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- du pain, dans les deux pays, et l'écart qui existe également dans les deux pays, entre les prix relatifs de la farine et du blé d'une part, et les prix relatifs de la farine et du pain, d'autre part.

A ce sujet M. PERSOZ a fait observer que ce même écart entre le prix du pain et celui de la farine se retrouve généralement, à divers degrés, entre le produit fabriqué et la matière première, et qu'il l'a remarqué notamment entre le coton en laine et les fils de coton.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE.

SOMMAIRE.

Suppression de la chaire d'économie politique au Conservatoire des arts et métiers. — Création d'une chaire d'administration et de statistique industrielles Autres chaires de cet établissement. Une lettre quasi libre-échangiste de M. Dupin aîné; sa réclamation sur une formule qu'on lui à prêtée. — Interdiction de la distillation des grains. — Diminution du revenu public. Le revenu public pendant les neuf premiers mois de 1854. - Decret organique sur la boulangerie de la Seine. Concession du chemin de fer de Montluçon à Moulins.

Diminution des droits sur le quinquina, — Les chemins de fer à l'ile de Cuba. - Une voix économique en Espagne. - Vente par l'Autriche, à une Compagnie française, de chemins de fer, d'usines et de terres domaniales.

Un arrêté de M. le ministre des travaux publics, du commerce et de l'agriculture, dont ressort le Conservatoire des arts et métiers, a supprimé la chaire laissée vacante par la mort de M. Blanqui, et l'a remplacée par une chaire d'administration et de statistique industrielle, à laquelle a été nommé M. Jules Burat, rédacteur du Constitutionnel, qui s'est fait, depuis quelques années, le défenseur pour ainsi dire quotidien de la protection et, à ce titre, l'adversaire de l'économie politique.

Nous ne pouvions pas avoir de nouvelles plus pénibles à annoncer à nos lecteurs, que nous savons être, pour la plus grande partie, convaincus de l'importance de la vulgarisation des vérités fondamentales que la science a mises en lumière, et de l'enseignement de ces vérités dans tous les établissements d'instruction publique et privée. Quoi de plus utile, en effet, que l'étude de la société laborieuse, à une époque où chacun ne vit plus et ne doit plus vivre que de son travail, et où tant de préjugés, au sujet des questions de travail, sont répandus dans toutes les classes, soit par la tradition, soit par les défenseurs des abus, soit par l'enseignement classique lui-même, offrant sans cesse et forcément à la jeunesse l'exemple d'un passé dans lequel le travail était chose vile et méprisable! Il est impossible que M. le ministre des travaux publics méconnaisse cette importance; et nous ne perdons pas l'espoir de voir tôt ou tard, lorsqu'il aura trouvé quelqu'un qui lui inspirera plus de confiance que les candidats qui ont pu se présenter, rétablir une chaire, fondée dans les premiers temps de la Restauration (en 1819, sous le ministère de M. Decaze), et que J.-B. Say a illustrée par cet enseignement solide et

élevé dont la substance a ensuite formé la matière de son Cours complet, un de ces ouvrages rares qui renferment la sagesse des nations, dont la réputation n'a fait que s'accroître depuis trente ans, et qui a été traduit dans toutes les langues.

Il eût été assez difficile à M. Jules Burat, l'exterminateur régulier de l'économie politique dans le Constitutionnel, d'occuper purement et simplement une chaire d'économie politique; et nous comprenons qu'il va se trouver plus à son aise dans le programme d'un cours d'administration et de statistique. Toutefois il nous semble qu'il s'est donné là une tâche bien aride pour lui et pour les auditeurs du Conservatoire des arts et métiers. Ce sont deux sujets qui ne paraissent guère s'amalgamer entre eux et pouvoir prêter à un enseignement oral et profitable dans un pareil établissement. Cependant, si M. Burat vient à surmonter la difficulté, nous nous ferons un devoir et même un plaisir de le constater. Bien que M. Burat ne fasse pas toujours à la science, sous les auspices de laquelle il a fait ses premières armes dans la presse, ainsi qu'à ses défenseurs une guerre de bon aloi, nous ne pouvons nous empêcher de lui reconnaître du savoir et du talent. Qu'il crée donc un bon cours d'administration, plus ou moins accompagné de statistique industrielle et autre, et nous lui prédisons qu'il sera, malgré lui, un des auxiliaires de l'économie politique, comme il est dans le Constitutionnel, lorsqu'il veut parler raison, en dehors de la question de la liberté commerciale et de quelques autres, pour lesquelles il s'est donné la spécialité d'argumenter à la façon du Moniteur industriel et de l'Univers.

Les professeurs du Conservatoire des Arts et Métiers sont nommés, aux termes de la dernière organisation, sur une liste de présentation faite par le Conseil de perfectionnement de cet établissement, composé jusqu'à présent de douze professeurs et d'un petit nombre de notables représentants de l'industrie. Comme il s'agissait d'une chaire nouvelle, ce Conseil n'a point été consulté. Dans une séance antérieure au décret ministériel qui a tranché définitivement la question de principe et la question de personnes, une discussion s'était engagée au sujet d'un vœu que M. Wolowski désirait faire émettre pour prier le ministre de saisir le Conseil relativement au choix du successeur de M. Blanqui. Le général Morin, directeur du Conservatoire, et M. Bernoville, manufacturier, membre du Conseil, avaient vivement combattu le maintien du cours, non moins vivement défendu par M. Wolowski, professeur de législation; mais le Conseil, n'étant pas en nombre, n'avait pu émettre aucun vœu.

Outre la chaire d'administration de M. Burat, le Conservatoire en aura désormais une autre de constructions civiles, créée en même temps, et à laquelle a été nommé M. E. Trélat. Les autres chaires sont celles de géométrie appliquée aux arts, professeur M. le baron Charles Dupin:- de géométrie descriptive, professeur M. de la Gournerie, récemment nommé, en remplacement de M. Olivier, décédé ; - de mécanique appliquée aux arts,

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professeur M. le général Morin, suppléé par M. Tresca; - de physique appliquée aux arts, professeur M. E. Becquerel, successeur de M. Pouillet, démissionnaire; - de chimie appliquée aux arts, professeur M. Peligot; -de chimie appliquée à l'industrie, professeur M. Payen, successeur de Clément Désormes, décédé ; - d'agriculture, professeur M. Moll, remplaçant O. Leclerc Thouin, décédé; de zootechnie appliquée à l'agriculture et à l'industrie, professeur M. Bardenet; de filature et de tissage, professeur M. Alcan; -- de teinture, d'apprêt et d'impression des tissus, professé par M. Persoz ;- de législation industrielle, professé par M. Wolowski.

Sous la Restauration, le haut enseignement du Conservatoire, qui comprend encore des cours de dessin, de machines et d'ornement et des leçons élémentaires des mathématiques, dont l'ensemble constitue la petite école, ne se composait que des cinq chaires de géométrie, de mécanique, de physique, de chimie et d'économie politique. Les deux autres chaires de chimie, celles de géométrie descriptive, d'agriculture et de législation industrielle, ont été créées sous le gouvernement de Juillet, et les autres, de filature et tissage, de teinture et de zootechnie, auxquelles viennent se joindre celles du génie civil et d'administration, ont été créées tout récemment.

La chaire d'économie politique, mise au nombre des cinq premières, sous la Restauration, aura été supprimée, lorsque le nombre de chaires aura été porté à quatorze; lorsqu'on aura jugé convenable d'instituer trois chaires de chimie, une chaire de géométrie descriptive, une chaire de génie civil, une chaire de zootechnie! Il y a là une anomalie sur laquelle ne s'est probablement pas arrêtée la pensée de M. le ministre du commerce et des travaux publics.

Que le cours d'administration et de statistique industrielles, confié à M. Burat, soit une heureuse institution, c'est ce dont on pourra juger par l'expérience; mais nous regrettons, à tous égards, que la chaire d'économie politique ou industrielle, comme on eût voulu l'appeler, n'ait pas été maintenue; eût-on jugé convenable de la donner à M. Jules Burat lui-même qui, nous n'en doutons pas, aurait fini par se réconcilier avec ses premières amours, ce qui n'est pas encore tout à fait impossible. C'est du moins la grâce que nous lui souhaitons, en partisan sincère et décidé du principe de concurrence et de compétition, qui nous a déjà occasionné personnellement plus d'un déboire, mais qui n'en est pas moins le principe vital de la société, quoi qu'en aient pu dire les écrivains protectionistes.

-Nous citions dans notre avant-dernier numéro un passage d'un discours de M. Dupin aîné, ancien président des assemblées délibérantes, dans lequel le célèbre orateur virait sensiblement à la liberté com

Numéro du 9 septembre; tome III, p. 470.

merciale et réduisait à sa juste valeur l'argument que les protectionistes tirent de l'inondation des grains étrangers.

L'Echo agricole, que rédige avec talent notre collaborateur M. Pommier, avait fait, à propos de ce discours, quelques réflexions qui ont, à leur tour, provoqué une lettre de M. Dupin, laquelle mérite, à divers égards, d'être reproduite, parce que dans cette lettre l'honorable orateur se prononce d'une façon plus explicite en faveur de la liberté, et confesse son estime pour les libre-échangistes.

M. Dupin est un des organes les plus influents et les plus écoutés de l'agriculture. Les progrès de son opinion témoignent de la marche des esprits dans le monde rural. Nous sommes bien loin de l'époque où les partisans de la liberté commerciale n'avaient qu'une imperceptible minorité au sein de ce congrès agricole, dont M. Dupin a été l'un des plas notables présidents.

Voici la lettre de M. Dupin, dans laquelle l'honorable orateur réclame aussi avec énergie contre des maximes égoïstes qu'on lui avait prêtées dans un autre temps et qu'il repousse énergiquement :

Monsieur, je ne viens point me plaindre de ce qu'en rapportant, dans votre numéro du 14 septembre, un passage de mon allocution au comice de Clamecy, le rédacteur de l'article y a joint des observations critiques. II était certainement dans son droit. La critique littéraire des journaux s'étend nécessairement à la discussion critique des opinions; et je ne suis ni surpris ni mécontent, quand on est d'un autre avis que le mien.

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Mais personne n'aime à voir dénaturer ses opinions, ni à se voir imputer des principes qui ne sont pas les siens, et qui auraient quelque chose d'odieux. Voilà pourquoi je réclame.

Assurément, je ne suis pas libre-échangiste dans la signification do gmatique, et, selon moi, trop étendue, que quelques écrivains, auxquels j'accorde, d'ailleurs, beaucoup d'estime, veulent attacher à cette théorie; mais il ne faut pas conclure que je suis adversaire ou ennemi de la liberté commerciale, même avec certaines précautions que la prudence commande à toutes les nations.

• Surtout en fait de subsistances, j'ai toujours professé le principe de la libre circulation des grains; et particulièrement dans le discours qui a fait le sujet de votre article, je félicite le gouvernement « de ce qu'il a fait appel a à toutes les forces du commerce, et facilité les arrivages par des mesures « législatives qui levaient les entraves en matière de douanes et de naviga« tion, »

Dans mon discours de l'an dernier, qui a été publié en entier dans votre journal (n° du 15 septembre 1855), je disais encore à des auditeurs plus éclairés que vous ne paraissez le croire : « Affermissez-vous donc dans cette <«< idée, que le commerce des grains doit être libre comme tous les autres com« merces; qu'il est plus nécessaire encore de le protéger en raison même de « l'importance de son objet; car la libre circulation des grains peut seule « établir l'équilibre des consommations. »

En m'élevant tout à la fois, et contre les vociférations stupides de ceux

qui dénoncent les négociants en grains sous le titre périlleux d'accapareurs, et contre les mouvements égoïstes de quelques populations qui s'étaient opposées à la sortie des grains de leur territoire, je m'écriais: « Comment « un peuple chrétien ne comprend-il pas que le premier acte d'une fraternité << charitable entre les divers membres d'une même nation, est que les can« tons qui manquent de subsistance ne soient pas empêchés d'en venir pren« dre dans les pays qui en sont pourvus ? »

Seulement je conseille à nos laboureurs de produire en bestiaux et en céréales le plus qu'ils pourront, estimant dans cette grave question d'approvisionnement qui tient à l'existence même de tout un peuple, qu'il est plus sûr de compter sur la production nationale que sur les secours tirés de l'étranger.

Est-ce donc là, monsieur, une théorie qui puisse, comme le prétend l'auteur de l'article, se traduire par ce qu'il appelle ironiquement et en le dénonçant à ses lecteurs, en caractères italiques: le chacun chez soi, chacun pour soi?

Chacun chez soi n'est pas un axiome commercial, je le sais parfaitement, puisque le commerce consiste essentiellement à aller les uns chez les autres. -Chacun chez soi est une règle protectrice contre les voleurs, les communistes et les conquérants; et je ne l'ai jamais invoquée dans un autre sens.

Chacun pour soi est une formule odieuse, qui n'est jamais sortie de ma bouche ni de ma plume; je la repousse loin de moi avec horreur, la laissant à ceux qui jugeraient à propos de l'employer pour leur propre compte. Ma maxime favorite à moi, jurisconsulte et naguère magistrat, est chacun son droit, maxime qui sert à tout le monde et ne nuit à personne. - Et c'est avec une peine véritable que j'ai vu l'habile rédacteur de l'article contre lequel je réclame, au lieu d'employer mes propres termes lorsqu'il avait mon discours sous les yeux, y substituer, par réminiscence, la formule détestable que les démagogues politiques de 1848 se sont efforcés de me prêter, dans l'amertume de leur réaction.

Il m'a semblé, monsieur, que ce travestissement de ma pensée n'aurait pas dû se produire dans un journal qui se consacre avec zèle et talent à la défense des intérêts pacifiques de l'agriculture dont je suis, comme lui, le défenseur et l'ami. Je compte sur l'insertion de ma lettre, comme rectification.

Recevez, etc.

DUPIN.

Au nombre des réflexions qu'inspire cette lettre au rédacteur en chef de l'Echo agricole, se trouvent les suivantes, qui traduisent parfaitement notre pensée et que nous reproduisons :

Nous éprouvons aussi une satisfaction bien vive à constater que M. Dudin est partisan de la liberté commerciale, même avec certaines précautions que la prudence commande à toutes les nations. Nous savions déjà qu'en ce qui concerne les grains, l'honorable jurisconsulte était trop partisan des réformes inaugurées par la révolution de 1789, pour ne pas admettre, sans restriction, la libre circulation des denrées alimentaires à l'intérieur. Nous voudrions seulement lui voir admettre désormais que ce grand principe n'est pas moins vrai pour ce qui concerne le commerce avec les nations

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