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VICTOR-MARIE HUGO

Besançon, 1802-1885, Paris

Son of an officer under Napoleon I, Victor Hugo passed part of his childhood in Italy and Spain where his father was stationed. He early showed great aptitude for poetry, and, at the age of twenty, published his first volume of verse ("Odes," 1822), followed in 1824 and 1826 by a second and third volume, entitled "Odes et ballades." Without giving evidence of the entire independence Hugo later developed, the "Odes et ballades” were clearly in line with the new literary ideals. Hugo's success put him forward as the natural leader of the younger generation of poets, who formed themselves into a Cénacle." Chateaubriand, Madame de Staël, and Lamartine had made it possible for this new literary school, called the Romantic School, to take definite form, and now its theories were expounded by Hugo in the Preface to "Cromwell" (1827), a long drama not written to be played. Three years later Hugo produced "Hernani” (1830), a drama in verse in which the new ideas were exemplified and in which the Romanticists won a victory over the violent opposition of the exponents of conservatism. "Hernani" was followed by "Marion Delorme” (1831); "Le roi s'amuse” (1832); “Ruy Blas" (1838); and "Les Burgraves " (1843), by the failure of which Hugo was led to give up writing for the stage.

In the meantime he had published "Notre-Dame de Paris” (1831), an archæological novel filled with brilliant pictures and affording striking glimpses of the Paris of the fifteenth century. Of his other novels " Les misérables" (1862), a powerful prose epic, is the most remarkable; though mention should also be made of "Les travailleurs de la mer" (1866) and “ Quatrevingt-treize " (1874).

But it was as a lyric poet that Hugo stands out above his contemporaries, if not as the greatest of all French poets. "Les orientales" (1829), ee Les feuilles d'automne” (1831), “Les chants du crépuscule” (1835), "Les voix intérieures " (1837), "Les rayons et les ombres" (1840), "Les contemplations" (1856), all displayed a wealth of imagination, an infinite variety of form, an entire mastery of versification, a wonderful command of language, and a striking richness of color. These same qualities, often carried to the extreme, are found in "La légende des siècles" (1859, 1877, 1883).

Hugo was elected to the Academy in 1841. During the latter part of the reign of Louis Philippe he entered somewhat into politics. He became an ardent republican after the downfall of the July monarchy, strongly opposed the Napoleonic restoration, and thus, after the "coup d'état" of 1851, had to leave France. He spent the next eighteen years in Jersey and Guernsey, and while in exile launched forth against Napoleon III "Les châtiments" (1853),

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"Napoléon le petit” (1853), and the " Histoire d'un crime” (written in 1852).
He did not return to Paris until the fall of the empire, when again he played
a considerable part in politics. At his death in 1885 the republican govern-
ment of France gave him a national funeral, and he is generally recognized
as the greatest literary figure of the nineteenth century.

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Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes;
Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes

Sur la terre étendu,

L'air était plein d'encens et les prés de verdures
Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
Son cœur s'est répandu.

L'automne souriait; les coteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine;

Le ciel était doré;

Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l'homme,
Chantaient leur chant sacré.

Il voulut tout revoir, l'étang près de la source,

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La

asure où l'a

Le vieux

avait vidé leur bourse,

plié,

Les retraites d'amour au fond des bois perdues,

L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues

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Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre

Des jours qui ne sont plus.

Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime

Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
Y réveille l'amour,

Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose

Se poser tour à tour.

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Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre,
Couraient dans le jardin ;

Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.

Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques;
Il rêva jusqu'au soir;

Tout le jour il erra le long de la ravine,
Admirant tour à tour le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir.

Hélas! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures,
Ainsi qu'un paria,

Il erra tout le jour. Vers l'heure où la nuit tombe,
Il se sentit le cœur triste comme une tombe,

Alors il s'écria:

«O douleur ! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée,
Savoir si l'urne encor conservait la liqueur,
Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée
De tout ce que j'avais laissé là de mon cœurb

«Que peu de temps suffit pour changer toutes choses!
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les filș mystérieux où nos cœurs sont liés

!

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<< Nos chambres de feuillage en halliers sont changées ; L'arbre où fut notre chiffre est mort ou renversé ;

Nos roses dans l'enclos ont été ravagées

Par les petits enfants qui sautent le fossé.

« Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée,
Folâtre, elle buvait en descendant des bois;
Elle prenait de l'eau dans sa main, douce fée,
Et laissait retomber des perles de ses doigts!

« On a pavé la route âpre et mal aplanie,
Où, dans le sable pur se dessinant si bien,

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Et de sa petitesse étalant l'ironie,

Son pied charmant semblait rire à côté du mien.

«La bonde du chemin, qui vit des jours sans nombre,(-2-4.

3-3-3

3

Où jadis pour m'entendre elle aimait à s'asseoir,
S'est usée en heurtant lorsque la route est sombre, 25-4
Les grands chars gémissants qui reviennent le soir.

« La forêt ici manque et là s'est agrandie.
De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant;
Et, comme un tas de cendre éteinte et refroidie,
L'amas des souvenirs se disperse à tout vent!

-4-2

«N'existons-nous donc plus? Avons-nous eu notre heure?
Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus?

L'air joue avec la branche au moment où je pleure ;
Ma maison me regarde et ne me connaît plus.

<< D'autres vont maintenant passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d'autres vont y venir;
Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront sans pouvoir le finir!

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«Car personne ici-bas ne termine et n'achève;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.

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<< Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,

Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds,
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours;

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<< Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme.
Il plonge dans la nuit l'astre où nous rayonnons;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.

<< Eh bien oubliez-nous, maison, jardin, ombrages!
Herbe, use notre seuil! ronce, cache nos pas !

Chantez, oiseaux ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages!
Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas...

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« Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline,
Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions,
Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine
Où gisent ses vertus et ses illusions;

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Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre cœur, qu'enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,
Chaque douleur tombée et chaque songe éteint,

« Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
Loin des objets réels, loin du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur;

Diogene

« Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encor palpiter sous un voile -
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! »
«Les rayons et les ombres »

1853

L'EXPIATION1

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Tabérau de Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours! l'empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou 2 fumant.
Il neigeait, L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,

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1857

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Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,sted.

Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,

1 The "expiation" is for the overthrowing of the Directory by Napoleon on the eighteenth Brumaire (November 9, 1799), an expiation found not so much in subsequent defeats as in his successor, Napoleon III.

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2 The retreat from Russia took place in the beginning of the winter of 1812.

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