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Les noms des dizaines du latin VIGINTI, TRIGINTA, etc., sont devenus vingt, trente, etc., septante, octante, nonante. Il est regrettable que nos absurdes soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix, aient remplacé septante, octante, nonante, plus simples, plus clairs, et même plus agréables à l'oreille.

Quatre-vingts nous est resté de l'habitude qu'avait l'ancien français d'employer les multiples de vingt pour exprimer un nombre pair de dizaines. On disait quatre vingts, six vingts, sept vingts, huit vingts, etc., au lieu d'octante, cent vingt, cent quarante, cent soixante, etc. L'Hôpital des Quinze-Vingts de Paris est, dans son nom, un souvenir de la vieille langue. On dirait aujourd'hui l'hôpital des trois cents: cet hôpital fut fondé au treizième siècle par Saint Louis pour entretenir trois cents aveugles, quinze-vingts aveugles.

Un est le seul nombre cardinal qui ait une forme particulière pour le féminin: une femme, vingt et une femmes.

Ces nombres ne prennent pas non plus le signe du pluriel. Cent, et vingt font seuls exception: ils prennent un s quand ils sont précédés d'un autre nombre cardinal; cependant cet s ne se met pas s'ils sont, en même temps, suivis d'un autre nombre. Écrivez donc : Quatre-vingts hommes, quatrevingt-dix hommes, cent hommes, deux cents hommes, deux cent vingt hommes. On dit les uns au pluriel: c'est l'adjectif indéfini; dans un autre sens ne mettez pas de s: Trois un de suite (111) font cent onze.

L'adjectif numéral ordinal est premier, deuxième, ou second, troisième, etc.

Premier vient de PRIMARIUS, second de SECUNDUS. Les autres nombres ordinaux se forment en ajoutant ième aux nombres cardinaux: trois, troisième. S'il y a un e dans le nombre cardinal, on le supprime: quatre, quatrième. On ajoute u après le g de cinq: cinquième. Le ƒ de neuf se change en v: neuvième.

On dit premier, et second ou deuxième, mais dans les nom

bres composés on dit unième et deuxième seulement; vingt unième, vingt-deuxième.

L'ancienne langue tirait du latin les dix premiers nombres ordinaux. Elle disait: prime de PRIMUS, second de SECUNDUS, tiers de TERTIUS, quart de quartus, quint de QUINTUS, sixte de SEXTUS, setme de SEPTIMUS, oitave de OCTAVUS, none de NONUS, dîme de DECIMUS.

Prime est resté dans prime-abord.· Second nous reste concurremment avec deuxième. - Tiers reste dans tiers-état, une tierce-personne.-Quart dans la fièvre-quarte. — Qu'est-ce que la fièvre-quarte, monsieur ? C'est une fièvre intermittente, qui revient tous les quatre jours.

Quint est resté dans Charles-Quint l'empereur, et sixtequint le pape, et on dit la quinte musicale. Sixte a laissé la sixte musicale. · Setme et oitave ont entièrement disparu.

None est resté dans le bréviaire catholique. Anciennement on nommait les heures par les nombres ordinaux: il est prime, il est none, il est dîme, pour il est une heure, neuf heures, dix heures. Les nones sont donc les prières que le prêtre doit réciter à la neuvième heure. - Dîme est resté dans la dîme: au moyen-âge on payait aux seigneurs la dîme, c'està-dire le dixième des récoltes.

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Les adjectifs numéraux cardinaux ont les deux genres et les deux nombres: premier, première; les premiers, les premières, les seconds, etc.

Henri I, Henri II, Henri III, Henri IV: lisez Henri premier, deux ou second, trois, quatre. En parlant des souverains, c'est le nombre cardinal qu'on attache au nom, sauf l'exception indiquée: premier, et second ou deux.

On emploie aussi le nombre cardinal en parlant des heures, des mois, des années courantes: Il est deux heures, c'est aujourd'hui le douze juillet, nous sommes en mil huit cent soixante-quinze.

Remarquez l'orthographe de mil dans ce cas.

Une dizaine, une douzaine, une vingtaine, une trentaine, etc., une centaine, un millier, un million, sont des noms de nombres collectifs.

On dit: il est une heure, une heure et un quart, une heure et demie, deux heures moins un quart, midi, et minuit.

Les parties d'un tout se nomment: un demi, un tiers, un quart, un cinquième, un centième.

Le double, le triple, le quadruple, le centuple, marquent deux fois, trois fois, quatre fois, cent fois la chose.

"Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire, Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire, Le mal se rend chez vous au quadruple du bien." LA FONTAINE, viii. 3. Neuf est le triple de trois. Un triple coquin est trois fois coquin, très-coquin, coquin au superlatif.

De ces mots viennent les verbes doubler, tripler, etc., et les adverbes doublement, triplement, quadruplement. On ne dit pas quintuplement ni centuplement, mais on dit au quintuple, au centuple.

"Depuis la découverte de l'Amérique, tout a doublé, triplé, quadruplé de prix." - RAYNAL.

Dieu nous rendra au centuple ce que nous donnons aux pauvres.

XII.

ADJECTIF POSSESSIF ET PRONOM POSSESSIF.

LES adjectifs possessifs sont mon, ton, son, notre, votre, leur, pour le masculin singulier; ma, ta, sa, notre, votre, leur, pour le féminin singulier; mes, tes, ses, nos, vos, leurs, pour le pluriel des deux genres.

C'est le cas-régime de la vieille langue qui nous est resté dans mon, ma, etc. Ils viennent des accusatifs MEUM, MEAM; TUUM, TUAM; SUUM, SUAM. Les pluriels mes, tes, etc., sont les accusatifs latins MEOS, MEAS: SUOS, SUAS, etc.

ILLORUM

Leur vient d'un génitif latin, de ILLORUM: LIBER, le livre d'eux, ou leur livre; ILLORUM LIBRI, les livres, d'eux, ou leur livres. C'est ainsi qu'il faudrait écrire leur livres, puisque leur est un génitif pluriel. On a oublié la signification et l'origine de ce mot quand on lui a donné la marque du pluriel leurs.

la

Vous savez, mesdames, que le féminin, ma, ta, sa, devient mon, ton, son, quand le substantif féminin commence par une voyelle; mon amie, mon espérance, mon illusion. Quel contresens que ce masculin qui qualifie un féminin ! Cette manière de dire a contre elle la logique "Elle n'a pour elle que sanction brutale de l'usage," dit M. Littré. Ma amie serait désagréable à l'oreille, monsieur. Votre langue évite avec soin les hiatus. C'est vrai, mademoiselle, mais notre vieille langue évitait aussi l'hiatus, et sans sacrifier la logique gram

maticale.

Comment disait-elle ?

- Elle disait m'amie, m'es

pérance, m'illusion; et t'amie, t'espérance. M'amie pour ma amie était aussi bon que l'amie pour la amie. De ces belles formes on a conservé m'amour: amour était autrefois féminin. M'amie nous a laissé ma mie en deux mots. "Ma mie, ô

vous que j'adore," dit Béranger, dans sa chanson Plus de politique.

Les pronoms possessifs sont: le mien, le tien, le sien, le nôtre le vôtre, le leur, pour le masculin singulier; la mienne, la tienne, la sienne, la nôtre, la vôtre, la leur, pour le féminin singulier; les miens, les tiens, les siens, pour le masculin pluriel; les miennes, les tiennes, les siennes, pour le féminin pluriel. On dit au pluriel des deux genres: les nôtres, les vôtres, les leurs.

Ils étaient autrefois des adjectifs possessifs comme mon, ton, etc., c'est-à-dire qu'ils accompagnaient le nom, au lieu de le remplacer. On disait un mien frère, un sien ami. On le dit encore quelquefois, mais mon frère est l'expression ordinaire. Le Renard demande au Loup de lui apprendre son métier:

"Je le veux, dit le Loup: il m'est mort un mien frère. Allons prendre sa peau, tu t'en revêtiras.”

LA FONTAINE, Xii. 9.

Mien est encore adjectif dans cette phrase de J. J. Rousseau : "Elle avait beau séparer son bonheur du mien, je le voyais mien en dépit d'elle." Car ce dernier mien accompagne le. Vous reconnaissez le pour un pronom personnel, n'est-ce pas ? — Oui, puisqu'il est le remplaçant de bonheur, le bonheur de la dame dont il est parlé. Le premier mien, du mien, est-il adjectif? — Non, certes, monsieur, car il remplace mon bonheur; vous nous avez dit que les pronoms remplacent et que les adjectifs accompagnent. C'est exact.

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Notre père présente un adjectif, n'est-ce pas ?-Évidemment.

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