Les pasteurs amoureux qui chantent leur bergères Ah! comme je rirais !... Dans l'instant le loup passe, Mais à peine il paraît, que, prompt à le saisir, Au bruit qu'ils font en combattant, Deux moutons effrayés s'écartent dans la plaine: Alors le roi presque en courroux Lui dit: Comment fais-tu? Les bois sont pleins de loups, Dans cet heureux état, toi seul tu les maintiens! FABLE XXXI. LES DEUX LIONS. Sur les bords africains, aux lieux inhabités Les deux lions courent d'abord Au bruit de cette eau murmurante. Ils pouvaient boire ensemble; et la fraternité, Le besoin, leur donnaient ce conseil salutaire : Mais l'orgueil disait le contraire Et l'orgueil fut seul écouté. Chacun veut boire seul : d'un œil plein de colère Hérissent de leur cou l'ondoyante crinière; Qu'à ce bruit, dans le fond de leur sombre tanière, Ce combat fut plus long qu'aucun de ces combats Qui d'Achille ou d'Hector signalèrent la rage; Car les dieux ne s'en mêlaient pas. Après une heure ou deux d'efforts et de morsures, Nos héros fatigués, déchirés, haletans, S'arrêtèrent en même temps. Couverts de sang et de blessures, N'en pouvant plus, morts à demi, Se trainant sur le sable, à la source ils vont boire, Mais, pendant le combat, la source avait tari. lls expirent auprès. Vous lisez votre histoire, Malheureux insensés, dont les divisions, L'orgueil, les fureurs, la folie, Consument en douleurs le moment de la vie ;> Vos jours, c'est l'eau qui s'est tarie. FABLE XXXII. LES SERINS ET LE CHARDONNERET. Un amateur d'oiseaux avait, en grand secret, Glissé l'œuf d'un chardonneret. La mère des serins, bien plus tendre que fine, Que s'il était de la famille. Couché dans le duvet, il dort le long du jour Douce erreur qui toujours fait voir l'objet qu'on aime Jaloux de son bonheur, un vieux chardonneret Vient lui dire: Il est temps enfin de vous connaître ; Ceux pour qui vous avez de si doux sentimens Ne sont point du tout vos parens. C'est d'un chardonneret que le sort vous fit naître. Le bec... Oui, dit l'oiseau; j'ai ce qu'il vous plaira: Mais je n'ai point une ame ingrate, Et mon cœur toujours chérira Ceux qui soignèrent mon enfance. Si mon plumage au leur ne ressemble pas bien, Ont une grande ressemblance. Vous prétendez prouver que je ne leur suis rien, FABLE XXXIII. LE CHATEAU DE CARTES. Un bon mari, sa femme et deux jolis enfans Ils prêchaient à leurs fils la vertu, la sagesse, L'aîné de ces enfans, né grave, studieux, Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse, Un soir, selon l'usage, à côté de leur père, Il n'en respirait pas d'attention, de peur. Qui s'interrompt: Papa, dit-il, daigne m'instruire Ces deux noms sont-ils différens ? Le père méditait une réponse sage, S'écrie: Il est fini! Son frère murmurant Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage ; Mon fils, répond alors le père, FABLE XXXIV. LE CHAT ET LE MOINEAU. La prudence est bonne de soi; Mais la pousser trop loin est une duperie: L'exemple suivant en fait foi. |