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Nous avouons avec douleur que, dans les républiques, comme dans les monarchies, l'intrigue fait parvenir aux charges. Il y a eu des Verrès, des Milon, des Clodius, des Lépide, à Rome; mais nous fommes forcés de convenir qu'aucune république moderne ne peut fe vanter d'avoir produit des miniftres tels que les Oxenstiern, les Sully, les Colbert, et les grands hommes qui ont été choifis par Elifabeth d'Angleterre. N'infultons ni les monarchies, ni les républiques.

XXX V II.

Le czar Pierre n'avait pas le vrai génie. Quelques-unes des chofes qu'il fit étaient bien; la plupart étaient déplacées.... Les Tartares, fujets de la Ruffie, deviendront bientôt fes maîtres; ces révolutions me paraissent infaillibles.

Il lui paraît infaillible que de miférables hordes de Tartares, qui font dans le dernier abaiffement, fubjugueront inceffamment un empire défendu par deux cents mille foldats, qui font au rang des meilleures troupes de l'Europe. L'almanach du courrier boiteux a-t-il jamais fait de telles prédictions? La cour de Pétersbourg nous regardera comme de grands aftrologues, fi elle apprend qu'un de nos garçons horlogers a réglé l'heure à laquelle l'empire ruffe doit être détruit.

XXX VI I I.

Si on fe donnait la peine de lire attentivement ce livre du Contrat focial, il n'y a pas une page où l'on ne trouvât des erreurs ou des contradictions. Par exemple, dans le chapitre de la religion civile:

Deux peuples étrangers l'un à l'autre, et prefque toujours ennemis, ne purent reconnaître un même Dieu; deux armées fe livrant bataille ne fauraient obéir au même chef. Ainfi des divifions nationales refulta le polytheisme, et de-là l'intolérance théologique et civile, qui naturellement est la même.

Autant de mots, autant d'erreurs; les Grecs, les Romains, les peuples de la grande Grèce, reconnaiffaient les mêmes dieux en fe fefant la guerre ; ils adoraient également les dieux majorum gentium, Jupiter, Junon, Mars, Minerve, Mercure, &c. Les chrétiens, en fe fefant la guerre, adorent le même Dieu. Le polytheisme des Grecs et des Romains ne réfulta point de leurs guerres; ils étaient tous polythéiftes avant qu'ils euffent rien à démêler ensemble: enfin il n'y eut jamais chez eux, ni tolérance civile, ni intolérance théologique.

XXXI X.

Une fociété de vrais chrétiens ne ferait plus une fociété d'hommes, &c. Une telle affertion est bien bizarre. L'auteur veut-il dire que ce ferait une fociété de bêtes ou une fociété d'anges? Bayle a traité fort au long la queftion, fi les chrétiens de la primitive Eglife pouvaient être des philofophes, des politiques et des guerriers? Cette queftion eft affez oifeufe. Mais on veut enchérir fur Bayle, on répète ce qu'il a dit; et, dans la crainte de n'être qu'un plagiaire, on fe fert de termes hafardés qui, au fond, ne fignifient rien: car quels que foient les dogmes des nations, elles feront toujours la guerre.

On a brûlé ce livre chez nous. L'opération de le brûler a été auffi odieufe peut-être que celle de le compofer. Il y a des chofes qu'il faut qu'une adminiftration fage ignore. Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c'est dire, nous n'avons pas affez d'esprit pour lui répondre. Ce font les livres d'injures qu'il faut brûler, et dont il faut punir févèrement les auteurs, parce qu'une injure eft un délit. Un mauvais raisonnement n'eft un délit que quand il eft évidemment féditieux.

X L.

Un tribunal doit avoir des lois fixes pour le criminel comme pour le civil, rien ne doit être arbitraire, et encore moins quand il s'agit de l'honneur et de la vie, que lorfqu'on ne plaide que pour de l'argent.

X L I.

Un code criminel eft abfolument néceffaire pour les citoyens et pour les magiftrats. Les citoyens alors n'auront jamais à fe plaindre des jugemens, et les magiftrats n'auront point à craindre d'encourir la haine; car ce ne fera pas leur volonté qui condamnera, ce fera la loi. Il faut une puiffance pour juger par cette loi feule, et une autre puiffance pour faire grâce.

X LII.

A l'égard des finances, on fait affez que c'eft aux citoyens à régler ce qu'ils croient devoir fournir

pour les dépenfes de l'Etat; on fait affez que les contributions doivent être ménagées avec économie par ceux qui les adminiftrent, et accordées avec noblesse dans les grandes occafions. Il n'y a sur cet article nul reproche à faire à notre république.

XLIII.

Il n'y a jamais eu de gouvernement parfait, parce que les hommes ont des paffions; et s'ils n'avaient pas des paffions on n'aurait pas befoin de gouvernement. Le plus tolérable de tous eft, fans doute, le républicain, parce que c'eft celui qui rapproche le plus les hommes de l'égalité naturelle. Tout père de famille doit être le maître dans fa maison, et non pas dans celle de fon voifin. Une fociété étant compofée de plufieurs maifons et de plufieurs terrains qui leur font attachés, il eft contradictoire qu'un feul homme foit le maître de ces maisons et de ces terrains; et il eft dans la nature que chaque maître ait fa voix pour le bien de la fociété.

X LIV.

Ceux qui n'ont ni terrain ni maison dans cette fociété, doivent-ils y avoir leur voix? ils n'en ont pas plus le droit qu'un commis payé par des marchands n'en aurait à régler leur commerce: mais ils peuvent être affociés, foit pour avoir rendu des fervices, foit pour avoir payé leur affociation.

X L V.

Ce pays, gouverné en commun, doit être plus riche et plus peuplé que s'il était gouverné par un

maître; car chacun, dans une vraie république, étant sûr de la propriété de fes biens et de fa perfonne, travaille pour foi-même avec confiance; et en améliorant fa condition, il améliore celle du public. Il peut arriver le contraire fous un maître. Un homme eft quelquefois tout étonné d'entendre dire, que ni fa perfonne ni fes biens ne lui appartiennent.

X L V I.

Une république proteftante doit être d'un douzième plus riche, plus induftrieufe, plus peuplée, qu'une papiste, en fuppofant le terrain égal, et également bon, par la raifon qu'il y a trente fêtes dans un pays papiste, qui composent trente jours d'oifiveté et de débauches; et trente jours font la douzième partie de l'année. Si dans ce pays papiste il y a un douzième de prêtres, d'apprentifs prêtres, de moines et de religieufes, comme à Cologne, il est clair qu'un pays proteftant, de même étendue, doit être plus peuplé encore d'un douzième.

XLVII.

Les regiftres de la chambre des comptes des Pays-Bas, qui font actuellement à Lille, dépofent que Philippe II ne tirait pas quatre-vingts mille écus des fept Provinces-Unies: et par un relevé des revenusde la feule province de Hollande, fait en 1700, fes revenus montaient à vingt-deux millions deux cents quarante et un mille trois cents trente-neuf florins, qui font, en argent de France, quarante-fix millions fept cents fix mille huit cents onze livres

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