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certains sentiments citrà reprehensionem (que n'atteint pas le blâme). J'ai vraiment perdu une excellente compagne, que je pouvais ou plutôt que je devais chérir avec raison, car elle n'avait aucun des défauts de son sexe : point d'humeur, point de faiblesse de femme; elle était toute bonté, tout honneur, aimée de tous pendant sa vie pour ses vertus, et depuis sa mort universellement pleurée. Une telle perte me semble bien digue d'être vivement ressentie. Si le vrai remède de tous les maux est l'oubli qu'engendre le temps, sans doute il faut espérer son secours; mais je trouve bien difficile de séparer la douleur que me cause cette perte du souvenir d'une personne que je dois révérer et honorer

toute ma vie... »

Le portrait de la Pinacothèque de Munich, où Rubens s'est peint lui-même à côté de sa femme, n'est pas le seul qu'il ait fait d'Isabelle Brandt. Il en existe plusieurs autres à Munich dans la même galerie, à la Haye, à Gand, à Florence et dans quelques collections anglaises. Il a représenté aussi un très-grand nombre de fois Hélène Fourment, sa seconde femme, qu'il épousa en 1630, à l'âge de cinquante-trois ans ; non-seulement on connait d'elle beaucoup de portraits, mais on retrouve ses traits dans maint tableau. Elle n'avait que seize ans à l'époque de son mariage. Supérieure par la beauté à Isabelle Brandt et douée des mêmes vertus, elle ne fut pas moins tendrement aimée, de Rubens et répandit la sérénité sur ses dernières années. On voit dans la chapelle funéraire que la veuve du grand peintre fit construire derrière le choeur de l'église Saint-Jacques, à Anvers, au-dessus de la tombe qui renferme ses restes, un tableau qui est une des plus admirables productions de son pinceau. Ce tableau représente la Vierge et l'Enfant entourés de plusieurs saints dans les quels la tradition aflirme, non sans vraisemblance, qu'il faut reconnaître les divers membres de la famille de Rubens. Lui-même s'est peint sous les traits de saint Georges, et dans les figures de Marthe et de Marie placées auprès de lui on retrouve les traits connus d'Isabelle Brandt et d'Hélène Fourment.

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La prophétie de Cazotte est-elle authentique? N'est-ce pas plutôt une de ces supercheries littéraires auxquelles le public se laisse prendre si facilement quand elles sont appuyées par un certain air de bonne foi? Remarquez d'abord que cette prédiction n'a paru qu'après les événements, ce qui doit déjà la rendre suspecte; mais voici qui lève toute espèce de doute. On lit dans la Biographie générale de Didot, article LA HARPE : « On trouve dans ses Euvres posthumes un beau récit intitulé la Vision de Cazotte, et qui, suivant M. Sainte-Beuve, est son chefd'oeuvre. Jamais la Harpe n'avait donné une preuve si remarquable d'invention et de style. Sa fiction a eu l'honneur d'être prise au sérieux et de passer pour une prophétie authentique.

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Et en note:

« Petitot, éditeur des Œuvres posthumes, favorisa cette crreur en supprimant un post-scriptum où la llarpe dé

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clarait que cette prophétie était supposée. (Voy. sur ce point le Journal de la librairie, année 1817, p. 382, 383.) » L'ouvrage de M. Maury et l'extrait que vous en avez donné prouvent que le roman de la Iarpe est encore pris au sérieux, même par des hommes très-instruits.

LA MOSQUÉE DE SOERABAIJA
(ILE DE JAVA).

Un artiste de talent, M. de Molins, a exposé an Salon de cette année un intéressant tableau peint d'après les souvenirs et les études qu'il a rapportés d'un voyage à l'ile de Java. Ce tableau représente la porte d'entrée de l'allée (appelée dans le pays allée Sainte) qui mène à la grande mosquée javanaise de Soërabaija, une des villes principales de l'ile, où les Européens ont des établissements considé, rables, et habitée aussi par les Malais, par les Chinois et par les Arabes. Ces derniers ont aussi leur mosquée, qu'il ne faut pas confondre avec celle-ci, car les Javanais sont musulmans de la secte d'Ali, et ne célébrent point leur culte dans les mêmes temples que les mahométans proprement dits.

La porte de l'allée Sainte est un des lieux les plus fréquentés; c'est le rendez-vous de tous les flâneurs du quartier, et aussi des mendiants et des malades, qui viennent étaler là les plus hideuses infirmités. Il faut un certain courage pour affronter la vue des cancers, des scrofules et de beaucoup d'autres maux repoussants; mais un artiste fait aussi là rencontre de figures pittoresques. Lépreux et bien portants vivent pêle-mêle, et personne ne parait redouter la contagion. Tous vont puiser de l'eau dans le même vase, placé près de la porte, en ayant soin de se servir d'une cuiller de coco qui est toujours suspendue au-dessus, car le coco passe pour avoir la vertu de ne communiquer aucune maladie. Le vase, que l'on peut voir, dans le tableau, à droite de l'entrée, en malai tampatt aër ou guendi bessar, a quelque ressemblance avec certaines amphores romaines : il est fait d'une argile poreuse qui laisse transsuder l'eau et la rafraichit plus encore que les cruches de Kench en Egypte.

Quand on pénètre dans l'allée qui conduit à la mosquée, on rencontre à gauche un grand bâtiment de forme carrée, surmonté d'une coupole à neuf pans peinte en rouge: c'est là que reposent les cendres des radjas et des rhaden dont la vie a marqué dans l'histoire du pays. « La sépulture de l'un d'eux, le dernier défunt, nous écrit M. de Molins, occupe, si j'ai bien compris l'explication amphigourique du gardien, le centre du monument, immédiatement audessous de la coupole. Le monument funèbre consiste en une haute table de marbre séparée des spectateurs par une balustrade, et sur laquelle est placé un cercueil caché par de riches étoffes de soie brodées d'or et d'argent. La table et le cercueil sont recouverts d'un dais également de soie, dont la disposition rappelle celle des rideaux des lits curopéens. Malgré mes instances, le gardien ne me laissa prendre aucun dessin de ce tombeau. Il cût fallu recourir aux autorités pour en obtenir la permission. Un dessin valait-il bien ces démarches, et ne devais-je pas craindre surtout de blesser dans ses croyances le fidèle auquel était confiće la garde de ce lieu sacré? »

La porte que l'on aperçoit au fond de l'allée Sainte, à côté du minaret, donne accès au grand escalier de la mosquée. Elle présente, dans l'ensemble de son architecture, les mêmes caractères que celle de l'entrée; mais les détails d'ornement ne permettent pas de douter que l'architecte qui l'a bâtie n'ait été en constante communication avec les Européens. Le faite et les côtés sont décorés de trophées

de casques, de canons et d'autres armes à feu. Aux quatre | Partout, dans ces sculptures, on retrouve des souvenirs angles de la corniche formant larmier, on voit encore du style qui prévalait en France sous Louis XIV. d'autres canons et d'autres casques groupés avec des L'intérieur de la mosquée est d'une extrême simplicité : aigles, des coqs et des guirlandes de fruits et de fleurs. I c'est un bâtiment à pans coupés qui ressemble assez à un

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Entrée de la mosquée de Soërabaija, dans l'île de Java, par M. de Molins. Dessin de de Bar.

cirque, irréprochablement blanchi à la chaux à partir de l'escalier. Bien éloignée de l'élégance des mosquées du Caire, d'Alexandrie et des possessions françaises de l'Algérie, on ne voit dans celle de Soërabaija ni faïences ver

nissées, ni lustres, ni lampes, ni peintures, ni chaires sculptées, ni riches tapis; le sol est recouvert de simples nattes en rotin. La seule chose remarquable est le mode de ventilation le toit, formé de plusieurs étages bàtis en

retraite les uns au-dessus des autres, permet à l'air de circuler librement dans ce vaste local. C'est un avantage inappréciable sous ce climat brûlant, ou, pour mieux dire, une nécessité dans un lieu où s'entassent tous les vendredis, jours de prière, des milliers de croyants.

LA HEIDENMAUER DE SAINTE-ODILE
(BAS-RHIN).

La Heidenmauer de Sainte-Odile est un monument unique dans son genre. Son étendue et sa nature la distinguent de toutes les enceintes fortifiées connues jusqu'à présent.

Elle n'a d'analogue ni parmi celles élevées par les Romains entre le Rhin et le Danube ou sur la frontière de l'Angleterre et de l'Écosse, ni parmi ces murs gaulois formés de poutres et de pierres entrelacées, dont parle César. Cette œuvre gigantesque, construite sans régularité, couronne les cimes de plusieurs montagnes et suit dans ses capricieux détours toutes leurs sinuosités sur un développement de plus de dix kilomètres. D'effrayants précipices, des rochers arides, des broussailles et des bois touffus où l'on en suit avec peine les vestiges, au milieu d'un chaos de rocs éboulés, se succèdent par intervalles sur tout son parcours.

Le mur forme trois enceintes d'une superficie totale de

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Heidenmauer de Sainte-Odile.- Un Dolmen, près du Schaffstein et du Wachstein (voy. p. 319). - Dessin de de Bar, d'après M. Charles Grad.

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aux formes classiques s'élève à la place des rochers agencés, une seule fournit toute l'épaisseur du mur. Elles diminuent

de grandeur, suivant le degré d'assise, à mesure que l'on s'éloigne de la base. Deux blocs d'une longueur inégale occupent généralement l'épaisseur de la muraille; presque jamais il n'en a fallu un plus grand nombre. D'épaisses couches de lichens revêtent la surface de ces pierres que le temps a disjointes, et la plupart des tenons ont disparu. Les entailles, qui ont 2 centimètres de profondeur, sont au nombre de trois ou quatre sur chacune d'elles; leur régularité, qui exigeait des instruments bien tranchants et d'une certaine précision, témoigne de l'origine romaine des parties du mur où on les rencontre.

Des éboulements successifs ont diminué de beaucoup l'élévation primitive de l'enceinte. Sa hauteur actuelle est très-variable, suivant que les assises sont des rochers plus ou moins élevés ou des blocs taillés. Plusieurs tronçons ont encore une élévation de 3 mètres; celui qui couronne la brisure du mur en face du Stollhafen, ainsi que quelques autres situés sur le versant ouest, sont surtout remarquables par leur conservation. Un prieur du couvent, dom Peltre, qui écrivait en 1719, dit en avoir vu des restes de la hauteur de 14 à 15 pieds.

Une voie pavée venant d'Ottrott, la lande déserte (ott, de ode, æde, désert; et rott, lande) aux larges pierres équarries, que le peuple des campagnes appelle le chemin du Diable, monte lentement jusqu'au sommet du plateau de Sainte-Odile et conduit à l'intérieur de l'enceinte. Là où les infiltrations séculaires des eaux et les dégâts causés! par l'exploitation des forêts n'ont pas effacé les dernières traces du chemin, il offre un revêtement supérieur en pierres de taille, la summa crusta des voies romaines. Les couches inférieures et intermédiaires sont formées d'un mélange de mortier et de moellons, de chaux et de gravier. La voie passe au pied du Stollhafen, sanctuaire druidique autour duquel se dressait une rangée de menhirs, et qui est relié à l'enceinte par un mur en pierres de taille qui vient se briser et mourir à ses pieds.

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et le chemin plus récent qui interrompt le mar, une double rangée de grosses pierres. Ces pierres ne s'élèvent pas actuellement au-dessus du sol, mais elles paraissent avoir été les assises fondamentales d'un mur destiné, suivant Schweighaeuser, à défendre cette entrée.

L'enceinte du centre comprend des terres cultivées et des bois qui remplissent la forte dépression comprise entre le plateau du couvent et le faite occidental. Le monastère de Sainte-Odile est bàti à l'extrémité d'une roche plate, peu large, mais longue d'environ 450 mètres, qui s'avance vers l'est. Cette roche allongée se termine en une pointe coupée à pic à la hauteur de 60 pieds. La fille d'Attic, duc d'Alsace, fonda là, an bord du précipice, une célèbre abbaye. Ses Vies, écrites au moyen âge, rapportent que les chasseurs de son père avaient découvert sur cet emplacement un château dont il ne reste plus de vestiges, mais que l'on croit avoir été construit par l'empereur Maxinien Hercule, qui a souvent résidé dans les Gaules.

Tout le plateau est circonscrit par une ceinture de rochers taillés sur plusieurs points à main d'homme. Il formait à l'extrémité du compartiment central de la grande enceinte une sorte de citadelle particulière qui y était rattachée par deux bras de murs; ces branches sont fort délabrées; quelques tronçons bien caractérisés en marquent la direction, bien que celle qui rejoint le plateau vers le milieu du côté méridional soit en grande partie détruite.

Au midi, l'enceinte s'appuie sur le Mennelstein, l'une de nos plus belles chaires de Bélen. Un sentier parti du couvent còtoie une longue ligne de roches naturelles et de bloes d'une structure telle que l'on ne sait pas s'ils sont façonnés par la nature seule, ou si la main de l'homme a aidé à les tailler. Le sentier, en se dirigeant vers le sud, traverse le second mur transversal, long d'environ 150 mètres, qui forme la limite extrême de la Bloss ou enceinte méridionale.

Le contour de la Heidenmauer offre quelque ressem-le blance avec la bizarre découpure des ailes d'une chauvesouris monstrueuse (voy. le plan de Thomassin). Celui du mur septentrional a la forme d'une losange. Une ramification des montagnes dont l'enceinte couronne la crête s'avance jusqu'à quelques mètres d'une petite fortification romaine d'un travail régulier, dite le Kaepfel, mais on n'y voit que peu de traces d'un travail artificiel destiné à renforcer les remparts naturels que forment ces rochers.

Ce n'est qu'à 450 mètres de cette pointe que l'enceinte commence par un mur artificiel, peu conservé, formant avec le bord escarpé de la montagne un angle presque droit et suivant la partie supérieure du Hagelthal, le val de la Grèle. A 730 mètres du point de départ, la crête qu'il enveloppe se termine en un promontoire escarpé. Les bruyères et les ramées prennent là un tel développement qu'il devient difficile, sinon impossible, d'en découvrir les vestiges. Un profond ravin sépare la pointe du mur de deux éminences rocheuses qui portent les ruines du Hagelschlorss. Le château n'était accessible que de ce côté. Le mur décrit ensuite une courbe vers le sud-ouest.

En face des ruines du château de Dreystein, un mur transversal de 60 mètres ferme l'étranglement qui sépare l'enceinte centrale de celle du Homburger-Berg. Son nom est dérivé de Hohenburg, qui désignait pendant le moyen âge le fort de Sainte-Odile, la plus importante position

de cette enceinte.

Avant d'atteindre le sommet du plateau, le chemin pavé d'Ottrott se partage en deux embranchements, dont l'un débouche près du Stollhafen et l'autre près du mur d'intersection. Son entrée offre beaucoup d'intérêt. On voit à l'intérieur, à côté du tracé de la voie et entre cette route

Situé à l'extrémité supérieure du plateau de la Bloss, Mennelstein se dresse à une élévation de 835 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il tire son nom d'un fragment de sculpture gallo-romaine trouvé à sa proximité et semblable à celles du Donon. Les débris du mur païen prennent dans ses environs un aspect saisissant. Tous ces décombres répandus sur le versant de la montagne, recouverts de plantes parasites mêlées aux blocs éboulés, offrent une image de la nature retournant au chaos, entraînant dans sa ruine les plus fortes œuvres que la main de l'homme ait produites. Beaucoup de gens prétendent avoir vu sur ce rocher des anneaux de fer auxquels « étaient attachés les vaisseaux à l'époque où l'Alsace était encore un lac. » Cette singulière légende, dont en s'efforce en vain. de deviner l'origine, est répandue dans toute la vallée du Rhin, dans la Forêt-Noire aussi bien que le long de la chaine vosgienne.

Quelques-uns des rochers du Mennelstein portent des entailles carrées de 15 centimètres de côté, et d'autres circulaires ou figurant une pomme de pin. Dans une grotte du Meysenthal, aux environs de la Petite-Pierre, de petites excavations semblables sont disposées comme les spirales d'un serpent. Si la plupart des historiens ne déniaient tout alphabet aux druides, on serait disposé à voir dans ces hieroglyphes, assez fréquents dans les Vosges, des traces de leur ogham.

Aucun sentier ne conduit aux monuments druidiques. Le plus aisé pour y aller est de suivre le prolongement sud-ouest de la Heidenmauer en passant au Schaffstein et au Wachstein; l'un, énorme monolithe, l'autre, groupe de rochers d'apparence agencée en saillie sur la vallée de Barr. Toute cette partie du mur paraît avoir été formée d'abord de quartiers de roc sans entailles; les pierres à

cette marque sont très-rares et proviennent de retouches et de réparations.

La position verticale du Schaffstein est due sans doute à un caprice de la nature. Une espèce de rebord assez large pour s'y tenir debout règne sur le côté qui fait face au mur et a été établi de main d'homme. Comme son nom l'indique, ce bloc remplissait l'office de tour de garde ou de signal; la large trainée de pierres de taille qui le reliait à l'enceinte prouve qu'il fit partie du système de défense de la montagne.

Le dolmen que représente notre dessin est situé à vingt pas de l'enceinte, près d'une espèce de saillie à angle rentrant très-prononcé. Il consiste en deux roches parallèles dont les parois intérieures sont taillées perpendiculairement, tandis qu'une troisième roche avec des interstices aux angles la ferme d'un côté. Un autre monolithe semblable à un toit plat ou à une table les couvre à la hauteur de 2 mètres. Cette sorte de galerie a 7 ou 8 pieds de large sur 5 mètres de profondeur; l'une des pierres du monument porte à sa base une sorte de doucine ou de creux travaillé de main d'homme. Tout près se trouve une allée couverte longue de 4 mètres sur 80 centimètres d'élévation, également façonnée de roches brutes, et des cavernes naturelles découpent les grés d'alentour. La situation de ces monuments en dehors de l'enceinte prouve qu'ils ne sont pas contemporains de la construction de la Heidenmauer sur ce point de la montagne. Ils ont dû exister longtemps avant cette forteresse et appartiennent sans doute à la même ère que les backenfelsen du mur central.

Ce site est d'un aspect saisissant. Dressées en regard des pentes escarpées du Champ du Feu, au-dessus des profondeurs d'un ravin, presque appuyées à la vieille enceinte celtique, ces pierres exercent sur l'âme une impression profonde. Je ne pus me défendre d'un vague sentiment de crainte lorsque je m'en approchai pour la première fois. La partie supérieure du dolmen était illuminée par une vive clarté rendue plus éblouissante par le contraste des ténèbres d'alentour. Bien que le ciel fût sans nuages, un souffle assez fort remuait la cime des pins et faisait frémir les touffes de ronces et de lierre appendues au rocher. Ce mélange d'ombre et de lumière, le recueillement, la solitude, un silence de mort interrompu à peine par la plainte du vent, donnaient au monument un aspect mystérieux. Autel ou tombeau, il semblait évoquer les images du passé avec sa sombre poésie. Ce paysage aux couleurs si sombres a également pu servir de théâtre aux dernières scènes du druidisme expirant, à cette époque où la puissante association, chassée des sanctuaires où elle avait si longtemps enseigné le peuple de la plaine, réduite à chercher un asile au fond des forêts les plus inaccessibles, s'attachait avec l'ardeur d'un dernier espoir à ses cairns où le centurion romain élevait les statues de Mars Camul et d'Hercule Ogmius.

Au delà du dolmen, les blocs carrés deviennent plus nombreux et le mur serpente à grands replis pour étreindre la partie inférieure de la Bloss. Nul fossé ne se présente sur tout son parcours; mais là où la ligne de précipices qui l'entoure s'interrompt, le terrain est assez en pente pour qu'il devienne d'un difficile accès. On ne peut voir sans admiration cette immense muraille. Ces grandes pierres posées horizontalement, un appareil simple et majestueux, des assises si fermes quoique composées de blocs de grandeurs différentes, la belle teinte d'argent qui les distingue et leur air antique mêlé à la solitude du vallon, au calme de la montagne, font rêver des Celtes et des Romains, de même que de tant de peuples depuis longtemps oubliés.

La Heidenmauer de Sainte-Odile a été reconstruite à des époques diverses, éloignées l'une de l'autre. L'opinion

généralement admise est qu'elle a servi de refuge aux populations de la plaine aux temps d'invasion. Les voies pavées qui montent vers le mur païen sont certainement l'ouvrage des Romains. Le mur a dù être rétabli au commencement du troisième siècle; on a trouvé parmi ses débris de nombreuses médailles à l'effigie de Maximien Hercule.

La conscience est le pouls de la raison qui bat et nous avertit. COLERIDGE,

CARTES CÉLESTES.

Suite. Voy. p. 18, 90, 124, 163, 195, 231, 261, 287. Planche XI. En commençant par le Centaure nous ferons le tour du pôle austral. Au no 87 nous trouvons la Croix du Sud, assemblage brillant de quatre étoiles dont une au moins est de première grandeur. Cette constellation est moderne, et autrefois ses étoiles marquaient les pieds de derrière du Centaure. Les deux étoiles de première grandeur du Centaure & et ß, qui sont à la même distance du pôle, marquaient les deux pieds de devant. Après Sirius et Canopus, l'étoile est la plus brillante du ciel; elle se compose de deux étoiles de première grandeur qui sont liées et tournent autour de leur centre commun de gravité dans une période assez courte, mais encore mal calculée. Cette belle double étoile est de toutes celles dont on a pu mesurer la distance la plus proche de notre Soleil et de nous. Elle n'est qu'environ 225000 fois plus éloignée de nous que le Soleil, et sa masse, que l'on a pu mesurer, est comparable à celle du Soleil. C'est un des beaux résultats de l'astronomie moderne.

Le Centaure était bien plus près de l'équateur et de l'hémisphère nord, du temps d'Hipparque, qu'il ne l'est maintenant. De même que la Vierge, à laquelle il correspond, il va constamment vers le sud, et les étoiles de la tête, visibles en Europe, s'abaissent de siècle en siècle sous notre horizon.

Entre la Croix du Sud et le pôle, il y a la Mouche ou l'Abeille australe, no 86, et le Caméléon, no 88. Ce Caméléon est marqué du n° 84 sur la planche XII. Le n° 89 est l'Oiseau de paradis; le n° 90 est le Triangle austral; à côté est le Compas, sans numéro, et puis l'Autel, no 92, qui est une ancienne constellation voisine de la queue du Scorpion. Le Paon et la Grue, no 63; près de la Grue est un poisson, la Dorade, et au no 66 le Phénix; à côté, no 66, est l'Atelier du Sculpteur numéroté dans la planche XII; entre la Grue et le pôle est le Toucan, no 93. Toutes ces constellations n'ont au plus que des étoiles de seconde grandeur; le Triangle, le Paon, le Phénix, la Grue, sont dans ce cas. Entre la Dorade et le pôle est une grande nébuleuse qui semble un morceau détaché de la Voie lactée, et une autre nébuleuse, toute pareille d'éclat, mais plus petite, est entre le Phénix et le pôle on appelle ces deux amas lumineux, parfaitement visibles à l'œil nu, les Nuages de Magellan, car ils ont été d'abord mentionnés dans le voyage de ce célèbre navigateur qui mourut aux Philippines. On a dit souvent qu'il n'avait pas achevé une circumnavigation de la terre entière; mais si l'on fait attention que dans un précédent voyage vers l'orient il s'était avancé jusqu'aux Moluques, qui sont au delà des Philippines, on verra qu'il a bien réellement fait le tour entier de la terre et traversé tous les méridic s. Sir John Herschel, qui avait été s'établir au cap de Bonne-Espérance pour compléter la revue du ciel faite par son père, a donné une admirable étude des Nuages de Magellan. L'Octant, que l'on dessine au pôle même, et qui est sur cette planche le

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