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Carpe diem

Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours!

« Assez de malheureux ici-bas vous implorent:
Coulez, coulez pour eux;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;

Oubliez les heureux.

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<< Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit;

Je dis à cette nuit : « Sois plus lente»; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

«< Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons!

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L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive;
II coule, et nous passons! »

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Hé quoi! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace?
Quoi! passés pour jamais? quoi! tout entiers perdus ?
Ce temps qui les donna, ce temps ques efface,
Ne nous les rendra plus ?

Eternité, néant, passé, sombres abîmes,

Parlez

Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

O lac! rochers muets! grottes! forêt obscure!
Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux!

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باشمه

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Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise: « Ils ont aimé ! »

1823

LE CRUCIFIX

- « Méditations poétiques >>
sorvene te da port
de la mort de Chiss
te I'immortalité

Toi que j'ai recueilli sur sa bouche expirante
Avec son dernier souffle et son dernier adieu,
Symbole deux fois saint, don d'une main mourante,
Image de mon Dieu;

Que de pleurs ont coulé sur tes pieds que j'adore,
Depuis l'heure sacrée où, du sein d'un martyr,
Dans mes tremblantes mains tu passas, tiede

De son dernier soupir!

encore

Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme;
Le prêtre murrait ces doux chants de la mort,
Pareils aux chants plaintifs que murmure une femme
A l'enfant qui s'endort.

De son pieux espoir son front gardait la trace,
Et sur ses traits, frappés d'une auguste beauté,
La douleur fugitive avait empreint sa grâce,
La mort sa majesté.

Le vent qui caressait sa tête échevelée

Me montrait tour à tour ou me voilait ses traits,
Comme l'on voit flotter sur un blanc mausolée
L'ombre des noirs cyprès.

Un de ses bras pendait de la funèbre couche;
L'autre, languissamment replié sur son cœur,
Semblait chercher encore et presser sur sa bouche
L'image du Sauveur.

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Ses lèvres s'entr'ouvraient pour l'embrasser encore,
Mais son âme avait fui dans ce divin baiser,
Comme un léger parfum que la flamme dévore
Avant de l'embraser.

Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée,

> Le souffle se taisait dans son sein endormi,

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Et sur l'oeil sans regard la paupière affaissée sous

Retombait à demi.

Et moi, debout, saisi d'une terreur secrète,

Je n'osais m'approcher de ce reste adoré,

Comme si du trépas la majesté muette
L'eût déjà consacré.

Je n'osais!... Mais le prêtre entendit mon silence,

Et, de ses doigts glacés prenant le crucifix :
Voilà le souvenir, et voilà l'espérance:

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le plus Oui, tu me resteras, ô funèbre héritage!

m

saminn

Savenir de

Sept fois, depuis ce jour, l'arbre que j'ai planté
Sur sa tombe sans nom a changé de feuillage;
Tu ne m'as pas quitté.

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Place près de ce cœur, hélas! où tout s'efface,
Tu l'as contre le temps défendu de l'oubli,

Et mes yeux goutte à goutte ont imprimé leur trace
Sur l'ivoire amolli.

O dernier confident de l'âme qui s'envole,
Viens, reste sur mon cœur! parle encore, et dis-moi
Ce qu'elle te disait quand sa faible parole
N'arrivait plus qu'à toi ;

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Alors qu'entre la vie et la mort incertaine,
Comme un fruit par son poids détaché du rameau,
Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine
Sur la nuit du tombeau ;

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Quand des chants, des sanglots la confuse harmonie
N'éveille déjà plus notre esprit endormi,
Aux lèvres du mourant collé dans l'agonie,
Comme un dernier ami:

Pour éclairer l'horreur de cet étroit passage,
Pour relever vers Dieu son regard abattu,
Divin consolateur dont nous baisons l'image,
Réponds, que lui dis-tu ?

Tu sais, tu sais mourir ! et tes larmes divines,
Dans cette nuit terrible où tu prias en vain,
De l'olivier sacré baignèrent les racines

Du soir jusqu'au matin.

De la croix, où ton œil sonda ce grand mystère,
Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil;
Tu laissas comme nous tes amis sur la terre,
Et ton corps au cercueil !

Au nom de cette mort, que ma faiblesse obtienne
De rendre sur ton sein ce douloureux soupir :
Quand mon heure viendra, souviens-toi de la tienne,
O toi qui sais mourir !

Je chercherai la place où sa bouche expirante
Exhala sur tes pieds l'irrévocable adieu,
Et son âme viendra guider mon âme errante
Au sein du même Dieu.

Ah! puisse, puisse alors sur ma funèbre couche,
Triste et calme à la fois, comme un ange éploré,
Une figure en deuil recueillir sur ma bouche
L'héritage sacré !

Soutiens ses derniers pas, charme sa dernière heure;
Et, gage consacré d'espérance et d'amour,

De celui qui s'éloigne à celui qui demeure

Passe ainsi tour à tour,

Jusqu'au jour où, des morts perçant la voûte sombre,
Une voix dans le ciel, les appelant sept fois,

Ensemble éveillera ceux qui dorment à l'ombre

De l'éternelle croix !

-«Nouvelles méditations >>

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LAMARTINE

"Valneige

UN VILLAGE DANS LES ALPES

Sur un des verts plateaux des Alpes de Savoie,
Oasis dont la roche a fermé toute voie,
Où l'homme n'aperçoit, sous ses yeux effrayés,
Qu'abîme sur sa tête et qu'abîme à ses pieds,
La nature étendit quelques étroites pentes

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Où le granit retient la terre entre ses fentes,
Et ne permet qu'à peine à l'arbre d'y germer,
A l'homme de gratter la terre et d'y semer.
D'immenses châtaigniers aux branches étendues
Y cramponnent leurs pieds dans les roches fendues,
Et pendent en dehors sur des gouffres obscurs,
Comme la giroflée aux parois des vieux murs;
On voit à mille pieds, au-dessous de leurs branches,
La grande plaine bleue avec ses routes blanches,
Les moissons jaune d'or, les bois comme un point noir,
Et les lacs renvoyant le ciel comme un miroir;
La toise de pelouse, à leur ombre abritée,

Par la dent des chevreaux et des ânes broutée,
Épaissit sous leurs troncs ses duvets fins et courts,
Dont mille filets d'onde humectent le velours,

Et pendant le printemps, qui n'est qu'un court sourire,
Enivre de ses fleurs le vent qui les respire.
Des monts tout blancs de neige encadrent l'horizon,
Comme un mur de cristal, de ma haute prison,
Et, quand leurs pics sereins sont sortis des tempêtes,
Laissent voir un pan bleu de ciel pur sur nos têtes.
On n'entend d'autre bruit, dans cet isolement,
Que quelques voix d'enfants, ou quelque bêlement
De génisse ou de chèvre au ravin descendues,
Dont le pas fait tinter les cloches suspendues;
Les sons entrecoupés du nocturne Angélus, 、 A
Que le père et l'enfant écoutent les fronts nus,
Et le sourd ronflement des cascades d'écume,
Auquel, en l'oubliant, l'oreille s'accoutume,
Et qui semble, fondu dans ces bruits du désert,
La basse sans repos d'un éternel concert.

Les maisons, au hasard sous les arbres perchées,
En groupes de hameaux sont partout épanchées,
Semblent avoir poussé, sans plans et sans dessein,
Sur la terre, avec l'arbre et le roc, de son sein.

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