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conftamment la Vertu pour la fatisfaction qu'elle nous donne, & non par l'espérance qu'elle immortalifera notre mémoire chez les Hommes. Je fuis &c.

ADELAIDE,

Nouvelle Africaine,

PAR MADEMOISELLE CO**.

A

PRE'S deux ans d'amour, de pei, nes & de foins, Dom Sanchez, GentilHomme Espagnol, avoit obtenu fa Maitreffe en mariage. Les Parens de cette belle Perfonne s'étoient oppofés aflez long-tems au bonheur de Dom Sanchez. Ils trouvoient qu'il avoit peu de bien; mais ayant été nommé Colonel d'un Régiment de Dragons en faveur de ce grade, & dans l'efpoir du rang où il pouvoit parvenir, ils confentirent à lui accorder leur Fille.

LE mariage, loin de diminuer la tendreffe de Dom Sanchez, lui donna de nouvelles forces. La poffeffion d'Elvire lui paroiffoit un bien ineftimable. Il étoit dans ces fentimens, lorfqu'il reçut l'ordre

de

de partir pour Ceuta. Il devoit refter felon toutes les apparences dans cette Ville plus d'une année. L'idée de fe féparer d'Elvire pour un tems qui lui paroiffeit auffi long, l'accabloit de douleur. Quelque peine qu'il eut d'expofer aux dangers de la Mer ce qu'il avoit de plus précieux, il réfolut de mener fon Epoufe avec lui. Elvire l'y détermina entièrement. Elle ne pouvoit fuporter l'abfence d'un Mari qu'elle adoroit. Elle lui témoignoit fa peine par fes pleurs. Quand Dom Sanchez n'auroit point fongé à faire voyager en Afrique fon Epoufe, il en eut pris la réfolution pour tarir des larmes qui lui étoient fi chères. Il s'embarqua donc avec elle à Cadix. It comptoit faire le trajet en moins de 24. heures. La Fortune en avoit difpofé autrement. Un fort fatal étoit refervé à ces tendres Epoux. Ils étoient destinés aux maux les plus cruels.

UN Pirate Tuniffien attaqua le Vaiffeau fur lequel étoit Elvire & Dom Sanchez. Après un Combat affez long, & dans lequel Dom Sanchez fit des actions d'une valeur héroïque, le Pirate fe rendit maître du Vaiffeau Efpagnol. Qu'on fe figure la douleur d'Elvire, & le defespoir

de Dom Sanchez. Il étoit bleffé au bras. Sa tendre Epouse étoit auprès de lui, lorfque les Corfaires entrèrent dans le Bâti

ment.

Le Capitaine Tuniffien fut frapé de l'air noble de Dom Sanchez, & de la beauté d'Elvire. Quelque peu affables que foient les Gens de fon espèce, il fen tit tout-à-coup une partie de fa fureur s'évanouir. Il parla d'une manière fort douce à ces illuftres Malheureux. Il ordonna qu'on prit foin de Dom Sanchez & qu'on penfat fa bleffure.

LES Pirates, contens de leur prife, fi rent route vers Tunis. A peine y furentils arrivés, qu'ils partagèrent le butin & les Efclaves. Elvire & Dom Sanchez n'avoient pas été féparés pendant le Voya ge. Ils avoient efpéré qu'ils ne le feroient pas à Tunis. Le Capitaine les avoit flattés qu'ils feroient vendus au même Maî

tre.

Mais en débarquant les Prisonniers, & en les préfentant au Dei, felon la coutume du Païs, afin qu'il choifit en qualité de Souverain ceux dont il pouvoit avoir befoin, la beauté d'Elvire fit fon malheur & celui de Dom Sanchez. Le Prince, charmé de l'air noble de cette Efpagnole, réfolut de la placer auprès de fa Fille unique qu'il aimoit extrêmement. Il

or.

ordonna qu'on la conduifit dans fon Serrail, & permit aux Corfaires de difpofer à leur gré des autres Efclaves.

LORSQUE le Dei fe fut retiré, & que l'on eut annoncé à Elvire la funefte nouvelle qu'elle alloit être féparée de fon Epoux, elle penfa expirer de douleur. D'épais nuages couvrirent fes yeux; la voix lui manqua; elle ne put prononcer que ces mots en tombant évanouïe dans les bras de fon Epoux: Laiffez-moi mourir: la mort feule peut me fauver du malbeur qui m'attend. Dom Sanchez étoit encore plus malheureux que fon Epoufe. L'évanouiffement dans lequel elle étoit tombée fufpendoit le cours de fa douleur. Mais la connoiffance qu'il confervoit dans une fituation auffi trifte lui faifoit fentir toute la rigueur du fort qui l'accabloit. Il fut cent fois tenté de fe faifir du poignard d'un Turc qui étoit auprès de lui, & de fe donner la mort. Si l'état où il voyoit Elvire ne l'eut retenu, il eut mis fin à fon infortune. Son Ame flottoit entre le defefpoir & la pitié. Il confidéroit Elvire qu'il alloit perdre, Elvire dont il alloit être féparé pour toujours, Elvire qu'il adoroit, Elvire du malheur de laquelle il étoit la cause innoG 3

cente.

cente.

La mort lui paroiffoit alors un bien, & fa fureur étoit prête à prendre le deffus. Mais l'état d'Elvire qui alloit être privée pour toujours d'un Epoux qu'elle aimoit tendrement, un refte d'efpérance de pouvoir la rejoindre, tout cela fit refoudre Dom Sanchez à vivre, & à fupporter des maux qu'on ne peut connoître fans avoir aimé. La mort qui fépare deux Amans eft beaucoup moins cruelle à celui qui furvit, que n'eft af freux un éloignement qui prive de l'Objet qu'on aime, Il eft terrible pour un cœur bien épris de voir mourir fa Maitreffe il l'eft encore plus de la voir dans la puiffance d'un Rival.

ELVIRE ne revenoit point de fon évanouïffement. Dom Sanchez la preffant dans fes bras lui difoit en verfant un torrent de pleurs: belle Elvire, écoutez la voix de votre Epoux. C'eft lui qui vous prie de revenir à vous-même. Nos maux ne font point fans remède. Le Ciel qui nous force à nous féparer aujourd'hui, nous rejoindra peut-être plutôt que nous ne penfons. Les larmes de Dom Sanchez qui tomboient en abondance fur le vifage d'Elvire la rapelèrent à la vie plutôt que fes difcours. Elle ouvrit les

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