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se de Cours de Phifique expérimentale. IL y a deja longtems que cet Ouvrage. auroit paru; mais j'ai eu toutes les peines du monde à faire confentir Mademoifelle Co** de laiffer publier les Pièces qu'elle en avoit données. Vous connoiffez fa modeftie, elle égale fon mérite. Vous avez vû avec quelle indiférence elle a foutenu l'injuftice, que lui ont fait quelques perfonnes, de publier dans le Monde qu'elle n'avoit point écrit les dernières Lettres qui ont paru fous fon nom. Vous favez mieux qu'un autre, Monfieur, fi elles font d'elle, vous qui lui en avez vû écrire plufieurs, & qui joignant un caractère aimable à un efprit délicat, l'animez par vos confeils à continuer de mériter l'eftime des honnetes Gens. Un Pédant, qui vit dans un reduit obfcur à Amsterdam, lui a fait un crime d'être Cartéfienne. On m'a parlé d'une Lettre qu'il avoit écrit à ce fujet à un de fes Amis. Cette Lettre a été goutée par deux ou trois perfonnes, qui

Lettres Philofophiques & Critiques de Mademoiselle Co***, avec les Réponses de Monfieur le Marquis d'ARG. à la Haye, 1744.

qui font perfuadées qu'il y a beaucoup plus d'efprit à ne rien approuver, qu'à louer ce qui mérite de l'être. On ne

fauroit affez exhorter les Gens à fe def-: fendre de la paffion de décider, & qui pis eft, de décider fur les matières qu'ils ont le moins approfondi.

Vous favez, Monfieur, qu'on a voulu me rendre refponfable de quelques interpretations malignes qu'on a donné à trois ou quatre Portraits généraux que j'avois fait dans une de mes Lettres. On a prétendu que je voulois défigner certaines Gens, auxquelles je n'avois pas penfé. Il eft fort fingulier qu'un Auteur ne puiffe plus peindre le vice, parce qu'il y a des Vicieux qui prennent pour eux en particulier ce qui n'eft dit que pour le général. Il ne faudra pas jouer deformais fur le Théâtre des Courtisans, des Fourbes, des Débauchés, des Coquettes, des Prudes, des Avares, des Marquis ridicules, des Comteffes folles; parcequ'il y a réellement de tous ces Gens-là dans le Monde, & qu'on peut leur appliquer les Portraits qu'on en a fait. On brulera Moliere, Regnard, la Bruye

Pour Rouffeau, Defpreaux, il n'y aura point de fuplice qu'ils n'ayent mé

rité, puifque peu contents de blâmer les vices & les ridicules, ils ont nommé ceux qu'ils condamnoient. Je ne veux point icy deffendre ces deux derniers; mais quant aux prémiers, qui n'ont fait que des Portraits généraux, ils ne peuvent être blâmés par tout Homme qui juge fans paffion. Ce n'eft pas les Auteurs qui écrivent des Portraits généraux qu'il faut accufer de malice; ce font ceux qui font des Clefs à ces mêmes Portraits,

En voilà je crois affez pour apprendre à vivre à ceux qui ont voulu me taxer de malignité. Et quant à ceux qui croyent s'être reconnus dans mes Portraits, s'ils en font offenfés, il est un moyen bien certain pour rendre inutile ce que j'ai dit. Qu'ils deviennent bons, fages, vertueux; dès ce moment, ces mêmes Portraits qui les fachent, ne leur reffembleront plus.

Vous feriez furpris, Monfieur, fije vous apprenois les peines & les foins qu'on s'eft donné pour nuire à l'Ouvrage de Mademoiselle Co**. Je l'avois prévû; mais j'avois auffi prévû que tout' cela feroit inutile. Le Public juge par lui-même: on a beau vouloir arréter fes fuffrages par la brigue & par la cabale. Mais je m'apperçois que ma Lettre eft

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dejà

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dejà très longue. Peut-être vous aurat-elle ennuyé. Pardonnez-moi, Monfieur l'amitié eft un peu babillarde, & le Cœur aime à fe répandre avec ceux qu'il eftime. Je fuis &c.

REFLEXIONS

Diverfes fur les Paffions. Par Monfieur le Marquis d'Arg.

PAR

§. I.

Sur les Paffions en général.

ARMI les différentes Paffions, qui regnent dans le cœur des Hommes, il en eft un nombre de blâmables, qui naiffant des defirs déreglés de l'imagination, ne peuvent aboutir à rien que de criminel. Mais il en eft d'une autre espèce, qui oppofées à ces prémières, portent au bien, excitent à la vertu, & ne contribuent pas médiocrement au bonheur de la Société civile. Ceux qui difent que les Paffions font le malheur du Genre-Humain, & ceux qui prétendent qu'elles le rendent heureux, ont égale

ment

ment raison. Il ne s'agit que d'expliquer leurs fentimens; on découvre bientôt qu'ils n'ont rien de contraire, & qu'ils tendent au même but par des chemins différens.

UNE Paffion eft un mouvement de l'Ame qui la pouffe vers un objet, ou qui l'en éloigne, felon qu'il lui paroît aimable ou odieux. Ce mouvement eft occafionné par deux caufes principales ; ou par l'Imagination, qui étant frappée & affectée trop vivement par certaines idées, agite & émeut l'Ame, la tire de fa tranquilité & de fon affiéte ordinaire; ou par les parties du Corps, qui n'étant point dans une difpofition auffi parfaite qu'elles devroient l'être, s'altèrent & reçoivent plus de mouvement & de chaleur qu'il ne leur en faut. L'Ame prend part, par l'union que l'Auteur de la Nature a établie entre le Corps & l'Efprit, à cette augmentation de mouvement ou de chaleur, & en reçoit une impreffion qui lui caufe quelque Paffion. L'Ame fait fa demeure dans le Cerveau, où aboutiffent intérieurement tous les nerfs; & felon que le Cerveau est affecté par ces nerfs, elle reçoit certaines impreffions. Un Auteur Anglois compare l'Ame dans le Cerveau

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