Page images
PDF
EPUB

cée, qu'il détermine ainsi, atténue l'importance de la perte de richesse qu'il a d'abord constituée.

Examinons maintenant un cas opposé à celui dont nous venons d'assigner les résultats; supposons, par exemple, que la maladie de la vigne ait disparu, et que la récolte des vins de France s'élève au double de ce qu'elle a été dans les dernières années. Il est probable qu'alors le taux de la valeur de l'hectolitre de vin s'abaissera de près de moitié; mais comme le nombre d'hectolitres se trouvera accru dans la même proportion, la production du vin représentera toujours une somme de valeurs au moins égale; en même temps, tous les autres produits ou services productifs auront doublé de valeur relativement au vin, c'est-à-dire qu'une même quantité de ces produits ou services obtiendra en échange deux hectolitres au lieu d'un. Le résultat sera donc un accroissement dans la somme totale des valeurs; d'où l'on peut déduire cette autre conclusion, qui n'est que la contre-partie de la première :

La baisse dans le taux de la valeur de produits déterminés, lorsqu'elle provient d'un surcroît obtenu avec les mêmes travaux ou frais dans la quantité de ces produits, n'empêche pas l'excédant de production de constituer une augmentation dans la somme totale des valeurs et des richesses.

Dans tous les cas analogues à ceux que nous venons d'examiner, les changements dans le taux des valeurs proviennent de l'action favorable ou défavorable des agents naturels. Il nous reste à étudier les fluctuations qui ont leurs causes dans l'action individuelle ou collective des hommes.

Parmi ces causes, il en est qui affectent le taux de la valeur des produits, des fonds ou des services productifs, dans toute l'étendue d'un ou de plusieurs Etats; d'autres, dont l'influence ne s'exerce que dans des localités plus ou moins circonscrites. Il en est dont l'action est constante, progessive; d'autres, qui n'agissent que temporairement; les unes tiennent à une action légitime et ne blessant en rien la liberté ni la justice; d'autres résultent de la contrainte, de l'oppression ou de tendances mal éclairées, etc. Ne pouvant examiner, ni même spécifier ici, tous les cas dissemblables, qui sont fort nombreux, nous nous bornerons à quelques indications principales.

Dans un pays entièrement occupé et cultivé, et où les perfectionnements de l'agriculture sont généralement arrivés près de la limite que comporte l'état des connaissances acquises, tout accroissement qui survient dans la population élève le degré de la valeur des ser

vices fonciers et des denrées agricoles. C'est à une semblable cause que paraît devoir être attribuée la hausse durable survenue de notre temps en Europe, - particulièrement en France et en Angleterre, -dans le taux de la valeur du bois, de la viande, et d'autres denrées provenant des bestiaux.

Lorsque le degré de la valeur de certaines classes de produits ou de services s'élève ainsi, sans qu'il y ait eu changement dans les quantités produites, et par le seul effet de l'accroissement de la demande, qu'en résulte-t-il pour la richesse générale?

Evidemment, il ne peut y avoir ici ni augmentation ni diminution de richesse, puisque, dans l'hypothèse admise, la masse des utilités valables ou des produits reste la même. Il n'y a pas non plus changement dans la somme totale des valeurs, et, pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que le taux de la valeur de la viande, du bois, etc., ne s'est élevé que parce qu'une même quantité de ces denrées trouve à s'échanger contre de plus grandes quantités d'autres produits, et que, dès lors, le degré de valeur de ceux-ci, relativement au bois, à la viande, etc., se trouve abaissé dans la proportion de la hausse obtenue par lesdites denrées; on ne trouve donc, dans le cas supposé, ni augmentation ni diminution de la somme totale des valeurs, mais seulement compensation de la hausse des unes par la baisse des autres.

On pourrait objecter que, si les denrées agricoles en question trouvent à s'échanger contre de plus grandes quantités d'autres produits, il faut en conclure que la quantité totale de ces derniers, et, par conséquent, la somme de valeur ou de richesse qu'ils représentent, se sont accrues; mais on peut répondre, d'abord, que cet accroissement, s'il avait eu lieu en effet, serait dû à d'autres causes que la hausse de la valeur des denrées; ensuite, que la première des conditions de l'objection ne comporte pas nécessairement la seconde. Les détenteurs des denrées enchéries peuvent obtenir, en les échangeant, plus de produits d'autres espèces, sans que la quantité totale de ceux-ci ait été augmentée; seulement, les détenteurs de ces derniers produits se résignent alors à être moins bien pourvus, et c'est là précisément ce qui explique pourquoi la hausse dont il s'agit, lorsqu'elle se produit dans les conditions que nous avons indiquées, est un mal; elle ne change rien à la masse des richesses existantes; mais comme elle est due à l'augmentation du nombre des copartageants, il faut nécessairement que les parts de ces derniers, ou d'une partie d'entre eux, soient réduites.

Nous croyons pouvoir tirer de ces observations la conclusion sui

vante :

L'élévation du taux de la valeur de certaines classes de produits, dont la quantité, dans un territoire circonscrit, est limitée par la nature des choses,-lorsque, d'ailleurs, cette élévation n'est due à aucun changement dans les quantités produites et qu'elle provient uniquement d'un accroissement de la population, -est compensée par un abaissement équivalent dans le degré de valeur de tous les autres produits; il n'en résulte donc ni augmentation ni diminution de la richesse générale ou de la somme totale des valeurs: elle ne constitue qu'un simple déplacement de richesses.

Cette règle nous semble applicable à tous les cas où la hausse du taux des valeurs résulte uniquement de l'extension de la demande, en présence d'une limitation naturelle et inévitable de l'offre. Il en est ainsi, par exemple, du surcroît de valeur qu'acquièrent les terrains à bâtir et les loyers d'habitation dans les villes, lorsque la population y afflue. Cette hausse, évidemment, n'ajoute rien à la masse des ressources destinées à la satisfaction des besoins, à la quantité ni à la qualité des utilités valables, en un mot, à la richesse générale; elle n'ajoute pas davantage à la somme totale des valeurs, puisque ceux qui ont à se procurer des terrains ou des logements doivent y affecter une plus forte part de leurs propres ressources, dont la valeur se trouve ainsi réduite, relativement à ces objets, dans la proportion de la hausse qu'ils ont éprouvée; mais il n'y a pas non plus, dans ce cas, réduction dans la richesse ou dans la somme totale des valeurs, puisque le sacrifice des uns est exactement compensé par le bénéfice des autres, et qu'à la diminution du pouvoir d'échange des utilités valables qu'il faut livrer pour se procurer des terrains à bâtir ou des logements, correspond une augmentation équivalente du pouvoir d'échange de ces derniers fonds productifs.

Le résultat des enchérissements de produits provenant de l'impôt et des monopoles établis, soit pour le compte de l'État, soit pour celui d'individus ou de classes d'individus, consiste dans un déplacement et dans une réduction de richesses et de valeurs. L'élévation que l'on amène ainsi dans le taux de la valeur du sucre, du sel, du tabac, du fer, etc., est d'abord compensée par un abaissement équivalent, - à l'égard de ces derniers objets, du degré de valeur des autres produits; mais, en même temps, l'impôt et les monopoles agissent comme pourrait le faire un accroissement de frais de production. Ils tendent à réduire les quantités produites avec les mêmes

travaux ou frais, par conséquent, à anéantir une portion de la richesse générale égale à cette réduction, et cela indépendamment des pertes de richesses qui peuvent résulter ultérieurement de l'emploi assigné au produit des impôts. Le résultat des monopoles établis pour le compte des particuliers ne diffère de celui des monopoles réservés à l'État qu'en ce que les excédants de valeurs ajoutés aux produits par les premiers sont exclusivement réservés aux producteurs ainsi favorisés, tandis que les autres excédants, ou leur équivalent en impôts, sont ou doivent être destinés à la satisfaction de besoins généraux. Du reste, les producteurs favorisés par un monopole sont, en général, loin de profiter de tout l'excédant de valeurs qui leur permet d'ajouter à leurs produits. Si l'on voulait, par exemple, donner le monopole de la production des oranges que l'on consomme en France aux jardiniers de Paris, il est probable que le taux de la valeur de ce produit s'élèverait dans la proportion de un à vingt tout au moins; mais les jardiniers de Paris ne profiteraient que d'une très-petite part de cette hausse; tout le reste, absorbé par les frais de production des oranges, constituerait une perte pour tous. Il en est de même, à différents degrés, de l'élévation apportée au taux de la valeur du fer, de la houille, des étoffes de laine et de coton, etc., par les prohibitions ou les droits plus ou moins prohibitifs au moyen desquels on a voulu réserver aux producteurs français de ces objets le monopole du marché national. La plus grande partie, et souvent la totalité des excédants de valeur ainsi maintenus, est absorbée par les frais de production qu'il faut sacrifier en sus de ceux qui suffiraient pour obtenir les mêmes produits en quantités égales, si le marché national était librement ouvert aux produits similaires étrangers.

Nous avons établi, au précédent paragraphe, que, dans tous les cas où le taux de la valeur d'un produit déterminé s'abaisse par par suite de la réduction des difficultés ou des frais de sa production, il en résulte un accroissement de la richesse générale, et, en même temps, de la somme totale des valeurs. On comprend, dès lors, que l'élévation du taux de la valeur d'un produit déterminé, lorsqu'elle est due à un accroissement de difficultés ou de frais, a nécessairement des résultats opposés.

Nous croyons ces données suffisantes pour résoudre toutes les difficultés que peut présenter, en économie politique, la question de la valeur ; nous venons de les mettre à l'épreuve en les appliquant à un certain nombre de cas différents, et chacun pourra facilement s'as

surer de leur solidité, en multipliant à son gré les applications; elles nous semblent applicables à tous les cas, un seul excepté, et nous allons spécifier celui-ci, après avoir présenté les conclusions générales résultant de l'ensemble de nos observations, et que nous formulerons ainsi :

Toute augmentation dans la quantité des utilités valables de tout genre, quelle qu'en soit la cause, constitue un accroissement de la richesse générale et de la somme totale des valeurs, bien qu'elle comporte généralement une BAISSE dans le taux de la valeur de l'unité des produits dont la quantité est accrue.

Toute diminution dans la quantité des utilitės valables de tout genre, quelle qu'en soit la cause, constitue une réduction de la richesse générale et de la somme totale des valeurs, bien qu'elle comporte généralement une HAUSSE dans le taux de la valeur de l'unité des produits dont la quantité est réduite.

Hors les cas d'augmentation ou de diminution dans la quantité (ou la qualité) des produits valables, la richesse générale et la somme totale des valeurs ne sont pas affectées; la hausse ou la baisse du taux des valeurs spéciales sont alors compensées.

Nous n'apercevons d'exception à ces règles que dans un seul cas : c'est celui d'une multiplication ou d'une réduction dans la quantité des unités monétaires, et cette exception est due à ce que, parmi les produits valables, la monnaie est le seul dent la quantité puisse être diminuée sans qu'il en résulte aucune réduction dans les services qu'il est appelé à rendre, le seul dont l'utilité dépende uniquement du taux de sa valeur. Un kilogramme de monnaie d'or est une quantité bien inférieure à quinze kilogrammes de monnaie d'argent ; mais, comme il vaut à peu près autant, il rend tout autant de services dans les transactions, en sorte que la quantité des monnaies d'or et d'argent, en tant que monnaies, et si l'on fait complétement abstraction des autres emplois que pourraient comporter les métaux dont elles sont formées, peut diminuer ou s'accroître sans que la richesse générale ou la somme totale des valeurs en soient affectées.

Il ne nous reste plus à présenter que de brèves indications relatives aux fluctuations des valeurs de bourse, genre de valeurs auquel les règles ou formules que nous venons de proposer ne sont plus ap-` plicables, parce qu'il ne s'agit plus ici de produits utilisables et valables par eux-mêmes, mais de signes représentatifs de créances ou de propriétés.

« PreviousContinue »