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FRENCH ANTHOLOGY

Et s'empresserait moins à le faire régner,
Si vos armes sous moi n'avaient su rien gagner.
Mais parce qu'elle voit avec la Bithynie

Par trois sceptres conquis trop de puissance unie,
Il faut la diviser; ei dans ce beau projet,

Ce prince est trop bien né pour vivre mon sujet!
Puisqu'il peut la servir à me faire descendre,
Il a plus de vertu que n'en eut Alexandre;
Et je lui dois quitter, pour le mettre en mon rang,
Le bien de mes aïeux, ou le prix de mon sang.
Grâces aux immortels, l'effort de mon courage
Et ma grandeur future ont mis Rome en ombrage:
Vous pouvez l'en guérir, Seigneur, et promptement;
Mais n'exigez d'un fils aucun consentement:
Le maître qui prit soin d'instruire ma jeunesse
Ne m'a jamais appris à faire une bassesse.

Act II, scene 3

JEAN-FRANÇOIS-PAUL DE GONDI,

CARDINAL DE RETZ

Montmirail, 1613—1679, Paris

De Retz was destined by his family for the church, despite the fact that, during his youth, he did not show any clerical leanings. After the death of Louis XIII he was made coadjutor (1643), and, in 1651, cardinal under the name of Retz. He took an active part in the Fronde against the court, and thus fell into disfavor. In 1662 he retired to Commercy and there wrote his 'Mémoires," in which he relates much of the history of the Fronde in a peculiarly vivid fashion.

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UNE SCÈNE DE LA FRONDE1

Le Cardinal, après une douzaine de galimatias qui se contredisaient les uns les autres, conclut à se donner encore du temps jusques au lendemain, et de faire connaître, en attendant, au peuple que la Reine lui accordait la liberté de Broussel, pourvu qu'il se séparât et qu'il ne continuât pas à la demander en foule. Le Cardinal ajouta 5 que personne ne pouvait plus agréablement ni plus efficacement que moi porter cette parole. Je vis le piège; mais je ne m'en pus défendre, et d'autant moins que le maréchal de la Meilleraie, qui n'avait point de vue, y donna même avec impétuosité, et m'y entraîna, pour ainsi parler, avec lui. Il dit à la Reine qu'il sortirait avec moi dans les 10 rues, et que nous y ferions des merveilles. « Je n'en doute point, lui répondis-je, pourvu qu'il plaise à la Reine de nous faire expédier en bonne forme la promesse de la liberté des prisonniers; car je n'ai pas assez de crédit parmi le peuple pour m'en faire croire sans cela.» L'on me loua de ma modestie. Le maréchal ne douta de rien: «La parole 15

1 Revolt of the princes and of the Parliament of Paris against Mazarin, 1648-1653.

2 Cardinal de Mazarin.

3 Anne of Austria, queen of France.

4 Pierre Broussel, member of Parliament. His arrest, with that of two of his colleagues, precipitated the Fronde.

5 The duc de La Meilleraie (1602–1664), a distinguished general and marshal of France.

de la Reine valait mieux que tous les écrits!» En un mot, l'on se moqua de moi, et je me trouvai tout d'un coup dans la cruelle nécessité de jouer le plus méchant personnage où peut-être jamais particulier se soit rencontré. Je voulus répliquer; mais la Reine entra brusquement 5 dans sa chambre grise; Monsieur 1 me poussa, mais tendrement, avec ses deux mains, en me disant : « Rendez le repos à l'État »; le maréchal m'entraîna, et tous les gardes du corps me portaient amoureusement sur leurs bras, en me criant: « Il n'y a que vous qui puissiez remédier au mal.» Je sortis ainsi avec mon rochet et mon camail, en To donnant des bénédictions à droite et à gauche, et vous croyez bien que cette occupation ne m'empêchait pas de faire toutes les réflexions convenables à l'embarras dans lequel je me trouvais. Je pris toutefois, sans balancer, le parti d'aller purement à mon devoir, de prêcher l'obéissance et de faire mes efforts pour apaiser le tumulte. La seule 15 mesure que je me résolus de garder fut celle de ne rien promettre en mon nom au peuple, et de lui dire simplement que la Reine m'avait assuré qu'elle rendrait Broussel, pourvu que l'on fît cesser l'émotion.

:

L'impétuosité du maréchal de la Meilleraie ne me laissa pas lieu de mesurer mes expressions; car au lieu de venir avec moi comme il 20 m'avait dit, il se mit à la tête des chevau-légers de la garde, et il s'avança, l'épée à la main, en criant de toute sa force: «Vive le Roi! Liberté à Broussel!» Comme il était vu de beaucoup plus de gens qu'il n'y en avait qui l'entendissent, il échauffa beaucoup plus de monde par son épée qu'il n'en apaisa par sa voix. L'on cria aux 25 armes. Un crocheteur mit un sabre à la main vis-à-vis des QuinzeVingts le maréchal le tua d'un coup de pistolet. Les cris redoublèrent; l'on courut de tous côtés aux armes; une foule de peuple, qui m'avait suivi depuis le Palais-Royal, me porta plutôt qu'elle ne me poussa jusques à la Croix-du-Tiroir,2 et j'y trouvai le maréchal de la 30 Meilleraie aux mains avec une grosse troupe de bourgeois, qui avaient pris les armes dans la rue de l'Arbre-Sec. Je me jetai dans la foule pour essayer de les séparer, et je crus que les uns et les autres porteraient au moins quelque respect à mon habit et à ma dignité. Je ne me trompai pas absolument; car le maréchal, qui était fort embar35 rassé, prit avec joie ce prétexte pour commander aux chevau-légers de ne plus tirer; et les bourgeois s'arrêtèrent, et se contentèrent de faire ferme dans le carrefour; mais il y en eut vingt ou trente qui

1 Gaston d'Orléans, brother of Louis XIII (1608-1660).

2 At the corner of the streets Saint-Honoré and l'Arbre-Sec.

sortirent avec des hallebardes et des mousquetons de la rue des Prouvelles, qui ne furent pas si modérés, et qui ne me voyant pas ou ne me voulant pas voir, firent une charge fort brusque aux chevau-légers, cassèrent d'un coup de pistolet le bras à Fontrailles,1 qui était auprès du maréchal l'épée à la main, blessèrent un de mes pages, qui portait 5 le derrière de ma soutane, et me donnèrent à moi-même un coup de pierre au-dessous de l'oreille, qui me porta par terre. Je ne fus pas plus tôt relevé, qu'un garçon d'apothicaire m'appuya le mousqueton dans la tête. Quoique je ne le connusse point du tout, je crus qu'il était bon de ne le lui pas témoigner dans ce moment, et je lui dis au 10 contraire : <«< Ah! malheureux! si ton père te voyait . . . » Il s'imagina que j'étais le meilleur ami de son père, que je n'avais pourtant jamais vu. Je crois que cette pensée lui donna celle de me regarder plus attentivement. Mon habit lui frappa les yeux: il me demanda si j'étais Monsieur le Coadjuteur; et aussitôt que je le lui eus dit, il 15 cria: «Vive le Coadjuteur!» Tout le monde fit le même cri; l'on courut à moi; et le maréchal de la Meilleraie se retira avec plus de liberté au Palais-Royal, parce que j'affectai, pour lui en donner le temps, de marcher du côté des halles.

Tout le monde me suivit, et j'en eus besoin, car je trouvai cette 20 fourmilière de fripiers toute en armes. Je les flattai, je les caressai, je les injuriai, je les menaçai: enfin je les persuadai. Ils quittèrent les armes, ce qui fut le salut de Paris, parce que, s'ils les eussent eues encore à la main à l'entrée de la nuit, qui s'approchait, la ville eût été infailliblement pillée.

Je n'ai guère eu en ma vie de satisfaction plus sensible que celle-là.

From << Mémoires », Part second

1 The marquis de Fontrailles was an active participant in the Fronde, also author of "Mémoires."

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Unusually precocious by nature, Pascal, in addition, received a careful education under the direction of his father. He was particularly interested in mathematics, and, at the age of sixteen, won considerable general reputation, and also attracted the attention of Descartes, by the publication of his "Traité des sections coniques." In consequence of this he decided to devote his life to a study of the physical sciences. However, in 1646 he became interested in Jansenism; and, though he afterwards relaxed somewhat for a time from the strict principles of the sect, and gave himself up to the distraction of social life, he finally, in 1654, renounced worldly pursuits, and, in 1655, joined the Jansenist Society of Port-Royal, just in time to take part in the famous quarrel which the Jesuits were forcing upon the Jansenists. It was in this quarrel, in defense of Dr. Arnauld, leader of the Jansenists of Port-Royal, that Pascal wrote those masterpieces, perfect examples of keen and cutting irony, the "Lettres provinciales" (1656-1657).

After he had finished the "Lettres provinciales," his thoughts were almost constantly on the problems of life and immortality and the comparative unimportance of all things else; and it was during this period, from 1657 until his death, that he wrote the "Pensées" which he intended ultimately to unite in a Defense of the Christian Religion. In this work he was planning to give the facts of religion a force and certitude which none could fail to appreciate. But, delicate from birth, a sufferer for many years, he was not destined to finish his great work, and he died in 1662 at the age of thirty-nine. The first edition of the "Pensées" to conform to the manuscript of Pascal was published in 1844. There had been a garbled edition brought out by the Jansenists in 1670.

DE L'AUTORITÉ DES ANCIENS

Partageons avec plus de justice notre crédulité et notre défiance, et bornons ce respect que nous avons pour les anciens. Comme la raison le fait naître, elle doit aussi le mesurer; et considérons que, s'ils fussent demeurés dans cette retenue de n'oser rien ajouter aux con5 naissances qu'ils avaient reçues, ou que ceux de leur temps eussent fait la même difficulté de recevoir les nouveautés qu'ils leur offraient, ils se seraient privés eux-mêmes et leur postérité du fruit de leurs inventions. ..

Les secrets de la nature sont cachés; quoiqu'elle agisse toujours, on 10 ne découvre pas toujours ses effets: le temps les révèle d'âge en âge,

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