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ment de près de 1,800,000 kilogr., sur lesquels la régie a acheté 1,427,276 kilogr. pour une somme de 1,303,000 fr.

Mais, circonstance digne de remarque, en même temps que les ensemencements augmentent, une amélioration sensible se manifeste dans la qualité des tabacs.

Ainsi, tandis que le prix moyen des tabacs compte de la régie, n'avait été que de.

achetés, en 1852, pour le 85 fr. 10 c. les 100 kilog.

il s'est élevé, en 1853, à.

Augmentation..

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Cette amélioration dans la qualité, dont témoignent déjà suffisamment les prix plus élevés payés par la régie, est encore constatée par les rapports des agents de l'administration des tabacs.

Votre Majesté permettra que je place sous ses yeux l'extrait suivant d'une dépêche qui m'a été adressée par le chef de la mission des tabacs en Algérie; ce document me paraît digne de lui être signalé :

« Les tabacs algériens, dit cette dépêche, laissent déjà loin derrière eux ceux d'Egypte, de Macédoine et de Grèce, auxquels ils avaient d'abord été assimilés; les tabacs de Hongrie ont un goût moins agréable; ceux du Kentucky ne sont ni plus fins, ni plus combustibles; enfin, les tabacs de Maryland ont un défaut d'élasticité et un goût d'amertume qu'on ne saurait reprocher à ceux de l'Algérie. »

L'avenir dira si les colons de l'Algérie réussiront à apporter de nouvelles améliorations dans la qualité de leurs tabacs; mais, en admettant qu'ils n'y parviennent point, n'est-ce pas déjà un beau résultat que de voir leurs produits classés plus avantageusement que des tabacs qui, sans occuper la première ligne, ont cependant une grande réputation?

Cette culture promet donc d'être fructueuse pour l'Algérie. La France, trouvant à ses portes des tabacs préférables à ceux qu'elle achète en Hongrie et en Amérique, demandera sans nul doute à notre colonie d'Afrique une partie de ceux qu'elle tire de l'étranger.

Les colons ont parfaitement compris l'avenir de cette riche culture; de nombreux ensemencements ont été effectués depuis la récolte de 1853, et les agents de l'administration des tabacs estiment qu'en 1854 la production du seul département d'Alger sera de 3 millions de kilog.

Industrie séricicole. Si la culture du tabac a pris le plus rapide développement, à raison des avantages peu considérables qu'elle exige, il est d'autres éléments de richesse dont l'avenir paraît tout aussi assuré, et qui ne tarderont pas à attirer l'attention à un degré égal.

Dans l'ordre de ces produits, l'industrie séricicole, dont je parlerai ici, parce qu'elle touche en un point à la culture, se classe après le tabac, mais, il est vrai, à une assez grande distance encore.

En effet, les progrès de cette industrie sont subordonnés à l'accroissement des mûriers, comme nombre et comme rendement, et ralentis encore par l'importance du capital qu'entraîne toute plantation.

Mais ce que l'on peut signaler, dès ce moment, c'est que, sous le rapport de cette industrie, notre colonie a fait de notables progrès; c'est que la qualité supérieure des soies algériennes, consacrée déjà par deux médailles à l'exposition de Londres, et par les prix élevés auxquels elles sont cotées sur le marché de Lyon, ne permet plus de douter que l'Algérie ne

prenne une place distinguée dans ce groupe de pays qui doivent aux vers à soie une bonne part de leurs richesses.

Pour constater ces progrès, il me suffira de placer sous les yeux de Votre Majesté un tableau indiquant quelle a été, dans le seul département d'Alger, la progression de cette industrie, et comme nombre d'éducateurs et comme produit:

En 1850, 89 éducateurs ont récolté 3,778 kilogrammes de cocons.

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Soit, pour le département d'Alger, 5,000 kilogrammes d'augmentation sur l'année précédente.

Les nouvelles plantations de mûriers, qui se font journellement dans les trois provinces, témoignent suffisamment de la volonté des colons de donner à cette industrie tout le développement dont elle est susceptible.

Culture de la garance. Les premiers essais de culture de la garance datent de quelques années à peine, et déjà une médaille d'honneur, obtenue à l'exposition, venait les signaler à l'attention du commerce.

Depuis lors, trois rapports, l'un de M. Chevreul, membre de l'Institut, directeur des teintures à la manufacture des Gobelins; l'autre de la Cham. bre consultative de l'arrondissement de Louviers; le troisième enfin de la Société industrielle de Mulhouse, ont reconnu la supériorité des garances de provenance algérienne sur celles de Chypre, qui sont les plus estimées. Mais, pour l'avenir de cette culture en Algérie, il ne suffisait pas que cette supériorité fût prouvée, il fallait encore que la différence entre le prix de vente et le prix de revient fût suffisamment rémunératrice.

Or, il résulte des calculs de plusieurs colons que le prix de revient est de 70 fr. par 100 kilogr., tandis que les cours de la bourse de Rouen attes tent que le prix de 100 kilogr. de garance varie entre 140 et 155 fr., soit au moins cent pour cent de bénéfices pour le colon.

Je n'ai pas besoin d'insister sur ce rapprochement de chiffres.

Education de la cochenille. - Le même avenir est réservé à une industrie plus lucrative encore que celle de la garance : à l'éducation de la cochenille.

Pour en juger, il suffit de rappeler que la cochenille, originaire du Mexique, fut importée aux Canaries en 1831 seulement. La première année, la production de ces îles fut de 4 kilogr., et, dix-neuf ans plus tard, en 1850, les Canaries exportaient, pendant les neuf premiers mois de l'année, 235,374 kilogr. de cochenille qui, au prix moyen de 15 fr. le kilogr. ont rapporté 3 millions et demi.

N'est-il pas évident que, l'éducation de la cochenille étant reconnue pośsible, l'Algérie doit, à raison de sa proximité de l'Europe, de la différence du fret, faire une concurrence victorieuse, non-sculement au Mexique, mais aux Canaries elles-mêmes?

Cette possibilité n'est plus aujourd'hui douteuse, les résultats de plusieurs années le prouvent; aussi ont-ils déterminé un certain nombre de colons à se mettre résolûment à l'œuvre; quelques-uns ont consacré toute leur fortune à la culture du nopal. Les produits sont d'ailleurs assez beaux pour tenter leurs efforts, car il résulte des calculs faits jusqu'à ce jour

qu'un hectare planté de 15,000 pieds de nopal donne un produit brut de 10 à 12,000 fr., dont 2,000 fr. doivent être prélevés pour les dépenses. Le département d'Alger compte actuellement 29 nopaleries et 500,000 pieds de nopal.

Culture du coton. L'illustre colonisateur de l'île de France a dit : « Il suffit d'une plante pour faire la richesse d'une nation. >>

Ce mot, dont l'histoire de plusieurs peuples atteste la vérité, devra une consécration nouvelle à l'histoire de l'Algérie. La sensation produite dans ce pays par la révélation inattendue des premiers résultats sérieux obtenus par la culture du coton; l'essor merveilleux qu'a pris cette culture en quelques mois, presque en un instant; ce sentiment des masses qui rarement se trompe, tout prouve que cette plante est trouvée.

Jusqu'en 1853, on ne peut qualifier que d'essais les efforts qui avaient été tentés pour la culture du coton, et cependant l'Angleterre, si bonne appréciatrice en ce genre de produits, accordait, à l'Exposition de Londres, 11 récompenses aux échantillons provenant de l'Algérie; depuis 1853, cette culture est définitivement acquise à ce pays.

Pour justifier les espérances auxquelles a donné lieu l'introduction de la culture du coton en Algérie, pour bien se rendre compte de l'influence qu'elle est appelée à exercer sur ce pays, j'ai besoin de rappeler des faits et de produire quelques chiffres.

En 1756, il y a un peu plus de cent ans, le cotonnier, qui fait aujourd'hui la richesse de l'Amérique du Nord, n'y existait qu'à l'état de plante d'agré

ment.

En 1790, l'exportation était de 80 balles.

Actuellement, les Etats-Unis produisent 3,200,000 balles.

On peut juger, par ce simple rapprochement, de la rapidité avec laquelle cette culture a progressé dans l'Amérique du Nord.

A côté de la production des Etats-Unis, il n'est pas inutile de se rendre compte de la consommation du coton en Europe; la voici :

En 1853, l'Angleterre a importé de tous pays 264,170 balles, soit près de 350,000,000 kilogr.

Pendant la même année, la France a importé 460,000 balles, soit près de 69,000,000 kilogr.

Les autres contrées européennes consomment environ 800,000 balles, d'un poids de 120,000,000 kilogrammes.

Soit, en totalité, 5,524,170 balles, et 552,000,000 kilogrammes.

Tel est le marché qui s'ouvre devant la production algérienne, à une époque où l'exportation américaine diminue, parce que les États-Unis fabriquent annuellement les tissus dont ils fournissaient seulement autrefois la matière première, à une époque où les manufacturiers commencent à se préoccuper sérieusement du renchérissenient des cotons.

Comme si la Providence n'avait point voulu marchander à l'Algérie l'étendue de son bienfait, il est aujourd'hui reconnu que les deux variétés de coton qui réussissent le mieux dans ce pays sont celle dont le prix est le plus élevé, parce que l'Amérique n'en peut fournir que 30,000 balles, ou celle dont le rendement est le plus considérable.

L'Algérie a compris quelle influence cette productive culture doit avoir sur ses destinées: Européens et Arabes se sont mis à l'œuvre, et en une année le département d'Alger a décuplé ses ensemencements en coton.

C'est au milieu de cette émotion générale que sont intervenues les mesures que Votre Majesté m'a ordonné de lui soumettre pour encourager et développer en Algérie cette source féconde de richesses. Aussi un immense cri de reconnaissance a-t-il accueilli ces décrets, et notamment celui par lequel Votre Majesté a fondé, pendant cinq années consécutives, et indépendamment des encouragements accordés sur les fonds de mon département, un prix de 20,000 fr. en faveur du planteur des trois provinces qui sera jugé avoir récolté sur la plus vaste échelle les meilleurs produits en coton.

Cette grande, généreuse et politique mesure a montré à l'Algérie l'importance qu'elle devait attribuer au développement rapide de l'industrie cotonnière, et augmenté la reconnaissance de ses habitants pour Votre Majesté.

Commerce des huiles. Je ne saurais terminer ce tableau des richesses agricoles de l'Algérie sans parler d'une dernière source de prospérité que la loi des douanes a ouverte pour ce pays du commerce des huiles.

L'olivier atteint en Algérie les proportions de nos arbres de haute futaie; certaines contrées, notamment la Kabylie, sont couvertes de cette précieuse essence. Il importait pour notre commerce de tirer parti d'un produit qui avait été négligé tant que le marché de la métropole lui avait été fermé.

Depuis 1852, le commerce des huiles a pris dans notre colonie un développement rapide. Un grand nombre de colons ont construit des moulins destinés à la trituration des olives, et les Kabyles ont apporté sur les marchés de Bougie, de Dellis et de Djidjelli, de grandes quantités d'huiles qui ont été immédiatement achetées par des négociants français. Malheureusement les procédés grossiers employés par ces montagnards pour la trituration des olives donnent un rendement inférieur de près de moitié au rendement normal. Mais des usines bien dirigées par des Européens ont été établies au milieu même des montagnes kabyles; d'un autre côté, des élèves indigènes reçoivent dans nos pépinières des notions pour greffer les oliviers. Tout annonce donc que ce commerce prendra bientôt une grande extension.

Il ne faudrait pas juger de la production des huiles en Algérie par la récolte de 1853, qui a été au-dessous de la moyenne des deux années précédentes. Cependant le chiffre des exportations s'est encore élevé à 2,914,450 kilogr., quantité inférieure de près de moitié à celle de 1852. Pépinières du Gouvernement. Il y aurait oubli de ma part à ne pas faire connaître les services rendus à la colonisation par les pépinières que le Gouvernement a établies en Algérie.

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Produire un grand nombre de jeunes arbres et les livrer aux colons au plus bas prix possible, essayer la culture des diverses plantes industrielles qui font la fortune de certaines parties de notre globe, et rechercher s'il est possible de les acclimater en Algérie, tels sont les deux buts que l'administration s'est proposé d'atteindre en fondant ces établissements.

Ses espérances n'ont point été déçues, c'est à la pépinière centrale du Gouvernement que l'Algérie doit la culture du coton, celle de la garance, l'éducation de la cochenille et l'industrie séricicole. C'est à elle que notre colonie devra peut-être l'acclimatation, tentée non sans quelques succès, du caféier et de l'arbre à thé. C'est enfin au jardin d'essai de Biskra que les

oasis sont redevables de la culture du riz de Chine, qui croît au pied des palmiers, sans nécessiter de soins spéciaux.

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Compagnie génevoise pour la colonisation des environs de Sétif. Une tentative importante pour le peuplement et la mise en culture du pays a été faite en Algérie pendant l'année 1853; je veux parler de la compagnie qui s'est fondée sous le patronage de plusieurs des hommes les plus considérables de la Suisse pour la colonisation des environs de Sétif par des émigrants suisses.

Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur cette entreprise, qui me paraît destinée à trouver des imitateurs.

Jusqu'au décret du 26 avril 1853, qui a fait concession à la Compagnie génevoise de 20,000 hectares dans les environs de Sétif, l'Etat avait été pour ainsi dire le seul entrepreneur de colonisation en Algérie. La connaissance imparfaite du pays, le défaut de sécurité qui, dans les premières années, devaient éloigner les capitaux privés, tout contribuait à effacer et à absorber l'initiative individuelle à qui la France est redevable de tant de grandes entreprises.

Le moment est arrivé où cette situation anormale doit cesser.

Aux termes des conventions intervenues entre l'Etat et la Compagnie génevoise, les 20,000 hectares affectés à la colonisation de Sétif sont divisés en dix sections de 2,000 hectares chacune. Sur chaque section la compagnie s'engage à faire construire un village de cinquante maisons, sans pouvoir bénéficier sur le prix de la maison, qui ne peut s'élever au-dessus de 2,000 fr.

L'Etat abandonne à la compagnie le choix des colons; mais, avant de les diriger sur les villages dont les travaux d'utilité sont seuls à la charge de mon département, elle doit avoir reçu au moins la moitié du prix de leur maison, et, entre autres, un dépôt de 2,000 fr. qui est versé entre les mains de l'Etat pour être ensuite rendu aux colons au fur et à mesure de leurs besoins.

De cette manière, chaque famille trouve, en arrivant, une maison construite; elle peut immédiatement se mettre au travail, et le dépôt de 2,000 fr. qu'elle a effectué assure son existence jusqu'à la récolte suivante.

Deux ans avaient été accordés à la Compagnie génevoise pour commencer les travaux des dix villages qui doivent être achevés en dix années, et cependant huit mois s'étaient à peine écoulés depuis la signature du décret de concession par Votre Majesté, qu'un premier village était non-seulement construit, mais encore entièrement peuplé; un secoud village était en voie d'exécution, et sous l'influence de renseignements fournis par les premiers colons arrivés, les demandes adressées à la compagnie par des familles réunissant toutes les conditions voulues devenaient tellement nombreuses, qu'elle se voyait dans l'obligation d'en rejeter un grand nombre.

Le succès qui a couronné cette entreprise paraît avoir déterminé plusieurs compagnies, tant françaises qu'étrangères, à suivre l'exemple de la Compagnie génevoise. Combien ne serait-il pas à souhaiter, cette première expérience faite, que les Conseils généraux reprissent un projet sur lequel mon département, de concert avec celui de l'intérieur, avait appelé leur attention, à savoir la création de villages départementaux peuplés par des habitants d'un même département, et portant le nom de ce département ! La réalisation d'un semblable projet, exécuté avec ensemble, serait digne

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