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2 A palace constructed by the Knights of St. John, who were in possession of Rhodes from about 1309 to 1522.

4ee says."

8 Of the Nile.

5 High headdress worn by the kings of Egypt.

Des ailes! des ailes! des ailes!
Comme dans le chant de Rückert,1
Pour voler là-bas avec elles

Au soleil d'or, au printemps vert!

- << Émaux et camées >>

GRENADE

5

Grenade est gaie, riante, animée, quoique bien déchue de son ancienne splendeur. Les habitants se multiplient et jouent à merveille une nombreuse population; les voitures y sont plus belles et en plus grande quantité qu'à Madrid. La pétulance andalouse répand dans les rues un mouvement et une vie inconnus aux graves promeneurs castillans, qui ne font pas plus de bruit que leur ombre: ce que ia nous disons là s'applique surtout à la Carrera del Darro, au Zacatin, à la place Neuve, à la calle2 de los Gomeles qui mène à l'Alhambra,R à la place du Théâtre, aux abords de la promenade et aux principales rues artérielles. Le reste de la ville est sillonné en tous sens d'inextricables ruelles de trois à quatre pieds de large qui ne peuvent admettre 15 de voitures, et rappellent tout à fait les rues moresques d'Alger. Le seul bruit qu'on y entende, c'est le sabot d'un âne ou d'un mulet qui arrache une étincelle aux cailloux luisants du pavé ou le fron-fron monotone d'une guitare qui bourdonne au fond d'une cour intérieure.

Les balcons ornés de stores, de pots de fleurs et d'arbustes, les brin- 20 dilles de vigne qui se hasardent d'une fenêtre à l'autre, les lauriersroses qui lancent leurs bouquets étincelants par-dessus les murs des jardins, les jeux bizarres du soleil et de l'ombre qui rappellent les tableaux de Decamps représentant des villages turcs, les femmes assises sur le pas de la porte, les enfants à demi nus qui jouent et se 25 culbutent, les ânes qui vont et viennent chargés de plumets et de houppes de laine, donnent à ces ruelles, presque toujours montantes et quelquefois coupées de quelques marches, une physionomie particulière qui n'est pas sans charme et dont l'imprévu compense, et au delà, ce qui leur manque comme régularité.

Victor Hugo, dans sa charmante orientale, dit de Grenade:

Elle peint ses maisons de plus riches couleurs.5

1 German poet, 1788-1866. See "Liebesfrühling," Book III, 63.

2 "street."

8 This great citadel and palace of the Moors, founded in the thirteenth century, is

situated on a hill above the city.

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4 A French painter (1803-1860).

5 A line in the poem entitled "Grenade."

Ce détail est d'une grande justesse. Les maisons un peu riches sont peintes extérieurement de la façon la plus bizarre, d'architectures simulées, d'ornements en grisaille et de faux bas-reliefs. Ce sont des panneaux, des cartouches, des trumeaux, des pots-à-feu, des volutes, des 5 médaillons fleuris de roses pompons, des oves, des chicorées, des amours ventrus soutenant toutes sortes d'ustensiles allégoriques sur des fonds vert-pomme, cuisse de nymphe, ventre de biche: le genre rococo poussé à sa dernière expression. L'on a d'abord de la peine à prendre ces enluminures pour des habitations sérieuses. Il vous semble Io que vous marchez toujours entre des coulisses de théâtre. Nous avions déjà vu à Tolède des façades enluminées dans ce genre, mais elles sont bien loin de celles de Grenade pour la folie des ornements et l'étrangeté des couleurs. Pour ma part, je ne hais pas cette mode, qui égaye les yeux et fait un heureux contraste avec la teinte crayeuse des 15 murailles passées au lait de chaux. . . .

Pour aller à la promenade, l'on suit la Carrera del Darro, l'on traverse la place du Théâtre, où se dresse une colonne funèbre élevée à la mémoire de Joaquin Maïquez par Julian Romea,1 Matilde Diez et autres artistes dramatiques, et sur laquelle donne la façade de l'Arse20 nal, bâtiment rococo, barbouillé en jaune et garni de statues de grenadiers peints en gris de souris.

L'Alameda de Grenade est assurément l'un des endroits les plus agréables du monde: elle se nomme le Salon; singulier nom pour une promenade: figurez-vous une longue allée de plusieurs rangs d'arbres 25 d'une verdure unique en Espagne, terminée à chaque bout par une fontaine monumentale, dont les vasques portent sur les épaules de dieux aquatiques d'une difformité curieuse et d'une barbarie réjouissante. Ces fontaines, contre l'ordinaire de ces sortes de constructions, versent l'eau à larges nappes qui s'évaporent en pluie fine et en 30 brouillard humide, et répandent une fraîcheur délicieuse. Dans les allées latérales courent, encaissés par des lits de cailloux de couleur, des ruisseaux d'une transparence cristalline. Un grand parterre, orné de jets d'eau, rempli d'arbustes et de fleurs, myrtes, rosiers, jasmins, toute la corbeille de la Flore grenadine, occupe l'espace entre le Salon 35 et le Genil, et s'étend jusqu'au pont élevé par le général Sébastiani 2

1 Julian Romea (1813-1868), one of the most distinguished of Spanish actors, married the celebrated actress Matilde Diez (1818-1883). He erected at Granada a monument in which rest the remains of Isidoro (not Joaquin) Maïquez (1768-1820), likewise a wellknown actor.

Sébastiani (1772–1851), a marshal of France and statesman, distinguished himself in many campaigns.

du temps de l'invasion des Français. Le Genil arrive de la SierraNevada dans son lit de marbre à travers des bois de lauriers d'une beauté incomparable. Le verre, le cristal, sont des comparaisons trop opaques, trop épaisses, pour donner une idée de la pureté de cette eau qui était encore la veille étendue en nappes d'argent sur les épaules 5 blanches de la Sierra-Nevada. C'est un torrent de diamants en fusion. . . .

Un spectacle dont les peuples du Nord ne peuvent se faire une idée, c'est l'Alameda de Grenade au coucher du soleil: la Sierra-Nevada, dont la dentelure enveloppe la ville de ce côté, prend des nuances ini- 10 maginables. Tous les escarpements, toutes les cimes frappées par la lumière, deviennent roses, mais d'un rose éblouissant, idéal, fabuleux, glacé d'argent, traversé d'iris et de reflets d'opale, qui ferait paraître boueuses les teintes les plus fraîches de la palette; des tons de nacre de perle, des transparences de rubis, des veines d'agate et d'aventurine 15 à défier toute la joaillerie féerique des Mille et une Nuits. Les vallons, les crevasses, les anfractuosités, tous les endroits que n'atteignent pas les rayons du soleil couchant, sont d'un bleu qui peut lutter avec l'azur du ciel et de la mer, du lapis-lazuli et du saphir; ce contraste de ton entre la lumière et l'ombre est d'un effet prodigieux : la montagne 20 semble avoir revêtu une immense robe de soie changeante, pailletée et cotelée1 d'argent; peu à peu les couleurs splendides s'effacent et se fondent en demi-teintes violettes, l'ombre envahit les croupes inférieures, la lumière se retire vers les hautes cimes, et toute la plaine est depuis longtemps dans l'obscurité que le diadème d'argent de la Sierra 25 étincelle encore dans la sérénité du ciel sous le baiser d'adieu du soleil.

Les promeneurs font encore quelques tours et se dispersent, les uns pour aller prendre des sorbets ou de l'agraz 2 au café de don Pedro Hurtado, le meilleur glacier de Grenade; les autres pour se rendre à la tertulia, chez leurs amis et leurs connaissances.

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Cette heure est la plus gaie et la plus vivante de Grenade. Les boutiques des aguadores et des glaciers en plein vent sont éclairées par une multitude de lampes et de lanternes; les réverbères et les fanaux allumés devant les images des madones luttent d'éclat et de nombre avec les étoiles, ce qui n'est pas peu dire; et, s'il fait clair de 35 lune, l'on peut lire parfaitement les éditions les plus microscopiques. Le jour est bleu au lieu d'être jaune, voilà tout.

1" ribbed."
circle."

3"

«Voyage en Espagne », XI

2 "verjuice," juice of the green grape,
4" water venders."

GUILLAUME-VICTOR-ÉMILE AUGIER

Valence, 1820-1889, Croissy

Augier and Dumas fils stand out as the leading playwrights of the Naturalistic School. When Augier was eight years of age his family moved to Paris, and it was there that he got his education in the Collège Henri IV. He at first studied law, but, before he was twenty-five, began writing for the stage. After a few attempts in poetical comedy he found his true vein in the problems of contemporary social life, in the treatment of which he shows great good sense. He excelled particularly in dealing with bourgeois types. By his realistic presentation of characters, Augier shows himself to be the precursor of the best dramatists of the modern French stage.

et

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His best plays are La pierre de touche" (1853); "Le gendre de monsieur Poirier" (1854), both in collaboration with Jules Sandeau; "Le fils de Giboyer (1862); "Maître Guérin " (1864); "Les effrontés" (1861). He was elected to the Academy in 1857.

LES AMBITIONS DE MONSIEUR POIRIER1
Gaston, Poirier

Gaston. Eh bien, cher beau-père, comment gouvernez-vous ce petit désespoir? Êtes-vous toujours furieux contre votre panier percé de gendre? Avez-vous pris votre parti?

Poirier. Non, monsieur; mais j'ai pris un parti.

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Gaston. Y a-t-il de l'indiscrétion à vous demander . . . ?

Poirier. Au contraire, monsieur, c'est une explication que je vous dois. . . . (Il lui montre un siège; ils s'asseyent tous deux, l'un à droite et 10 l'autre à gauche de la table du milieu.) En vous donnant ma fille et un million, je m'imaginais que vous consentiriez à prendre une position. Gaston. Ne revenons pas là-dessus, je vous prie.

...

Poirier. Je n'y reviens que pour mémoire. . . . Je reconnais que j'ai eu tort d'imaginer qu'un gentilhomme consentirait à s'occuper 15 comme un homme, et je passe condamnation. Mais, dans mon erreur,

1 M. Poirier, a rich bourgeois ambitious to enter into aristocratic circles, has married his daughter to Gaston, marquis de Presles. He does not, however, find the satisfaction he anticipated.

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