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époque et de plus de 30 pour 100 sur la seconde. L'année 1855 ne s'élève pas à moins de 3,493 millions.

Avec quels peuples ces échanges ont-ils lieu? Est-ce avec ceux qui restent stationnaires, avec les pauvres ou avec les riches? La réponse est écrite dans les tableaux de douanes :

Angleterre. - De 1827 à 1836, nos importations, commerce spécial, s'élèvent à....

De 1837 à 1847, à.

Elles ont été, en 1853, de.....

Pour les exportations, la moyenne de 1827-36 est de
Celle de 1837-46 est de......

L'année 1853 atteint....

22 millions,

80

106

65

97

426

C'est, en tout, plus du septième de tout le commerce extérieur de la France, et il est certain que les échanges eussent été plus actifs encore avec l'Angleterre, sans les prohibitions et les droits élevés qui paralysent nos relations avec ce pays.

Etats-Unis. De 1827 à 1836, nos importations, commerce spécial, s'élèvent à.

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Le 1837 à 1846, à........

Elles ont été, en 1853, de..

64 millions

121

150

Pour les exportations, la moyenne de 1827-36 est de
Celle de 1837-46 est de.....

94

91

L'année 1853 atteint.....

266

Soit, en tout, pour 1853, 410 millions, ou près du huitième de tout notre commerce extérieur.

-

Belgique. Ce royaume n'ayant été séparé de celui des Pays-Bas qu'en 1830, l'administration n'a pas pu donner de moyenne spéciale pour la première période; mais, pour la seconde, nous trouvons que la moyenne des importations, commerce spécial, de 1837 à 1846, est de....

et qu'en 1853 les importations de Belgique en France ont été de............

Pour les exportations, elles étaient en moyenne, de 1837 à 1846, de...

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On voit par ces chiffres dans quelle proportion s'accroissent les relations de la France avec les pays les plus industriels, avec ceux dont la population et la richesse se développent le plus, avec ceux enfin que nous considérons comme nos émules les plus redoutables. Leurs progrès, loin de nous nuire, viennent en aide aux nôtres;

plus ils fabriquent et plus ils nous achètent, plus aussi ils nous ven dent, et tout le monde y trouve son compte.

Mettons à côté de cela nos relations avec l'Autriche, dont les douanes ne repoussent cependant pas nos produits.

Autriche. De 1827 à 1836, nos importations, commerce spécial, s'élèvent à....

de 1837 à 1846, en y comprenant les soies de la Lombardie à..

en 1853, les soies d'Italie, passant par le Piémont et ne figurant plus au compte de l'Autriche, les importations ne sont plus que de.

4,400,000 fr.

9,200,000

5,900,000

Pour les exportations, la moyenne de 1827-36 est de 3,600,000 Celle de 1836 à 1846 est de...... 3,200,000

En 1853 les exportations ne s'élèvent pas au-dessus de 4,100,000

C'est bien, si l'on veut, un progrès en 1853 de 28 pour 100 sur la période décennale de 1837 à 1846, et seulement de 13 pour 100 sur 1827 à 1836; mais qu'est-ce que 500 ou même 900,000 francs d'augmentation dans les rapports commerciaux de deux peuples comme la France et l'Autriche, a côté des 365 millions d'accroissement de nos échanges avec l'Angleterre, des 204 millions avec les Etats-Unis et des 175 millions avec la Belgique?

Si nous calculons d'une autre manière, nous trouverons ce que chaque Anglais, chaque Américain du Nord, chaque Belge et chaque sujet de l'empire d'Autriche nous a vendu et acheté en 1853.

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Nous voyons, d'après ce tableau, que chaque habitant du Royaume-Uni nous vend ou nous achète, ensemble, pour une somme de 19 fr. 01 c.; et c'est nous qui ne voulons pas étendre nos affaires de ce côté; car nos voisins font pour cela tout ce qu'ils peuvent, et ne se regardent pas comme ruinés parce qu'ils nous achètent chacun pour 15 fr. 23 c. par tête, et ne nous vendent que pour 3 fr. 78 c. Chaque Américain du Nord nous vend et nous achète pour 16 fr. 63 c.

2 SÉR. T. IV. — 15 Novembre 1854.

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Chaque Belge, favorisé par notre tarif, qui ne s'écarte de ses rigueurs que pour la Belgique, nous vend et nous achète pour 76 fr. 72 c.

A côté de cela, l'Autriche, avec ses 38 millions d'habitants, ne nous vend et ne nous achète, en tout, que pour une somme totale inférieure à 10 millions, soit, par tête, 26 centimes.

Telle est l'infimité de nos rapports commerciaux avec l'Autriche: les développements de l'industrie métallurgique dans ce pays, la mise en valeur de son sol admirable, surtout dans le Banat, son! donc appelés à produire une véritable révolution économique, dont les profits reviendront d'abord à l'Autriche, bien entendu, mais dont il nous reviendra une part d'autant plus large que nous aurous pris une part plus active au mouvement qui doit les produire, et que notre influence, reposant sur des services rendus, n'entraînera avec elle aucune humiliation, n'excitera aucun ressentiment. A. BLAISE (DES VOSGES.)

CORRESPONDANCE.

QUESTION DES BREVETS.-DES OBJECTIONS QUE SOULÈVE LA THÉORIE DU MONAUTOPOLE.

Lettre à M. Michel Chevalier sur deux articles parus dans le Journal des Débats touchant cette question.

Monsieur,

Le Journal des Débats a apporté à ses lecteurs, dans ses numéros du 19 et du 28 du mois d'août, deux articles qui ont dù réjouir bien vivement le cœur paternel de l'infatigable propagateur du monautopole, mais qui ont, je le crois, surpris bien des personnes qui croyaient professer, sur l'importante matière des brevets d'invention, les véritables principes de la saine économie politique. Au moment où un jugement aussi absolu est prononcé, au moment où l'autorité personnelle de M. Alloury, celle du journal si légitimement accrédité dans lequel il écrit, semblent acquises sans réserve aux idées de M. Jobard, il serait utile,il serait juste, il serait nécessaire peut-être que les adversaires de ces idées pussent soumettre au public, à titre d'éléments d'appréciation, quelquesunes de ces considérations qui les déterminent, et que M. Alloury a, ce me semble, plutôt condamnées que combattues. Oubliant trop que le zèle n'est pas un titre, j'avais entrepris, dans la vivacité d'une première

impression, de rétablir les termes du débat. L'attrait du sujet m'a entraîné ensuite. J'ai formulé ainsi quelques réflexions qui ne me paraissent pas sans force; je vous les envoie comme à un maître. Si vous jugez qu'elles puissent être de quelque secours à la science attaquée, le Journal des Economistes ne leur refusera pas sans doute, dans ses colonnes, une place demandée sous votre patronage; si vous trouvez que le feu soit tout ce qu'elles méritent, vous voudrez bien, en gardant pour vous l'ennui qu'elles vous auront causé, accomplir à ma place ce léger sacrifice.

I.

La question capitale, M. Alloury l'a parfaitement posée, c'est la question morale. Ce n'est pas à lui, ce n'est pas au Journal des Débats, qu'on a besoin de dire que le droit, à quelque objet qu'il s'applique, est uniformément sacré ; que l'intérêt, dans les matières économiques, est invariablement d'accord avec la justice; et que, là où est l'équité, là est aussi l'avantage commun: c'est donc avec raison que pour établir la théorie de la pérennité des brevets, M. Alloury a cherché à établir d'abord le droit exclusif, le droit absolu de l'inventeur sur son invention. Si, en réalité, ce droit existe, si l'inventeur est moralement propriétaire, dans toute la force du mot, de son invention; si, comme le dit M. Alloury, bien loin d'exploiter seul, en vertu d'une prérogative légale, une chose qui appartient à tous, le breveté exploite véritablement, en vertu d'un titre naturel, son propre bien et non celui des autres, et n'exerce pas plus un monopole que le propriétaire qui enclot son champ pour le labourer, l'ensemencer, le moissonner à son gré :-s'il en est ainsi, la question est jugée le brevet doit être perpétuel; le pouvoir de l'inventeur sur l'invention doit être sans limites, sans restriction; et cette restriction dernière que, par un sentiment invincible de la nécessité, les plus déterminés partisans du monautopole consentent à faire à ce pouvoir (la réserve pour l'Etat de la faculté d'expropriation pour cause d'utilité publique), cette réserve elle-même est injustifiable; car on ne parviendra jamais à prouver qu'il soit juste de contraindre un homme, quelque indemnité qu'on lui donne d'ailleurs malgré lui, à abandonner à la société une chose qui n'est que parce qu'il a voulu qu'elle fût, qu'il pouvait, après l'avoir créée dans son cerveau, y tenir à jamais cachée à tous, qu'il peut de même, après l'avoir produite, si réellement elle n'est qu'à lui et ne vient que de lui, faire rentrer en quelque sorte dans le néant, en s'abstenant de l'exploiter et en s'opposant à ce qu'elle soit exploitée par d'autres. Pour que ces conséquences extrêmes ne soient pas vraies, il faut que le principe d'où elles découlent invinciblement ne soit pas vrai; il faut que la société ait un droit sur toute invention, supérieur, par quelque côté, à celui de l'inventeur lui-même; il faut. d'autres termes, que l'inventeur n'ait pas sur son invention un

t et

exclusif, un droit proprement dit, mais seulement des titres à une préférence, à des avantages particuliers; titres réels, mais bornés et passagers. C'est, en effet, ou je me trompe fort, la conclusion à laquelle aboutit une analyse exacte; et, si elle conduit à assimiler, ou à peu près, comme l'a fait M. Alloury, à la position du propriétaire d'un bien matériel vis-à-vis ce bien celle de l'artiste ou de l'écrivain vis-à-vis son œuvre, elle ne conduit pas moins à distinguer, de cette position relativement simple, celle plus complexe de l'inventeur vis-à-vis son invention.

Celui qui possède un bien matériel en est le maître absolu, et il l'est justement, parce qu'il n'y a rien dans ce bien (sauf la libéralité de la nature qui en a fourni les éléments), qui ne vienne de lui, directement ou indirectement ; soit qu'il l'ait extrait, transporté et façonné lui-même, si c'est un objet mobilier; défriché, assaini, mis en culture, si c'est une terre soit qu'il ait payé à d'autres, par son travail ou par des objets représentatifs d'un travail fait par lui ou à son profit, la peine et les soins (éléments constitutifs de toute valeur) qui ont fait de ce bien ce qu'il est. J'ajoute que ce bien est, par sa nature, susceptible d'une appropriation exclusive, qu'il commande même cette appropriation, et que c'est par elle et par elle seule qu'il peut être pleinement utile à son possesseur et

aux autres.

Il en est de même, en partie du moins, et quant aux conditions essentielles, du droit de propriété de l'œuvre de l'artiste et de l'écrivain. Ils en ont puisé les éléments, non plus seulement dans la nature extérieure, il est vrai, mais aussi dans le fonds commun des connaissances, des pensées, des sentiments et des tendances dont le temps et le mouvement des sociétés ont fait le patrimoine de tous. Ils doivent au reste des hommes tantôt plus, tantôt moins, mais toujours beaucoup de cette puissance collective, résultant de la nature de l'espèce humaine, qui se transmet à tous par une communication irrésistible, et qui ne permet à aucun, en quoi que ce soit et quelque effort qu'il y puisse faire, de se réduire à une personnalité isolée. Ce secours, involontairement reçu, ils le payent involontairement aussi (comme le payent, dans l'ordre matériel tous ceux qui, en travaillant pour eux seuls, profitent à tous) par l'influence, impossible à supprimer ni à mesurer, de leur langage, de leurs sentiments, de leurs doctrines, de leurs œuvres; par tout ce qu'il ya, dans les produits de l'art et de la pensée, de rayonnement insaisissable et inévitable. Doivent-ils le payer encore, contre leur gré, par la restriction de leurs droits sur la forme matérielle de leurs ouvrages, par une privation, si tardive qu'elle soit, de la faculté de disposer de cette forme matérielle? Non; car cette forme, si loin qu'on pousse la doctrine de l'influence des milieux, est à eux, et à eux seuis, est leur création particulière et exclusive. Un peintre, un musicien, un sculpteur, un écrivain ont beau être d'une école, appartenir à une époque, avoir, si l'on veut, tiré du dehors tous les matériaux et jusqu'à toutes les inspirations de leurs travaux, il

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