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ECRITS

POUR LES HABITANS

DU MONT-JURA

ET DU PAYS DE GEX.

1770-1775.

DES EDITEURS.

NOUS

Ous avons cru devoir placer quelques réflexions sur l'esclavage de la glèbe à la tête de ces ouvrages que le fpectacle de l'aviliffement où les moines de Saint-Claude retenaient leurs ferfs a infpirés à l'ame fenfible et généreufe de M. de Voltaire.

ceી

Les droits de main-morte dont jouiffent les seigneurs, ne peuvent être regardés que comme des conditions auxquelles les terres des mainmortables leur ont été anciennement cédées, ou comme des impôts mis fur eux par ces feigneurs dans le temps où ils exerçaient une partie de la fouveraineté. Dans le premier cas le fouverain a le droit d'abolir la main-morte, c'està-dire, d'obliger les feigneurs à recevoir de leurs vaffaux un dédommagement égal à la valeur des droits dont ils jouiffent. En effet, toute convention dont l'exécution eft d'une durée perpétuelle doit être foumise, comme nous l'avons dit ailleurs, à la puiffance légiflative, qui peut en changer la forme, en confervant à chacun les droits réels qui résultent de la convention. Si les droits de main-morte représentent d'anciens impôts, il eft clair que

le fouverain qui a réuni dans fa personne tous les droits dont les feigneurs ont joui, n'a pu leur céder ces impôts d'une manière perpétuelle et irrévocable quant à la forme, et qu'il eft refté le maître de la changer, et par conféquent de détruire ces impôts en dédommageant les ceffionnaires du revenu qu'ils en tiraient puisque cette jouiffance pécuniaire est la seule chofe qu'il ait pu leur céder.

L'abolition des droits de main-morte eft donc légitime, pourvu que l'on en dédommage les propriétaires. Mais ce dédommagement exige deux conditions: la première que ces droits foient bien fondés, la feconde que le dédommagement n'excède point leur produit

réel.

Il paraît que la fimple jouiffance ne doit point ici former une prescription, comme lorfqu'il s'agit d'une propriété réelle, ou même de ces droits de dixme féodale, de champart, &c. qui font évidemment les réserves d'un propriétaire fur le fonds qu'il abandonne. La forme des droits de main-morte femble annoncer l'abus de la force; ainfi cette préfomption de la légitimité du droit qu'on fonde fur la jouissance, loin d'être ici en faveur du poffeffeur, eft contre lui. On doit donc, quelque longue qu'ait été la poffeffion, exiger des titres.

Quant à la méthode d'évaluer ces droits, les uns font annuels, comme les corvées féodales; et, dans ce cas, l'évaluation eft facile à faire : cinq jours de corvée par année équivalent à environ la 7 2o partie du travail, et par conféquent du produit de la terre; une dixme d'un 72o les remplacerait. Les autres droits font éventuels, et quelques-uns dépendent, jusqu'à un certain point, de la volonté de ceux qui y font foumis ceux-là ne peuvent s'évaluer que par le calcul des probabilités. Mais il ne pourrait y avoir de difficultés que dans la théorie, et les géomètres fauraient donner à la méthode d'évaluer la marche facile et fimple qu'exige la pratique.

Il y a enfin quelques droits qui font contraires au bon sens, comme celui d'hériter des meubles d'un étranger qui a vécu un an et un jour fur la terre main-mortable, même fans y pofféder de terrain soumis à la main-morte; comme celui qui accorde un droit au seigneur fur les biens que fon ferf peut avoir acquis dans un autre pays; ceux-là doivent être abolis fans aucun dédommagement, puifqu'il eft clair que le feigneur ne peut avoir de droit dans aucun cas que fur ce qu'un propriétaire de fon terrain possède dans l'étendue de fa feigneurie.

Tels feraient encore des impôts qui fe

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