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des Femmes qui y étoient. Hé quoi!
ignoriez-vous quelle étoit la Maitresse de
ces Femmes, dit Elvire? Je l'ignore
encore actuellement, répondit Dom San-
chez; & je crois même, qu'excepté le
Chef des Efclaves d'Ofinan, aucun des
Gens qui font à lui n'en eft inftruit. Si
vous l'aviez fu, repliqua Elvire, vous
auriez penfé que peut-être votre Epouse
n'étoit pas éloignée. C'eft la Fille du Dei
qui eft ici, & c'est elle qui fans doute ter-
minera vos maux & les miens. Que di-
rez-vous, lorfque vous faurez qu'elle
veut elle-même finir votre efclavage? Je
ne fai, dit Dom Sanchez, par quel hazard
elle veut s'intéreffer à mon fort, ne me
connoiffant point pour votre Epoux, &
ne m'ayant jamais vû. Mais il faut pro-
fiter de tous les expédiens qui s'offriront
pour finir notre captivité. Je ne veux
point, belle Elvire, altérer notre joye, ni
mêler de l'amertume à la douceur de
notre réunion. Cependant je dois vous
aprendre, afin que vous ne foyez point
trompée dans vos projets, que nous ne
devons plus compter fur le fecours de·
vos Parens. Dom Sanchez apprit alors
à Elvire le malheur arrivé à fon Père. Il
en adoucit le plus qu'il lui fut poffible les
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cir

circonftances, dans la crainte de l'affliger. Il en dit pourtant affez pour lui ôter tout efpoir de rançon du côté de l'Espagne.

CETTE nouvelle affligea Elvire; mais dans l'état où elle étoit, voyant fon Epoux qui lui parloit, & efpérant de n'en être plus féparée, fon cœur s'ouvrit foible ment à la douleur. Les grandes joyes qui faififfent entièrement l'Efprit, & qui s'emparent avec impétuofité de l'Ame, ne laiffent prefqu'aucune place aux idées chagrinantes qui peuvent furvenir. Dans un cœur rempli de l'Objet préfent, les images éloignées ne font qu'une impreffion légère. Dans un autre tems, Elvire apprenant la perte du bien de fon Père, & le chagrin qu'il avoit effuyé, eut répandu des larmes; dans la fituation où elle fe trouvoit, venant de recouvrer un Epoux qu'elle adoroit,& qu'elle croyoit perdu pour toujours, elle ne fit que de légères réfléxions. Puifque tout espoir, dit-elle, nous eft ravi du côté de l'Ef pagne, & que notre mauvaise fortune a ainfi influé fur mon malheureux Père, il faudra donc profiter de ce que le hazard & l'Amour nous offrent-ici. Le Ciel m'eft témoin que ce n'eft qu'à l'extrémi té que je viole les droits de l'amitié, &

pour

t

pour rendre la liberté à mon Epoux. Je fens une peine mortelle d'abufer de la foibleffe d'une Amie qui s'eft confiée à moi. Mais l'idée d'être féparée de vous l'emporte dans mon cœur. Ce que je vous dis, continua Elvire, vous paroit un mistère. Vous ne comprenez rien fans doute, Dom Sanchez, à mes difcours. Il faut vous les éclaircir en deux mots. Adelaïde, la Fille du Dei, vous aime. Elle vous a vû plufieurs fois dans ce Bofquet, fans que vous l'ayez apercuë. Elle m'a chargé de vous faire prefent de ces Diamans. Elle eft prête à partir avec vous & avec moi pour l'Espagne. Puifque la Fortune nous ôte tous les autres moyens d'obtenir notre liberté, il faut, mon cher Sanchez, profiter de celui-là. Ce n'eft qu'à regret que je m'en fers. Je fai que vous gemirez au fond du cœur de tromper une Perfonne qui ne le mérite pas; mais enfin le plus grand des crimes pour vous & pour moi, c'eft de né-, gliger les moyens de nous réunir pour toujours. Quoi! continua Elvire, voyant que Dom Sanchez ne répondoit point, vous hézitez fur le parti que vous devez prendre! Vous balancez entre le bonheur de me poffeder, & la peine de tromI 4

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per

per la crédulité d'une Perfonne que vous ne connoiffez point! Ha! vous ne m'aimez plus, Sanchez. Cinq mois d'abfence m'ont bannie de votre cœur. Que fe ra-ce donc, fi cette abfence devient plus longue?

JUSTE Ciel! s'écria Dom Sanchez, pouvez-vous, chère Elvire, me faire un reproche fi injurieux? Moi! ne plus vous aimer Moi! vous avoir oubliée! Ha! cruelle, ce cœur qui vous adore a-t-il mérité que vous le perciez du trait le plus fenfible? N'en doutez point, je fuis prêt à tout entreprendre. Je ne connois d'autre bien que celui de vous voir & de vous adorer. Mais pouvez-vous trouver extraordinaire qu'un cœur vertueux, tel que le mien, qui hait la feinte & la diffimulation, gemiffe d'être forcé d'avoir recours au plus trifte des expédiens? Belle Elvire, je vous paroitrois moins eftimable, fi vous me trouviez plus facile. Acceptons, j'y confens, tout odieux qu'il eft, le moyen que nous offre la Fortune de rompre nos fers. Mais plaignons-nous amèrement de cette même Fortune qui, après nous avoir rendus malheureux, ne met fin à nos maux, qu'en pous faifant commettre un crime.

Car

enfin,

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enfin, Elvire, il ne faut point s'aveugler, La diffimulation dont nous allons ufer, en est un; & nous aurons à nous reprocher éternellement l'état où se trouvera Adelaïde en arrivant en Espagne. Pourquoi l'y conduire, interrompit Elvire? Vous pouvez, fi vous voulez, vous fervir d'elle pour préparer tout pour notre départ ; & lorfque nous partirons, nous la tromperons elle-même en la laiffant ici. Vous me donnez un confeil, repliqua Dom Sanchez, dont je me fervirai très utilement. Dès qu'Adelaïde refte chez fon Père,mes peines s'évanouiffent prefqu'entièrement. Mais, chère Elvire, où vous verrai-je à l'avenir? L'idée du moment où vous m'allez quitter me fait frémir, Je viendrai dans ce Bois, reprit Elvire tous les jours à la même heure. Je m'y trouverai auffi lorfque le Soleil fera couché. Selon toutes les apparences, Adelaïde m'accompagnera fouvent. Je crains fa vuë lorfque nous ferons tous deux. Je juge de l'excès où fe porteroit fa jaloufie par la connoiffance que j'ai de la violence de fon amour. Nous ne pourons, cher Sanchez, nous empêcher de nous regarder avec trop d'attention; nos yeux nous trahiront, nos geftes, nos mouveI 5

mens.

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