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PRÉFACE.

Il n'y a guère qu'une année que je publiais une brochure intitulée Introduction to the teaching of living languages, without grammar or dictionary. Cela peut faire trouver étrange que je produise aujourd'hui des Entretiens sur la grammaire. Cependant, les personnes qui ont lu la brochure savent que notre système d'enseignement consiste à apprendre à parler une langue vivante sans le secours de la grammaire, et sans que jamais un mot d'anglais soit prononcé. Cela est rigoureusement imposé par le système, et nous ne reconnaîtrons jamais comme appartenant à notre école le maître qui s'écarterait un seul instant de l'un ou de l'autre de ces deux points fondamentaux. Mais quand les élèves parlent, lisent et écrivent, quand leur pratiqué de la langue les a mis en possession du génie de la France, et qu'ils sont devenus familiers avec ses idiotismes, le moment est venu pour eux d'étudier les lois du langage français.

Comme les personnes qui n'ont pas lu ma brochure pourraient croire, sur son titre, qu'elle condamne absolument la grammaire, et m'interdisait d'écrire les Entretiens, je reproduis le passage suivant de cette publication:

"At the point at which we have arrived, it is not amiss, it is even useful, to study the grammar. I do this in my classes every year the third term. It is one of the most interesting parts of our work, both for my pupils and myself. I see them come to the class, in spite of the heat of June, with a persistency which almost astonishes me, and which I admire; they ask me for a lesson in grammar as one of the greatest of favors. It is easily understood. These dear companions of a year's journeying through France and among the French, are acquainted with our grammar before the day on which we open it. There only remains for us to examine the great questions, the points which are difficult even for the French. It is from that time a work of the intelligence, which is full of serious enjoyment. We do it, besides, in an original manner, and one which is not imagined by the existing grammars. Thus we have studied this year the subjunctive in a volume of G. Sand. This appears strange to persons who are only acquainted with the routine, and who seem to ignore that the works of the masters have preceded grammars, that the epoch which one calls in literature the epoch of grammarians is already an epoch of decadence, because the grammarians soon forget the masters and know only the grammarians· whom they study and copy. These people seem to ignore that the grammars come only after the books, as the generalization comes after the facts of observation; and that it is to the books one must resort constantly, since that is the only source.

"It is then only the great writers who can make us comprehend this elegant and incomparable beauty of

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our language. The French,' said to me one day Professor Hadley of Yale, that illustrious savant that America has recently lost, is perhaps the most beautiful of the living languages, and assuredly the most elegant, thanks to its subjunctive. We English have almost entirely lost ours, and with it the delicate shades of thought.' Well! I defy any teacher to make us realize these shades, this use so delicate of the subjunctive, from the grammars: they know nothing of the niceties of the language. We must learn to feel them, to appreciate them, and to love them from the great masters.

"As for the question of the participle, interminable, almost unintelligible, and an affair of memory in the grammars, it has been reduced to a single rule, and I have seen my pupils resolve promptly with this one rule, once thoroughly understood, all the cases of the Grammaire des grammaires by Girault-Duvivier. I affirm that the pupils who have understood this rule, employ the participle more correctly, beyond comparison, than the young people of the best colleges and schools of France. For there, one is shamefully ignorant of the participle, because there, as here, one is only acquainted with the absurd and powerless method of the grammars. One does not even consider that man is a being endowed with intelligence, and without ceremony he is treated as a parrot.

"I will give perhaps some time to the public this portion of my teaching; my pupils have frequently urged me to do so this summer, and I can excuse myself for not having fulfilled this duty, only by saying that I am not entirely prepared as yet. Every

original and new production demands to be ripened, and requires long study, numerous researches, and serious meditation. When my work is finished, I shall communicate to my colleagues and to the public this crowning-piece of the Causeries avec mes élèves.

Tel est le programme de grammaire présenté déjà dans mon Introduction à l'enseignement des langues vivantes. J'espère l'avoir réalisé. Les Entretiens embrassent plus que je n'annonçais, il est vrai, ils traitent de la grammaire entière au lieu d'étudier seulement les grandes questions. Qu'on me fasse grâce pour cette extension du programme. J'ai pensé que la pauvreté des grammaires employées dans les écoles me justifierait de m'entretenir avec les élèves non-seulement du subjonctif et du participe, mais aussi des adjectifs et des pronoms, de l'article, du genre et du nombre des substantifs, de l'emploi des temps, etc.

Ce livre est écrit en français, et devait l'être, puisqu'il ne s'adresse qu'à ceux qui ont été enseignés conformément à notre système.

La forme de la conversation a été choisie, ce sont des entretiens sur la langue. Les considérations suivantes expliqueront pour quelles raisons cette forme a été préférée.

Le défaut capital des grammaires est qu'elles sont obscures, inintelligibles, d'une étude ennuyeuse et repoussante et le tort des grammairiens est de peu se soucier d'être compris par ceux qui les lisent. Je n'ai jamais examiné une grammaire sans qu'elle me donnât cette idée de son auteur. On dirait qu'il s'agit de présenter des énigmes aux lecteurs et aux élèves des

écoles. Et cependant, si la clarté est la première qualité de tout livre, n'est-elle pas imposée surtout, et indispensable, dans ce genre d'ouvrage qui traite d'un sujet aussi métaphysique que celui des lois générales d'une langue?

Comme les grammairiens ne se soucient pas d'être compris, ils ne donnent pas le pourquoi de leurs règles. Et n'ayant pas à fournir ce pourquoi à leurs lecteurs, ils ne le cherchent même pas pour satisfaire leur propre esprit, et de là ces erreurs sans nombre et ces cent contradictions qu'ils impriment. La plus complète de nos grammaires, la Grammaire des grammaires par Girault-Duvivier, est pleine de mensonges grammaticaux.

Assurément j'avais à m'efforcer de ne pas mériter moi-même les reproches que je fais aux autres. À cette fin, je résolus d'être sincère et sérieux dans mon travail, et de toujours me souvenir que je donnais les règles d'une langue qui a horreur de l'obscurité. Je me sentis en outre pénétré de respect pour l'intelligence et la dignité des personnes que j'avais la prétention d'enseigner. Je me suis donc dit que je ferais tout pour être compris et pour appeler la lumière sur tous les points, pour rendre intéressante et attrayante cette haute étude de la grammaire, et je me suis promis de ne rien imposer à la mémoire de mes lecteurs avant d'avoir satisfait leur intelligence entièrement, et répondu à toutes les questions de leur curiosité. Tels sont les sentiments qui ont donné à mon livre son caractère.

Il reproduit mes leçons sur la grammaire, et ce fait achève d'expliquer pourquoi il a revêtu la forme de la

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