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senle au même moment comnie étant à cheval; et comme faisant voile sur le sein de l'air. Il est impossible que l'imagination se forme un tableau net d'objets aussi confus.

Il y des fautes de la même espèce dans la phrase suivante: « Sous quelque jour qu'on envisage la nature humaine, sa vue suffira toujours » pour éteindre les semences de l'orgueil. Remarquez l'incohérence des choses qui se trouvent ici rassemblées : « Une vue éteint, et elle » éteint des semences:>>>

Horace est aussi incorrect dans le passage sui

vant :

Urit enim fulgore suo qui prægravat artes infrà se positas :

Uritqui prægravat; celui qui écrase, éblouit. C'est là évidemmment un mélange d'images incompatibles.

On a donné une bonne règle pour reconnaître la justesse d'une métaphore, lorsqu'on a là-dessus quelque doute, et qu'on craint de mêler des images mal assorties.

Il faut essayer d'en former un tableau, et considérer comment s'accordent ses différentes parties; voir quel aspect le tout présenterait, si on venait à l'exécuter au pinceau. Par ce moyen

on remarquera si les circonstances contiennent quelque chose d'incompatible; si, comme dans les exemples que je viens de citer, on n'a produit qu'une association monstrueuse; si un seul et même objet est constamment offert à l'imagination, et s'il est toujours sous sa forme et sous ses couleurs naturelles.

Ce n'est pas assez d'éviter les métaphores mixtes, il faut, en sixième lieu, se garder de les entasser sur un même objet : c'est en vain que chacune sera distincte; s'il y en a trop, elles produiront la confusion. On peut en juger par les strophes suivantes d'Horace, qui ont été justement critiquées par d'habiles commentateurs :

Motum ex Metello consule civicum,
Bellique causas, et vitia, et modos,
Ludum que fortunæ, gravesque
Principum amicitias et arma
Nondum expiatis uncta cruoribus,
Periculosa plenum opus, aleæ

Tractas, et incedis per ignes
Suppositos cineri doloso.

Ce passage, quoique vraiment poétique, est cependant pénible et obscur; cela provient de ce que le poète accumule trois métaphores distinctes pour peindre la difficulté d'écrire l'histoire des guerres civiles, travail que Pollion avait entrepris; premièrement, Tractas arma uncta cruo

ribus nondum expiatis (Vous maniez des armes encore teintes de sang non encore expié); ensuite opus plenum periculosa alea (C'est un ouvrage plein d'un dangereux hasard); et enfin incedis per ignes suppositos cineri doloso (Vous marchez sur des feux que couvre une cendre trompeuse). L'esprit se prête difficilement à suivre ces diverses images qui présentent, par une succession rapide, le même objet sous plusieurs formes.

La septième et dernière règle qu'il me reste à donner pour les métaphores, est de ne pas les pousser trop loin. Si on s'arrête long-temps sur la ressemblance qui sert de fondement à la figure, si on la suit jusque dans les moindres circonstances, ce n'est plus une métaphore, mais une allégorie. Le lecteur se lasse, ce jeu de l'imagination ne tarde pas à l'ennuyer, et le discours devient obscur. C'est ce qu'on appelle pousser ou presser une métaphore.

C'est une des principales causes de l'embarras et de la dureté dans le langage figuré. Il est des auteurs qui poussent aussi quelquefois leurs métaphores au-delà des justes bornes. Leur goût pour les ornemens du style les entraîne, et s'ils trouvent une figure qui leur plaise, ils ne peuvent se résoudre à l'abandonner; ainsi, en parlant de

la méditation, on ne doit pas la présenter métaphoriquement, comme un remède évacuant qui peut être utile à un écrivain.

Ces avertissemens méritent l'attention particulière des jeunes littérateurs, qui sont sujets à se laisser éblouir par un style brillant et fleuri, sans considérer s'il est ou non à sa place. Ils doivent avoir constamment sous les yeux ce précepte de Cicéron: Celui-là est véritablement éloquent, qui sait discourir, en style simple, sur les sujets ordinaires, et traiter avec dignité les grands sujets, et ne s'élever qu'à la hauteur convenable dans les sujets moyens. Celui qui ne sait point parler d'une manière tranquille, douce, réglée, distincte, se livre à des transports que ne partagent point ses auditeurs, et semble un foų parmi des sages, ou un homme ivre au milieu d'une compagnie de gens sobres qui jouissent de toute leur raison.

Il n'y a point de figure qui puisse rendre intéressante une composition vide et sans âme; tandis qu'un sentiment ou une pensée sublime ou pathétique se soutient parfaitement de soimême, sans emprunter le secours d'une décoration étrangère, Aussi, plusieurs passages trèsadmirés, dans les bons auteurs, sont conçus dans le langage le plus naturel.~

C'est ainsi que le style simple de l'Ecriture <<< Il a dit, tout a existé; il a commandé, et tout a paru; Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. ») présente mieux une pensée élevée que n'auraient pu faire les plus brillantes métaphores. La place la plus convenable des figures, qui sont les ornemens du discours, est celle où règne un ton modéré d'élévation et de passion, et là même, ces ornemens ne contribuent à embellir le discours, qu'autant qu'ils ont pour base des pensées solides et des sentimens naturels, qu'ils sont placés à propos, qu'ils naissent du sujet sans apprêt et sans recherche.

C'est M. GOFFAUX, professeur distingué du collège Louis-le-Grand, qui m'a donné l'idée de ce Dictionnaire.

Non-seulement il y a une métaphore dans le mot correspondant à celui qui est à la marge, mais j'ai encore eu soin de n'employer que des phrases qui sont presque toutes métaphoriques; ainsi ce Dictionnaire renferme presque toutes les métaphores usitées dans la langue française ; du moins, on peut suppléer facilement à celles qui manquent, et même en créer de nouvelles.

Pour conserver le texte des auteurs dans toute son intégrité et ne pas multiplier inutilement les parenthèses, j'ai laissé les pronoms, et je n'ai

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