Un anonyme fit imprimer, à Paris, en 1617, une Piece sous le titre de Tragédie nouvelle de la perfidie d'Aman, mignon et favori du Roy Assué sa conjuration contre les Juifs, où l'on voit naïvement représenté l'état misérable de ceux qui se fient aux grandeurs. Le tout tiré et extrait de l'ancien Testament, du livre d'Esther, en trois actes, et en vers alexandrins. « Cette Tragédie est allégorique à la fortune et à la fin funeste du Maréchal d'Ancre, » disent le Duc de La Valliere et les freres Parfaict. « Plusieurs libelles, travestis grossiérement en Poëmes Dramatiques, ont été composés sur ce sujet, ajoutent ces derniers; mais cette Piece étant plus modérée, et ne nommant personne, il est très-croyable qu'elle a été représentée. La mémoire de ce malheureux étranger étoit tellement en horreur parmi le Peuple, et la Cour s'étoit déclarée si hautement contr'elle, que, dans ce tems de licence, on crut plaire généralement et faire un chef-d'œuvre de trouver de l'analogie entre le Maréchal d'Ancre et le favori d'Assuétus. >> Au reste, cette Piece, dont les freres Parfaict donnent l'extrait, acte par acte, n'a pas une autre marche que toutes les précédentes sur le même sujet, et ne présente aucun trait qui paroisse être particulier au Maréchal d'Ancre. Elle est, d'ailleurs, aussi mal versifiée que toutes celles dont nous avons déja parlé. Cet échantillon pourra en convaincre. «Aman, enorgueilli des grandeurs inouies auxquelles il est élevé, ne trouve pas son bonheur parfait, et s'en exprime de cette maniere. Et toutefois encor n'ai je pas de repos. Un certain Mardochée en tous lieux me courrousse, Ah! te voicy, coquin !.... Qui te fait si hardy MARDOCHÉE. Que veut dire aujourd'huy cet homme épouvantable, Qui croit m'épouvanter de sa voix effroyable? AMAN. Qui; mais ne sçay-tu pas ce que le Roy commande, O le grand personnage! Adorer un tel homme? Et ne fait-il pas beau qu'un petit raboteur, «Esther a porté des plaintes à Assuérus contre Aman. Le Roi, sans vouloir l'écouter, ordonne qu'on le pende, lui-même, au lieu de Mardochée. Le bourreau paroît aussi-tôt, et fait dresser une potence. Il saisit Aman par le collet. Aman lui dit, en se lamentant : Il me faut donc mourir? LE BOURREAU. C'est chose résoluc. Oui, il te faut mourir.... Tiens, le Roy te salue; AMAN, Je te prie, ô bourreau! aye un peu plus d'égard « Il continue à déplorer son sort. Le bourreau s'impatiente; et, voulant exécuter les ordres qu'on lui a donnés, il dit à Aman : C'est par trop caquetté! Allons, voilà bien dit pour moy, je suis hâté ; et il le pend, pour mettre fin à tous débats, et terminer la Tragédie. Les Muses Françoises, l'Abrégé de l'Histoire du Theatre François, du Chevalier de Mouhy, et Beauchamps, dans ses Recherches sur les Théatres, citent une Piece intitulée La belle Hester, Tragédie Françoise, en cinq actes, tiree de la Sainte Bible, et qui fut représentée, à Rouen, en 1622, et imprimée, avec un argument, dans la même ville, chez Abraham Cousturier, sans date. C'est tout ce qu'on nous apprend sur cette Piece, Nous avons cité, dans le Catalogue des Pieces de Pierre du Ryer, tome premier des Tragédies de notre Collection, celle que cet Auteur composa sur le sujet et sous le titre d'Esther, et qui fut représentée au Théatre de l'Hôtel de Bourgogne, en 1643, et imprimée l'année suivante. |