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jours pour n'avoir plus rien à me reprocher. Je commence à jouir de toutes mes fatigues, et je crois, tout de bon, que non seulement je n'ai pas nui à toutes ces beautés, mais qu'en cas de besoin je saurais fort bien faire un printemps, tant je me suis appliquée à regarder, à observer, à épiloguer celui-ci, ce que je n'avais jamais fait avec tant d'exac- 5 titude. Je dois cette capacité à mon grand loisir, et, en vérité, ma chère bonne, c'est la plus jolie occupation du monde. C'est dommage, qu'en me mettant si fort dans cette belle jeunesse, il ne m'en soit demeuré quelque chose;

Mais, hélas! quand l'âge nous glace,

Nos beaux jours ne reviennent jamais ! 1

ΙΟ

Cela est triste; mais j'aime à me donner quelquefois de ces coups de patte, pour mortifier mon imagination, qui est encore toute pleine de bagatelles et des agréments où il faudrait renoncer, quoiqu'on les appelle innocents. J'en prends à témoin M. de la Garde,2 qui renoncera 15 à Pauline 3 même, au premier jour. Je suis bien loin de cette perfection, et je vous aime encore trop, ma chère bonne, pour oser me vanter de plaire à saint Augustin.

1 From Molière's "Pastorale comique," 6th entrée.

2 The marquis de la Garde was a cousin of M. de Grignan.

3 Pauline de Grignan, later marquise de Simiane, daughter of Madame de Grignan.

MARIE-MADELEINE DE LA VERGNE

COMTESSE DE LA FAYETTE

Paris, 1634-1693, Paris

Madame de La Fayette was one of the most learned women of her age, particularly in the languages and literatures, which she studied under Ménage. She possessed also rare good sense and judgment. At the age of twenty-two she married the comte de La Fayette, whom she apparently did not find congenial, since they soon dropped out of each other's lives. She did not, however, lack friends, the duchess of Orleans, Madame de Sévigné, Huet, Segrais, La Fontaine, and especially La Rochefoucauld being in the number. The first of her two most important novels, "Zayde," appeared in 1670 under the name of Segrais. Her masterpiece, "La Princesse de Clèves," came out eight years later anonymously. It was particularly in this last work, the first piece of French fiction which conforms to the scope of the modern novel, that Madame de La Fayette showed the keen precision of her psychological analysis and the sober dignity and clearness of her style.

MORT DE HENRI II

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Enfin le jour du tournoi arriva. Les reines se rendirent dans les galeries et sur les échafauds qui leur avaient été destinés. Les quatre tenants parurent au bout de la lice, avec une quantité de chevaux et de livrées, qui faisaient le plus magnifique spectacle qui eût jamais 5 paru en France.

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Le roi 2 n'avait point d'autres couleurs que le blanc et le noir, qu'il portait toujours à cause de madame de Valentinois,3 qui était veuve. M. de Ferrare et toute sa suite avaient du jaune et du rouge. M. de Guise 5 parut avec de l'incarnat et du blanc: on ne savait d'abord par 10 quelle raison il avait ces couleurs, mais on se souvint que c'étaient celles d'une belle personne qu'il avait aimée pendant qu'elle était fille,

1 Queen Catherine de Medici, wife of Henri II; and Mary Stuart, the Reine Dauphine, wife of the Dauphin, later François II.

2 Henri II.

3 Diana of Poitiers (1499–1566), mistress of Henri II, over whom she wielded a great influence.

4 The duc de Ferrara, cousin of Henri II, and a great favorite at court.

5 The duc de Guise (1519-1563), the Balafré, a well-known general and statesman.

et qu'il aimait encore, quoiqu'il n'osât plus le lui faire paraître. M. de Nemours1 avait du jaune et du noir; on en chercha inutilement la raison. Madame de Clèves 2 n'eut pas de peine à la deviner: elle se souvint d'avoir dit devant lui qu'elle aimait le jaune, et qu'elle était fâchée d'être blonde, parce qu'elle n'en pouvait mettre. Ce prince3 crut 5 pouvoir paraître avec cette couleur sans indiscrétion : puisque madame de Clèves n'en mettant point, on ne pouvait soupçonner que ce fût la sienne.

Jamais on n'a fait voir tant d'adresse que les quatre tenants en firent paraître. Quoique le roi fût le meilleur homme de cheval de 10 son royaume, on ne savait à qui donner l'avantage. M. de Nemours avait un agrément dans toutes ses actions qui pouvait faire pencher en sa faveur des personnes moins intéressées que madame de Clèves. Sitôt qu'elle le vit paraître au bout de la lice, elle sentit une émotion extraordinaire; et à toutes les courses de ce prince elle avait de la 15 peine à cacher sa joie lorsqu'il avait heureusement fourni sa carrière.*

Sur le soir, comme tout était presque fini, et que l'on était près de se retirer, le malheur de l'État fit que le roi voulut encore rompre une lance. Il manda au comte de Montgomery, qui était extrêmement adroit, qu'il se mît sur la lice. Le comte supplia le roi de l'en dis- 20 penser, et allégua toutes les excuses dont il put s'aviser; mais le roi, quasi en colère, lui fit dire qu'il le voulait absolument.

La reine manda au roi qu'elle le conjurait de ne plus courir ; qu'il avait si bien fait qu'il devait être content, et qu'elle le suppliait de revenir auprès d'elle.

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Le roi répondit que c'était pour l'amour d'elle qu'il allait courir encore, et entra dans la barrière. Elle lui renvoya M. de Savoie, pour le prier une seconde fois de revenir; mais tout fut inutile. Il courut; les lances se brisèrent, et un éclat de celle du comte de Montgomery lui donna dans l'oeil et y demeura. Ce prince tomba du coup. Ses 30 écuyers et M. de Montmorency, qui était un des maréchaux de camp, coururent à lui. Ils furent étonnés de le voir si blessé; mais le roi ne s'étonna point. Il dit que c'était peu de chose, et qu'il pardonnait au

1 The duc de Nemours (1531-1585), an able and elegant soldier and courtier.

2 The princesse de Clèves, wife of M. de Clèves, but in love with, and loved by, M. de Nemours. 3 De Nemours. 4 "run over the course."

5 After the death of Henri II he retired for a time and then became a prominent Huguenot leader.

6 Husband of Madame, Marguerite de France, sister of Henri II.

7 M. de Montmorency (1492-1567) was a distinguished marshal of France and constable.

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comte de Montgomery. On peut juger quel trouble et quelle affliction apporta un accident aussi funeste dans une journée destinée à la joie. Sitôt que l'on eut porté le roi dans son lit, et que les chirurgiens eurent visité sa plaie, ils la trouvèrent très considérable.

M. le connétable1 se souvint, dans ce moment, de la prédiction que l'on avait faite au roi, qu'il serait tué dans un combat singulier; et il ne douta pas que la prédiction ne fût accomplie.

Le roi d'Espagne,2 qui était alors à Bruxelles, étant averti de cet accident, envoya son médecin, qui était un homme d'une grande répuIo tation; mais il jugea le roi sans espérance.

Le mal du roi se trouva si considérable, que le septième jour il fut désespéré des médecins. Il reçut la certitude de sa mort avec une fermeté extraordinaire, et d'autant plus admirable, qu'il perdait la vie par un accident si malheureux, qu'il mourait à la fleur de son âge, 15 heureux, adoré de ses peuples. . .

1 de Montmorency.

...

« La Princesse de Clèves », Part third

2 Philip II.

JEAN RACINE

La Ferté-Milon, 1639—1699, Paris

Racine was left an orphan when a mere child and was cared for by his grandparents. When about ten years of age he began his studies at the college at Beauvais; six years later he entered Port-Royal des Champs, where, under the Jansenist masters, he acquired a knowlege of the classics, especially of Greek. He was at first intended for the law. His inclinations, however, turned him to literature, and, after trying his hand at a few odes (particularly "La nymphe de la Seine " (1660), written on the occasion of the king's marriage), a few sonnets, and other lighter forms of verse, he attempted writing for the stage. At this, Port-Royal and some of his relatives were horrified, and the young poet was sent to Uzès in the south of France, to an uncle who was vicar-general of the diocese, and who, it was hoped, might secure a benefice for him. But his sojourn at Uzès did not prevent his writing verses and dreaming of Paris, whither he went in 1663, more than ever determined to follow his literary bent. He became acquainted with La Fontaine, Boileau, and Molière, whose theatrical company played his "Thébaïde " (1664), and his "Alexandre" (1665). A complete rupture with his old masters of Port-Royal came soon after the representation of these pieces, as did also a break in the friendship of Molière, from whose theater Racine withdrew the " Alexandre" after the sixth performance, taking it and also Mlle. du Parc, Molière's best actress, to the rival theater, the Hôtel de Bourgogne.

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Andromaque," played in 1667, the first of his great masterpieces, had a success which rivaled that of "Le Cid" in 1636. In the working out of this play, as in most of his other plays, love assumes an importance not hitherto known in French drama. "Les plaideurs," a comedy, appeared in 1668, "Britannicus" in 1669, "Bérénice" in 1670, "Bajazet” in 1672, "Mithridate" in 1673, "Iphigénie" in 1674, " Phèdre" in 1677. The growing success of his plays rather aroused than quieted the opposing factions, composed mainly of friends of the aged Corneille or enemies of Boileau, and, after "Phèdre," in 1677, Racine determined to renounce writing for the stage. In the same year he made his peace with Port-Royal, married, and was, with Boileau, appointed historiographer to the king.

He produced nothing more for the stage until 1689, when, asked by Madame de Maintenon to write a play for the girls' school at Saint-Cyr, he wrote the first of his two Biblical plays, "Esther." Two years later "Athalie" was modestly, and not very successfully, given at the same school. Sensitive to the failure of "Athalie," and with his disfavor at court increasing in measure as he became more closely attached to Port-Royal and Jansenism, Racine lived in retirement from 1691 until his death in 1699. He had been a member of the Academy since 1673.

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