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ARTICLE VIII

DES FIGURES; QUE L'ANCIENNE LOI ÉTAIT FIGURATIVE

I

Il y a des figures claires et démonstratives; mais il y en a d'autres qui semblent un peu tirées par les cheveux, et qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs. Celles-là sont semblables aux apocalyptiques. Mais la différence qu'il y a, est qu'ils n'en ont point d'indubitables, tellement qu'il n'y a rien de si injuste que quand ils prétendent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques-unes des nôtres; car ils n'en ont pas de démonstratives comme quelques-unes des nôtres. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses, parce qu'elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l'autre.

II

Une des principales raisons pour lesquelles les prophètes ont voilé les biens spirituels qu'ils promettoient sous les figures des biens temporels, c'est qu'ils avoient affaire à un peuple charnel, qu'il falloit rendre dépositaire du testament spirituel.

1. P. R. corrige cette locution expressive au moyen de celle-ci Qui semblent moins naturelles.

Jésus-Christ, figuré par Joseph, bien-aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, etc., innocent, vendu par ses frères vingt deniers, et par là devenu leur seigneur, leur sauveur, et le sauveur des étrangers, et le sauveur du monde, ce qui n'eût point été sans le dessein de le perdre, sans la vente et la réprobation qu'ils en firent.

Dans la prison, Joseph innocent entre deux criminels Jésus-Christ en la croix entre deux larrons. Joseph prédit le salut à l'un et la mort à l'autre, sur les mêmes apparences: Jésus-Christ sauve les élus, et damne les réprouvés sur les mêmes crimes. Joseph ne fait que prédire Jésus-Christ fait. Joseph demande à celui qui sera sauvé qu'il se souvienne de lui quand il sera venu en sa gloire ; et celui que Jésus-Christ sauve lui demande qu'il se souvienne de lui quand il sera en son royaume.

III

La grâce n'est que la figure de la gloire; car elle n'est pas la dernière fin. Elle a été figurée par la loi, et figure elle-même la gloire; mais elle en est la figure et le principe ou la cause.

IV

La synagogue ne périssoit point, parce qu'elle étoit la figure [de l'Église]; mais parce qu'elle n'étoit que la figure, elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu'à la vérité, afin que l'Église fut toujours visible, ou dans la peinture qui la promettoit, ou dans l'effet.

V

Pour prouver tout d'un coup les deux Testaments, il ne faut que voir si les prédictions de l'un sont accom

plies en l'autre. Pour examiner les prophéties, il faut les entendre; car si l'on croit qu'elles n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu; mais si elles ont deux sens, il est sûr qu'il sera venu en Jésus-Christ.

Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens, [si elles sont figures ou réalités; c'est-à-dire s'il faut y chercher quelque autre chose que ce qui paroît d'abord, ou s'il faut s'arrêter uniquement à ce premier sens qu'elles présentent].

Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'ils plaisent à Dieu, et qu'ils ne lui déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent et déplaisent'.

Or, dans toute l'Écriture, ils plaisent et déplaisent. [Donc ils sont figures.]

VI

Pour montrer que l'Ancien Testament n'est que figuratif, et que par les biens temporels les prophètes entendoient d'autres biens, c'est, premièrement, que cela seroit indigne de Dieu; secondement, que leurs discours expriment très-clairement la promesse des biens temporels; et qu'ils disent néanmoins que leurs discours sont obscurs, et que leur sens ne sera point entendu, d'où il paroît que ce sens n'étoit pas celui qu'ils exprimoient à découvert, et que par conséquent ils entendoient parler d'autres sacrifices, d'un autre libérateur, etc. Ils disent qu'on ne l'entendra qu'à la fin des temps. (Jérém., xxxIII, ult.).

La troisième preuve est que leurs discours sont contraires et se détruisent, de sorte que si on pense qu'ils

1. Qu'ils déplaisent en eux-mêmes, qu'ils plaisent comme figures. (Note de M. Havet.)

n'aient entendu par les mots de loi et de sacrifice autre chose que ceux de Moïse, il y a contradiction manifeste et grossière : donc ils entendoient autre chose, se contredisant quelquefois dans un même chapitre.

VII

Il est dit que la loi sera changée; que le sacrifice sera changé; qu'ils seront sans roi, sans prince, et sans sacrifice; qu'il sera fait une nouvelle alliance; que la loi sera renouvelée; que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons; que leurs sacrifices sont abominables; que Dieu n'en a point demandé.

Il est dit, au contraire, que la loi durera éternellement; que cette alliance sera éternelle; que le sacrifice sera éternel; que le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il ne doit point en sortir, que le roi éternel n'arrive. Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure? Non: mais que c'est réalité ou figure. Mais les premiers, excluant la réalité, marquent que ce n'est que figure.

Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité tous peuvent être dits de la figure. Donc ils ne sont pas dits de la réalité, mais de la figure.

VIII

Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure, il faut voir si les prophètes, en parlant de ces choses, y arrêtoient leur vue et leur pensée, en sorte qu'ils n'y vissent que cette ancienne alliance, ou s'ils y voyoient quelque autre chose dont elle fût la peinture; car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu'examiner ce qu'ils en disent.

Quand ils disent qu'elle sera éternelle, entendent-ils parler de l'alliance de laquelle ils disent qu'elle sera changée ? Et de même des sacrifices, etc.

IX

Les prophètes ont dit clairement qu'Israël seroit toujours aimé de Dieu, et que la loi seroit éternelle; et ils ont dit que l'on n'entendroit point leur sens, et qu'il étoit voilé.

Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l'on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé ou obscurci; qu'il est caché en sorte qu'on verra cette lettre sans la voir, et qu'on l'entendra sans l'entendre; que doit-on penser, sinon que c'est un chiffre à double sens, et d'autant plus qu'on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral? Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connoître le sens caché, et principalement quand les principes qu'ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs? C'est ce qu'ont fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau, ils ont rompu le voile et découvert l'esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l'homme sont ses passions; que le Rédempteur seroit spirituel, et son règne spirituel; qu'il y auroit deux avénements, l'un de misère, pour abaisser l'homme superbe; l'autre de gloire, pour élever l'homme humilié; que Jésus-Christ sera Dieu et homme.

X

Jésus-Christ n'a fait autre chose qu'apprendre aux hommes qu'ils s'aimoient eux-mêmes, et qu'ils étoient

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