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Voltaire obtint justice pour la famille de l'innocent et malheureux Calas. Il regarda comme une véritable obligation le foin de prendre la défense de tous les infortunés qu'il croyait les victimes de la prévention des juges et des erreurs de la loi. Il employait pour eux la force de sa raison, les charmes de fon éloquence, et toute l'autorité de fa gloire et de fon génie : ilofait croire que la voix de l'auteur de la Henriade et d'Alzire pourrait se faire entendre auprès du trône ou dans le fanctuaire des lois, et y porter les gémiffemens de l'homme obfcur ou opprimé.

On trouvera dans cette partie des observations fur l'Esprit des lois. Peut-être eft-il fingulier que, plus d'un fiècle après que Descartes nous a inftruits à fecouer en philofophie le joug de l'autorité, on refuse à un homme le droit de juger l'ouvrage d'un autre homme, pourvu qu'il ne se permette ni infidélité, ni déclamation injurieuse; mais il eft bien plus bizarre que ce foit à M. de Voltaire qu'on ne veuille point permettre d'examiner l'Esprit des lois; et l'on pourrait demander quels titres il faut donc pofféder pour ofer avoir une opinion fur cet ouvrage, fi M. de Voltaire ne les a point. Ses critiques d'ailleurs font prefque toujours justes: M. de Voltaire n'eût pas, fans doute, critiqué l'Esprit des lois, fi les erreurs de Montesquieu

pouvaient être indifférentes, fi le jufte refpect qu'on a pour fon génie ne les avait fait adopter en même temps que les vérités qui y font unies, fi fon nom n'était point devenu l'appui de préjugés dangereux, qui peut-être fans lui n'auraient pas réfifté fi long-temps aux efforts de la raison; fi enfin ce n'était pas à ces erreurs même qu'il doit, non l'eftime des hommes éclairés, mais l'enthousiasme de la foule de fes admirateurs.

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VOIX DU SAGE

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DU PEUPLE

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DES EDITEURS.

ET ouvrage parut, en 1750, dans le temps où les ridicules querelles pour la bulle menaçaient de troubler encore l'Etat, et où le clergé, propriétaire d'un cinquième des biens du royaume, refusait de porter une partie du fardeau des taxes fous lequel le refte de la nation paraissait prêt à fuccomber, et protégé par quelques ministres, les aidait à faire disgrâcier le contrôleur général qui ofait rendre ce fervice à fa patrie. Or le clergé raisonnait ainsi : notre bien est le bien des pauvres ; donc ce ferait un facrilége, fi, au lieu d'enlever aux pauvres leur néceffaire pour fubvenir aux dépenses de l'Etat, on nous prenait une faible partie de notre fuperflu. Nous étions exempts, comme la nobleffe, des anciennes taxes; donc nous ne devons pas payer les nouvelles taxes que la nobleffe paye comme le refte des citoyens. Et la nobleffe, qui, fous Louis XIV, s'eft affemblée pour un tabouret, et fous Louis XV pour un menuet, ne s'affembla point pour défendre ses droits contre les prêtres, et elle continua de payer gaiement pour le clergé. Prétendre, comme les Anglais, qu'on ne peut être taxé

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