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les lettres qu'une distraction plus ou moins honnête, l'esprit du temps était ailleurs.

Conclusion.

Après cette course à travers les monuments littéraires de notre histoire, après avoir visité avec nous tant de pensées, tant des formes diverses, le lecteur nous demandera peut-être de conclure, ou plutôt de résumer nos conclusions. Če mobile spectacle des travaux de tous les âges n'est-il pour nous qu'une succession fortuite de phénomènes plus ou moins brillants; ou bien les créations les plus libres de la fantaisie sont-elles soumises à une loi et enchaînées dans un certain ordre? La littérature s'agite sans doute, peut-on dire qu'elle marche?

En général, nous sommes de ceux qui croient au progrès. Mais cette profession de foi demande quelques explications. Le progrès est sans doute la loi de l'individu, des nations, de l'espèce tout entière. Croître en perfection, exister en quelque sorte à un plus haut degré, c'est la tâche que Dieu impose à l'homme, c'est la continuation de l'œuvre de Dieu même, c'est le complément de la création. Mais cette croissance morale, ce besoin de grandir peut, comme toutes les forces de la nature, céder à une force plus grande; c'est une impulsion plutôt qu'une nécessité; elle sollicite et ne contraint pas. Mille obstacles en arrêtent le développement dans les individus et dans les sociétés : la liberté morale peut en ralentir ou en accélérer les effets. Le progrès est donc une loi qu'on n'abroge point, mais à laquelle on cesse quelquefois d'obéir.

Cependant plus la masse des individus est grande, plus les caprices du hasard et de la liberté se neutralisent, pour laisser prédominer l'action providentielle qui préside à nos destinées. A voir l'ensemble de la vie du monde, l'humanité avance incontestablement; il y a de nos jours moins de misères morales, moins de misères physiques que le passé n'en a connu. L'art et la littérature, qui expriment les divers états des sociétés, doivent donc participer en quelque degré à cette marche progressive.

Mais il y a deux choses dans une œuvre littéraire : d'une part les idées et les mœurs sociales qu'elle exprime; de l'autre,

l'intelligence, le sentiment, l'imagination de l'écrivain qui s'en fait l'interprète. Si le premier de ces éléments tend sans cesse à une perfection plus grande, le second est sujet à tous les hasards du génie individuel. Le progrès en littérature est donc seulement dans l'inspiration et pour ainsi dire dans la matière; il peut, il doit n'être pas continu dans la forme.

Bien plus, dans les sociétés très-avancées, la grandeur même des idées, l'abondance des modèles, la satiété du public rendent de plus en plus difficile la tâche de l'artiste. Lui-même n'a plus cet enthousiasme des premiers âges, cette jeunesse de l'imagination et du cœur ; c'est un vieillard dont la richesse s'est accrue, mais qui jouit moins de sa richesse.

Si l'on considère dans leur ensemble toutes les époques d'une littérature, on verra qu'elles se succèdent dans un ordre constant. Après celle où l'idée et la forme se sont combinées d'une manière harmonieuse, en vient une autre où l'idée sociale surabonde et détruit la forme littéraire de l'époque précédente.

Le moyen âge introduit dans l'art le spiritualisme : devant cette idée nouvelle s'envolent effrayés tous les riants mensonges de la poésie grecque. La forme classique, si belle, si pure, ne peut contenir la haute pensée catholique. Un art nouveau se forme: il ne parvient pas, de ce côté des Alpes, à la maturité qui produit les chefs-d'œuvre, mais l'Europe est alors une seule patrie: l'Italie se charge de compléter la France.

La Renaissance amène dans la civilisation des éléments nouveaux; elle ressuscite les traditions de la science antique, et cherche à les unir aux vérités du christianisme. L'art du moyen âge, comme un vase trop étroit, se brise sous les flots qui s'y précipitent. Ces idées diverses s'agitent et se combattent au seizième siècle; elles se coordonnent et arrivent à une admirable expression dans l'âge suivant.

Au dix-huitième siècle, nouvelle invasion d'idées : tout est examiné, remis en question: religion, gouvernement, société, tout devient matière à discussion pour l'école dite philosophique. La belle forme littéraire de Louis XIV s'altère encore au conflit de ces turbulentes nouveautés. La langue devient abstraite et incolore; la poésie pure se meurt, l'histoire se dessèche et se fausse.

Une partie du dix-neuvième siècle semble prendre à tâche de reconstruire l'édifice moral et de rendre à la pensée une large forme. Le résultat littéraire de ses efforts c'est la renaissance de la poésie lyrique avec un admirable développement de l'histoire.

Un fait qui nous frappe dans cette succession d'époques alternativement agitées et calmes, actives et littéraires, c'est qu'elles précipitent leur marche à mesure qu'elles avancent. Le moyen âge dure quatre siècles, la Renaissance en compte out au plus deux; la période monarchique est mesurée par les deux règnes de Richelieu et de Louis XIV; l'âge philosophique par celui de Voltaire; enfin l'époque réparatrice du dix-neuvième siècle semble en avoir duré à peine le quart. Les nations vivent aujourd'hui plus vite. Vingt ans suffisent où il fallait jadis plusieurs siècles: la presse est le chemin de fer des idées.

Sommes-nous rentrés depuis 1830 dans une de ces époques où les doctrines se heurtent avec violence,et produisent le désordre et la confusion, jusqu'à ce qu'une organisation puissante les pacifie en les embrassant? bien des indices nous permettent de le croire : la postérité seule pourra l'affirmer.

FIN.

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AMPÈRE (A. M.), né en 1775, mort en 1836. Essai sur la philosophie des sciences, 1834, in-8.

AZAïs (Hyacinthe), né en 1766, mort en 1845. Des compensations dans les destinées humaines, 5° édit., 1846, in-12.

La

BERSOT (Ernest), né en 1816. Essai sur la Providence, 1853, in-8. Correspondance de Voltaire, 1857, in-8. — Littérature et morale, 1861, in-18. Essais de philosophie et de morale, 1864, 2 vol. in-18. Libre philosophie, 1868, in-18. - Morale et politique, 1868, in-8. BONALD (de), né en 1753, mort en 1840. OEuvres, 1817-1843, 16 vol. in-8.

COMTE (Auguste), né en 1798, mort en 1857. Cours de philosophie positive, 1839-1842, 6 vol. in-8. Système de politique positive, 18511854, 4 vol. in-8.

COQUEREL (Athanase), né en 1820, mort en 1875. Jean Calas, 1858, in-12.
Le Catholicisme et le Protestantisme, 1864, in-8. Trente années
de pastorat, 1873, in-8.
La religion de Jésus, 1873, in-18.

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1. Aux titres des œuvres appartenant à cette période nous avons joint pour chaque écrivain la mention de ses ouvrages antérieurs.

in-8. in-8. in-4°.

Descartes, 1826, 11 vol.

COUSIN (Victor), né en 1792, mort en 1867. Proclus, 1820-1827, 6 vol.
Platon, 1825-1840, 13 vol. in-8.
Le Vrai, le Beau et le Bien, 1836, in-8. Abélard, 1836,
Histoire de la philosophie, 1840-1841, 9 vol. in-8. Pascal,
Mme de Longueville, 1854, in-8.

1844, in-8.

CUVIER (Georges), né en 1769, mort en 1832. Histoire des sciences naturelles, 1830-1833, 5 vol. in-8.

-

Le

DAMIRON, né en 1794, mort en 1862. Histoire de la philosophie en France au XIXe siècle, 1828, 2 vol. in-8. Cours de philosophie, 1831, 4 vol. in-8. DUPANLOUP, né en 1802. Souveraineté temporelle du pape, 1849, in-8. De l'Éducation, 1850, in-8. La Femme,studieuse, 1874, in-16. mariage chrétien, 1875, in-16. FÉLIX (le P.), né en 1810. Le Progrès par le christianisme, conférences, 1856-1863, 8 vol. in-8. Conférence sur le socialisme, 1872, in-8. FIGUIER (Louis), né en 1819. Histoire du merveilleux, 1859, 4 vol. in-12. Le Savant du foyer, 1868, in-8. L'Année scientifique, 1856-1878, 21 vol. in-18. Le Tableau de la nature, 1862-1872, 9 vol. in-8. Vies des savants illustres, 1872-1874, 5 vol. in-8.- Les Grandes Inventions, 1873, 2 vol. in-8 et in-12.

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Fonte

Des

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GRATRY (l'abbé), né en 1805, mort en 1872. Cours de philosophie, 18551857, 6 vol. in-8. Jésus-Christ, 1864, in-8. —La Morale et la loi de l'histoire, 1868, 2 vol, in-8.

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JOUFFROY (Théodore), né en 1796, mort en 1842. Cours de droit naturel, 1833-1842, 3 vol. in-8. Cours d'esthétique, 1843, in-8. LACORDAIRE, né en 1802, mort en 1861. Vie de saint Dominique, 1840, in-8. Conférences, 1835-1850, 3 vol. in-8. LAMENNAIS, né en 1782, mort en 1854. Essai sur l'Indifférence en matière de religion, 1817-1823, 4 vol. in-8. Paroles d'un Croyant, 1833, in-18. Affaires de Rome, 1836, in-8. Esquisse d'une Philosophie, 1841-1846, 4 vol. in-8. Amschaspands et Darvands, 1843, in-8. MONTALEMBERT (de), né en 1810, mort en 1870. Histoire de sainte Elisabeth de Hongrie, 1836, gr. in-8. - Du Vandalisme et du Catholicisme dans l'art, 1839, in-8. Le Pape et la Pologne, 1864, in-8. NICOLAS (Auguste), né en 1807. Etudes philosophiques sur le christia nisme, 1842-1845, 4 vol. in-8.

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