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des monstruosités. Ce n'est pas évidemment parce qu'il y aura plus d'êtres à faire vivre, qu'il se trouvera plus de moyens d'y parvenir. Pour accroître la population-ce que j'ai dit jusqu'ici le prouve suffisamment — il n'est qu'une chose efficace, ainsi que légitime, c'est de favoriser la production, de s'appliquer à développer la prospérité publique. Autrement, disait déjà un Italien du seizième siècle, le mariage de tous les moines et de toutes les religieuses n'y changerait rien 1.

Heureusement, Malthus n'a pas eu que des adversaires. Si les éloges distribués à ses travaux ont été moins nombreux que les blames, ils ont été beaucoup plus réfléchis, beaucoup plus consciencieux et souvent aussi vifs. Hegewisch, son traducteur allemand, saluait son livre comme « une révélation des lois de l'ordre moral, comparable à la découverte des lois de l'ordre physique de l'univers par Newton. >>

L'Essai sur le principe de population fut réellement, d'ailleurs, il le faut reconnaître, une révélation. Tout le dix-huitième siècle, à l'exemple des précédents, voyait dans l'accroissement de la population la principale et à peu près l'unique condition de la force et de la richesse des Etats. Ces paroles de Vauban, à la révocation de l'édit de Nantes, louée à titres si divers par Bossuet et Fontenelle : « C'est par le nombre de leurs sujets que la grandeur des rois se mesure », n'avaient point encore été contredites. Qui ne se souvient des passages des Lettres persanes, où Montesquieu parle, avec si peu d'exactitude, au reste, même comme historien, de la population de l'empire romain, et de la réclamation qu'il fait pour l'Europe entière, dans l'Esprit des lois, des règlements qui favorisent la propagation de notre espèce ? Il avait pourtant écrit dans le même ouvrage : « La population est toujours en raison des produits dont elle peut disposer. » Et Montesquieu, dans sa première opinion, comme Vauban dans sa singulière accusation, exprimait l'opinion générale de son époque. Il n'est peut-être qué Diderot qui ait clairement entrevu, au dix-huitième siècle, que « la naissance d'un enfant, toujours regardée comme un accroissement de richesse pour la nation, est plus souvent et plus sûrement encore un accroissement d'indigence pour la famille*. »

Botero, La raison d'Etat. 1589.

Esprit des lois, liv. XXIII, ch. xxvi.

'Esprit des lois, liv. XVIII, ch. x.

Diderot, Supplément au voyage de Bougainville.

Cependant des misères, des vices, des souffrances se révé trefois, comme maintenant, parmi les nations les plus nor mais on les attribuait uniquement aux gouvernements. le dix-huitième siècle, et, à sa suite, toute la Révolution le pouvoir était seul responsable, en effet, du bien-être o digence des peuples. Dans le règlement de sa condition. disparaissait; sans influence sur son sort, il ne faisait que s des lois sous lesquelles il vivait. A ces époques d'émancipa franchise, on aboutissait, dans la question de la populati sorte de fatalisme oriental1.

C'est contre ces opinions que s'est insurgé Malthus. Il sinon pour la première fois, au moins de la façon la plus la plus manifeste, la seule scientifique, que la population surabondante, et que c'est à lui-même que l'homme d attribuer le sort qu'il ressent. Peut-être, emporté par la parfois oublié que les lois influent aussi sur notre condit être allait-il trop loin en affirmant que «les maux qui résu mauvais gouvernement, comparés à ceux que produise sions humaines, ressemblent à des plumes flottantes sur d'un gouffre. » Et j'ai peine à comprendre, je l'avoue, qu nombreux voyages, Malthus ait émis une telle opinion nière aussi absolue. Si l'homme partout peut rester dign quelle tâche cependant est la sienne sous des despotism est organisé pour l'avilir et le corrompre! Ce qui lui est o à Londres lui est difficile à Naples. Mais il est probabl lui-même Malthus, qu'ayant trouvé l'arc trop tendu d'u été porté à le trop courber de l'autre. Toutefois, il n' moins certain que le sort de chacun de nous et celui de sa règle en grande, et j'ose le dire, en majeure partie, par de ses désirs, la sagesse de ses actions, la constance de Toutes les lois et tous les gouvernements ne m'empêcher de porter la peine de mon imprévoyance, ni n'en décharg enfants. L'homme n'est pas seulement le jouet du hasar que l'état politique et civil dans lequel il vit influe beauco activité et sa moralité, c'est toujours lui, en définitive, q le plus dans son heureuse ou fàcheuse destinée. Malthu

'L'ouvrage de Godwin, An inquiry concerning political justice, un autre but que d'attribuer toutes les calamités du genre humain au gouvernements.

çant dans toute sa majesté, le revêtant de toute sa liberté et de toute sa responsabilité, avait donc mille fois raison de le proclamer le premier souverain de son présent et de son avenir. Et, si penser ainsi c'est se tromper, que deviennent les enseignements de la morale, de la philosophie, du christianisme, sur le mérite et le démérite, sur les châtiments et les récompenses? C'est en parlant de l'existence terrestre que saint Paul disait : « L'homme recueillera ce qu'il aura semé. »

GUSTAVE DU PUYNODE.

2a SÉRIE. T. IV. — 15 Août 1954.

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LOIS NOUVELLES SUR LES INVENTIO

CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE, LITTÉRAIRE ET AR Comprenant les législations de tous les pays et les trajtés internation inventions brevetées, les œuvres de littérature, de musique, de peinture, dessin, sculpture et gravure, les enseignes, les noms d çants, les marques et les dessins de fabrique, par ETIENNE BLANC et BEAUME'. Lois anglaise et autrichienne sur les inventions i de 1852. Loi belge du 24 mai 1854. — EXPOSÉ de motifs et Chambre des députés sur un projet de loi concernant les inver trielles pour le Piémont, 1854.

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Toutes les nations civilisées encouragent l'esprit d'inv reconnaissent en lui une des conditions principales du l'industrie. Les personnes qui font consister le bonheu ples dans le maintien des habitudes prises et des situati peuvent y voir un signe du malheur des temps; car il tout instant la face du monde, et est la concurrence, la r Il faut cependant que tous s'en accommodent, et profit malgré eux, de ses succès.

Il y a unanimité pour reconnaître des droits aux inve justice veut qu'ils soient payés de leurs services, l'utilit commande. La négligence des lois à les défendre serait ingratitudes qui détruisent la respectueuse confiance qu ment public doit pouvoir attacher toujours à l'équité de serait un de ces faux calculs qui, croyant s'enrichir en pas une dette, ruinent, pour le profit d'une injustice pre ressources de l'avenir, son crédit, sa puissance.

Sur cette vérité l'on est d'accord; les dissentiments n que quand il s'agit de l'appliquer, et de déterminer le meil de payement pour les services des inventeurs.

Une circonstance considérable devrait rassurer sur la s ce problème; c'est que toutes les législations lui donnent ment la même solution, et sont unanimes pour payer l'i en interdisant à tous autres que lui ou ses ayants caus d'exploiter l'invention pendant un temps déterminé.

'Paris, 1854. Un volume in-8; chez Cosse, place Dauphine, 27 50 c.

Ce système a été créé en Angleterre par le statut célèbre de 1623, destiné à abolir les nombreux et odieux monopoles qui pesaient sur l'industrie. C'est par une équitable et intelligente exception introduite dans ce statut que la faculté d'autoriser les producteurs d'inventions nouvelles à établir des monopoles temporaires a été maintenue. C'est là le point de départ de la législation moderne. L'esprit d'invention a prospéré en Angleterre sous cette garantie bienfaisante, tandis que le régime des corporations l'étouffait en France et ailleurs.

Le principe anglais a été proclamé aux Etats-Unis par la Constitution de 1787; la première des lois qui l'y ont organisé date de 1793. C'est en France d'abord que l'institution anglaise est entrée dans la législation; les lois des 7 janvier et 25 mai 1791 y ont régi les brevets d'invention jusqu'à la loi de 1844, qui a remplacé ces lois en en confirmant presque toutes les dispositions.

Des lois analogues ont été portées pour la Russie, en 1812; la Prusse, en 1815; les Pays-Bas, en 1817; l'Espagne et l'Autriche, en 1820; la Bavière, en 1825; les Etats romains, en 1833; la Suède, en 1834; le Wurtemberg, en 1856; le Portugal, en 1857; les Etats du Zollverein, en 1842 et années suivantes; le Paraguay, en 1845. Les Etats sardes étaient régis par des décrets de 1826 et 1829, qui n'appartenaient pas à ce système, et se rapprochaient plutôt de l'ancienne déclaration française de 1762.

Le mouvement législatif ne s'est point arrêté. De nouvelles lois ont, en plusieurs pays, amendé et complété les lois premières. Les plus récentes sont de 1852 pour l'Angleterre et pour l'Autriche, et de 1854 pour la Belgique. Le Piémont en prépare une qui est actuellement soumise aux délibérations de son Parlement, et qui a été l'objet d'un remarquable exposé de motifs dont la rédaction est due à M. Scialoja, et d'un rapport de M. Michelini à la Chambre des députés.

Les questions que cette matière soulève restent donc à l'ordre du jour. Une sorte d'émulation législative ouvre un concours entre les peuples désireux d'arriver aux meilleures solutions en profitant des travaux faits ailleurs.

Une des tendances de la civilisation est de généraliser l'expression extérieure du droit et de multiplier, autant que possible, les ressemblances et les analogies entre les dispositions et les formules susceptibles d'être adoptées à la fois en plusieurs pays. Le rêve de l'entière unité du droit écrit est une pure utopie; et l'on peut affir

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