, et où Rubens devait représenter l'histoire allégorique de Henri IV, en pendant à celle de la reine. Le grand peintre commença même à travailler à cette nouvelle série de compositions; mais des intrigues de cour traversèrent ces projets. Dans des lettres de Rubens qui ont été publiées il y a quelques années, on trouve des allusions continuelles à ce travail, qui lui a été demandé et qu'on essaye de lui ravir. Il avait été averti par l'ambassadeur de Flandre que le cardinal de Richelieu, puissant déjà, voulait lui opposer un peintre italien, le Joseppin, dans le même moment où, pour mieux le tromper, il lui écrivait qu'il « voulait avoir deux tableaux de sa main. » Aucun des deux peintres ne fut chargé d'exécuter ces peintures; la galerie ne fut même pas construite. La reine mère partit bientôt pour l'exil, où elle devait misérablement terminer sa vie.

LES CLOCHES D'ACIER.

Depuis dix ans environ s'agite sérieusement la question de remplacer les cloches de gros calibre en bronze par des cloches en acier fondu. La première apparition de ce nouveau produit a eu lieu à l'Exposition internationale de Paris, en 1855, et depuis lors les progrès réalisés dans cette branche d'industrie ont de plus en plus montré sa supériorité sous tous les rapports. C'est une question, comme l'on dit, à l'ordre du jour.

Les cloches tirent leur puissance, c'est-à-dire la longue portée de leur son, du degré d'élasticité de la matière combinée à la grandeur de la masse métallique mise en vibration. Jusqu'à ces derniers temps, pour atteindre le mieux possible ce résultat, on s'était exclusivement servi d'un alliage formé de 78 parties de cuivre rouge et 22 parties d'étain, alliage vulgairement nommé potin, ou métal de cloche. C'est un composé d'un ton gris, très-dur, non malléable, et partant assez fragile. Son prix, élément capital de la question, s'éloigne peu de 3 fr. 50 cent. le kilogramme, valeur moyenne des métaux qui servent à le produire. C'est une valeur considérable et qui fait des cloches de gros calibre un objet trés-dispendieux. Or, en substituant à cet alliage l'acier fondu, on entre dans le domaine du fer, métal au contraire très-peu coûteux, et l'on ouvre ainsi à cette branche de l'industrie du fondeur une voie pleine d'avenir.

Toute la difficulté réside dans la fusion en grand de l'acier qui ne peut s'opérer en tous lieux, qui exige une très-haute température, et qui dévore, par ses scories, les fourneaux les plus réfractaires. C'est au point qu'en France, pays où se fait la plus grande consommation de ces instruments, il n'existe encore aucune fonderie de cloches en acier; il faudrait les tirer d'Angleterre ou d'Allemagne.

Les principaux avantages des cloches en acier fondu sur les cloches en bronze sont qu'à égalité dans la portée

et l'intensité du son, elles exigent moitié moins de matière, et que l'acier convenable coûte 40 pour 100 de moins que l'autre métal. Si les cloches en acier sont beaucoup plus minces, loin d'être plus fragiles, elles résistent plus à la casse et leur son est tout aussi harmonieux.

celle d'un ressort et maintenant son élasticité et sa ténacité au plus haut degré, sans lui faire encourir le danger de la casse. Il doit donc exister dans la fabrication de ces nouvelles cloches des moyens particuliers pour leur communiquer une trempe modérée et uniformément répartie; autrement leur sonorité ne serait que médiocre, et le battant ne manquerait pas d'y creuser rapidement son empreinte. On sait assez, en effet, que l'acier non trempé est malléable, bien qu'assez dur; et qui dit malléable dit susceptible de se déformer sous un choc quelconque proportionnellement à l'intensité et à la répétition de ce choc. Or la destination des cloches les soumet précisément à des coups aussi rudes que répétés, qui limiteraient sensiblement, par ce seul fait, leur durée, si le métal n'était

Ces données résultent des travaux exécutés dans la maison Taylor, Vickers et Cie, de Sheffield, qui fabrique couramment des cloches d'acier depuis le diamètre de 12 pouces anglais jusqu'à celui de 8 pieds et au delà; elle en vend déjà plus de six cents chaque année. Le poids et le prix des nouvelles cloches, par rapport aux cloches en potin, peuvent s'établir ainsi : - Cloche en acier du plus grand modèle: 8 pieds 6 pouces; poids, 7000 kilogrammes; prix, 16 000 francs. Cloche en bronze de même diamètre: 14000 kilogrammes; prix, 50 000 francs, c'est-à-pas durci suffisamment. Il faut donc, en définitive, arriver dire largement trois fois plus.

Dans ces circonstances, voyons quel parti il conviendrait de prendre en France, et quels seraient les avantages qui pourraient résulter de ce changement.

Naturellement on serait d'abord obligé de s'adresser à l'Angleterre ou à l'Allemagne, et il serait prudent de ne faire venir d'abord que des jeux ou carillons d'un calibre moyen, qu'on pourrait alors soumettre à de rudes épreuves, afin de constater leur résistance, attestée, du reste, par les certificats nombreux de membres du clergé reproduits dans le prospectus des fabricants anglais.

Le métal des anciennes cloches, étant propre à servir avec addition de cuivre pour diverses industries courantes, et possédant une valeur intrinsèque de 3 francs environ par kilogramme, serait plus que suffisant pour payer l'établissement de cloches en acier plus légères et ne chargeant pas autant les charpentes; de sorte qu'il est vrai de dire qu'à la faveur de cette invention tout village pourrait même, sans bourse délier, changer sa cloche fêlée contre une cloche neuve plus puissante; sans compter que les prix indiqués ci-dessus, loin d'être modérés, sont presque le double de la valeur réelle de l'acier fondu propre à cet emploi.

Après la question d'aptitude et de dépense qui semble déjà résolue, il reste la question de durée qui ne peut être jugée en aussi peu de temps; mais on peut la pressentir. Il existe deux causes de destruction différentes, l'une provenant de l'action de l'air humide qui engendre la rouille, et l'autre du choc du battant qui, à la longue, creuse son empreinte sur deux bords opposés de la cloche, et peut la mettre hors de service.

Sous ces deux rapports, le métal de cloche a fait ses preuves depuis bien longtemps; c'est l'alliage de métaux communs qui s'oxyde le moins, et sa résistance à la déformation est considérable, puisque nous avons établi en commençant que c'était un composé excessivement dur, assez fragile et dépourvu de malléabilité, tous caractères particuliers aux corps que la percussion ne déforme pas. L'acier est, dans le fait, un métal très-oxydable si l'on veut parler de pièces polies exemptes de tout enduit et exposées pendant très-longtemps dans un lieu humide et à un air confiné; mais quand il s'agit de grosses masses exposées à l'air incessamment renouvelé, c'est l'air sec qui domine, et il a très-peu de prise sur l'écorce de l'acier fondu; d'autant mieux qu'un simple frottis de suif suffirait, au moyen du plus simple entretien, pour conserver les cloches intactes à travers les siècles: il n'y a rien à craindre de ce côté.

La seconde question, qui paraît moindre, est. au contraire, plus grave. L'acier fondu, tel qu'il convient à une cloche, ne peut être de l'acier fortement trempé, ce qui le rendrait trop fragile; il est nécessaire cependant que, cet acier possède une certaine trempe, approchant de

à un juste tempérament. C'est là le problème capital, et les expériences faites en Angleterre et en Allemagne paraissent indiquer qu'il est suffisamment résolu.

LA SOLOGNE.

On regrette d'être obligé d'avouer qu'il existe encore au dix-neuvième siècle, en France, quelques contrées malheureuses frappées de stérilité depuis plusieurs siècles par des causes demeurées inconnues. A l'infécondité du sol s'ajoutent des influences insalubres qui en déciment les habitants. Ce sont les Landes, dans la Gascogne, qui représentent 450 000 hectares; la Dombes, dans le département de l'Ain, 90 000 hectares; le Forez, dans la Loire, 100 000 hectares; la Brenne, dans l'Indre, 105 000 hectares; et la Sologne, dans les départements du Loiret, du Cher et de Loir-et-Cher, comprenant 460 000 hectares.

Il y a vingt ans, le voyageur qui se rendait à Paris, venant du midi de la France, traversait, de Vierzon à Orléans, une contrée désolée, sur une route difficile, sablonneuse, déserte. On ne voyait au loin ni château, ni ferme, ni village; quelques misérables masures isolées, perdues le long de cette triste route; quelques arbres rabougris, fermant un horizon monotone et désolé. Les chevaux traînaient péniblement, au pas, la lourde diligence engagée dans le sable. Ce trajet pénible à travers la Sologne durait onze heures. Il est aujourd'hui d'une heure et demie en chemin de fer.

La Sologne est cette partie de l'ancienne province de l'Orléanais comprise entre Orléans et Vierzon, entre le Cher et le val de la Loire, depuis Blois jusqu'à la hauteur de Gien environ; elle comprend 110 communes. La population moyenne de la Sologne est de 20 habitants par hectare, tandis que la moyenne pour toute la France est de 69 habitants.

Le sol de la Sologne est siliceux ou silico-argileux; c'est un sable fin, compacte, dont la couche plus ou moins profonde repose sur un sous-sol argileux imperméable. Toutes les cultures, les racines surtout, pourraient y réussir après que le sol aurait été assaini, amendé et fumé.

Le climat de la Sologne est celui du centre de la France, mais beaucoup plus humide à cause de l'évaporation des eaux retenues à la surface du sol par l'imperméabilité du sous-sol et par de trop nombreux étangs. Les surfaces envahies par les eaux d'une manière permanente, étangs, mares et marécages, sont évaluées à 15 000 hectares! Il faut ajouter d'innombrables flaques d'eau qui restent sur le sol après une abondante pluie et passent peu à peu dans l'atmosphère.

Les maisons peu aérées, mal closes, assises sur un sol humide, dépourvues de caves, presque démeublées, attestent la misère des habitants. On rencontre fréquemment, au milieu des landes, des huttes de sauvages, bâties par

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l'on peut réaliser en appliquant avec prudence et discernement le capital à l'amélioration lente et progressive du sol. Pour assurer l'assainissement et la viabilité de la Sologne, on parait avoir en vue les moyens suivants: le curage des cours d'eau; la canalisation du Beuvron jusqu'à Lamotte, et la construction de nombreuses routes agricoles.

invisible, et, pour ainsi dire, la représentation sur la terre du drame céleste. Il est bien digne également d'attention de voir le trépassé laisser de côté toutes ces divinités inférieures dont la mythologie encombrait les temples et qui n'étaient relatives qu'à la vie d'ici-bas, et s'adresser directement, face à face, à l'Etre souverain. L'âme, une fois détachée de son corps, ne connait plus d'autre maître que ce père céleste. « J'ai marché à travers les ténèbres vers mon père Osiris. Je suis son bien-aimé. Je suis venu pour voir mon père Osiris. J'ai percé le cour de Sut (le principe du mal). Je fais les choses de mon père Osiris. J'ai ou

L'imperméabilité du sous-sol transforme les terres en marécages il faut faciliter l'écoulement des eaux. Les terres manquent d'un élément indispensable de fécondité, l'élément calcaire: il faut leur restituer le calcaire qui leur manque. La marne fait des prodiges dans les sols sablon-vert toutes les portes dans le ciel et sur la terre. Je suis neux; des marnières assez nombreuses ont été découvertes sur les confins de la Sologne et même dans l'intérieur du pays les routes agricoles serviront à rendre possible le transport de ces marnes, ainsi que la distribution de celles que le chemin de fer du Centre dépose à prix réduit sur les gares de son parcours.

Dans les terrains argileux, la chaux, employée en compost, c'est-à-dire mélangée avec de la terre végétale, produit aussi de merveilleux effets; le phosphate de chaux, le noir animal, sont employés avec succès au défrichement des landes incultes; les chemins rendront facile l'arrivée des amendements et assureront la circulation des produits.

LA PRIÈRE DES TRÉPASSÉS

SELON LE RITUEL ÉGYPTIEN.

Un papyrus d'une certaine étendue découvert à Thèbes, dans les tombeaux des rois, lors de la grande expédition d'Égypte, avait dès cette époque attiré l'attention des savants; car, bien que l'on ne fût pas encore en état de le déchiffrer, les peintures dont il était orné montraient assez que son texte devait rouler sur les cérémonies funèbres et sur les migrations de l'âme après la mort. Un papyrus semblable, mais plus complet et en meilleur état, se rencontra dans le Musée de Turin, et y devint l'objet d'un examen attentif de la part de Champollion, et postérieurement de Lepsius. Comme l'avait bien aperçu Champollion, ce manuscrit est un rituel funèbre; et depuis qu'il est connu, on s'est aperçu que tous les papyrus déposés dans les collections de l'Europe et se rapportant au même sujet ne sont que des extraits plus ou moins développés du même ouvrage. Nous possédons done bien là le rituel canonique. Les observations de Lepsius sur l'exemplaire de Turin prouvent qu'il appartient à la dix-huitième ou à la dix-neuvième dynastie; ce qui prouve que le rituel en question était en usage chez les Égyptiens tout au moins dans le quinzième ou seizième siècle avant l'ère chrétienne, autrement dit, avant la naissance de Moïse; et il est même à croire que sa rédaction remonte à une époque encore plus reculée, car on y découvre les apparences d'une compilation faite sur des monuments plus anciens.

Le livre se partage en cent soixante-cinq sections, dont les quinze premières, sous un titre commun, forment un ensemble qui renferme à peu près tout ce qu'il y a d'essentiel dans les suivantes. Le titre est ainsi conçu: « Ici com» mencent les chapitres de la glorification dans la lumière » d'Osiris. » L'illustration de cette partie est la représentation des funérailles du corps, et au-dessus se distingue le trépassé offrant à Dieu ses prières. Comme l'a justement relevé Lepsius, c'est donc le trépassé lui-même qui est la personne agissante et en quelque sorte l'officiant. C'est en son nom que sont prononcées toutes les paroles: aucune forme ne saurait exprimer d'une manière plus saisissante la réalité de la vie d'outre-tombe. C'est le reflet de ce qui se passe au même moment dans le monde

son fils bien-aimé. Je sors de la mort en esprit instruit. » (Chap. 73).

La prière ou plutôt la déclaration contenue dans le cent vingt-sixième chapitre constitue un morceau encore plus remarquable. C'est un des résumés les plus généraux de la foi égyptienne, car, en raison même de son objet, qui est la justification de l'âme devant son juge naturel, on y trouve les idées relatives à la perfection de la vie céleste, en même temps que les idées relatives à celle de la vie terrestre. C'est, en effet, par celle-ci que l'on mérite de parvenir à la première. Ce morceau a été communiqué au public pour la première fois dans l'ouvrage sur l'Égypte du savant et regrettable Bunsen, qui avait prié M. Birch, conservateur du Musée britannique, de lui en faire dans ce but une traduction; et celui qui écrit ces lignes n'oubliera jamais que, se trouvant chez M. Bunsen au moment où l'on venait de lui remettre le précieux manuscrit, il partagea avec lui l'émotion profonde et légitime causée par la lecture de ce texte empreint d'un sentiment si antique, si moral, si religieux.

L'âme est arrivée devant le tribunal où Dieu lui-même, entouré des quarante-deux juges célestes, doit prononcer son admission parmi les bienheureux, et elle s'exprime ainsi :

« O grand Dieu! Seigneur de vérité ! je suis venu à toi, Seigneur! je suis venu moi-même pour recevoir tes grâces. Je te connais. Je connais ton nom. J'ai connu les noms des quarante-deux divinités qui siégent avec toi au tribunal des deux vérités, vivant pour atteindre les méchants, nourries loin d'eux, au jour de rendre compte des paroles, devant l'Etre bon, le justifié. Ordonnateur des esprits, Seigneur de la vérité, voilà ton nom.

» Et vous, maîtres de la vérité, laissez-moi vous connaître. Je vous ai apporté la vérité. Effacez mes fautes. Je n'ai commis aucun mal secrètement contre l'humanité. Je n'ai affligé personne. Je n'ai pas dit de mensonge devant le tribunal de vérité. Je n'ai pas eu d'accointance

avec le mal. Je n'ai fait aucune chose mauvaise. Je n'ai pas imposé au travailleur au delà de sa tâche journalière. Je n'ai pas laissé mon nom s'approcher de la barque (Je ne me suis pas embarqué sur la mer?)... Je n'ai pas été paresseux. Je n'ai pas failli. Je n'ai pas pris de relâche. Je n'ai pas été faible. Je n'ai pas fait ce qui déplaît aux dieux. Je n'ai pas calomnié l'esclave devant son maître. Je n'ai pas sacrifié (les prêtres seuls avaient ce droit). Je n'ai pas fait pleurer. Je n'ai pas été homicide. Je n'ai donné l'ordre de frapper personne furtivement. Je n'ai fait injure à personne. Je n'ai pas changé les mesures du pays. Je n'ai pas insulté aux images des dieux. Je n'ai pas dérobé le linceul des morts. Je n'ai pas commis d'adultère. Je n'ai pas craché contre les prêtres du Dieu de mon pays. Je n'ai pas falsifié les mesures. Je n'ai pas jetė par terre le poids de la balance. Je n'ai pas fraudé sur le poids de la balance. Je n'ai pas retiré le lait de la bouche des nourrissons. Je n'ai pas chassé les animaux sauvages dans leurs pâturages. Je n'ai pas pris les oiseaux sacrés.

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