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Somnambulisme constaté. Plusieurs sujets sont endormis parfaitement et d'un sommeil bien particulier on les chatouille, on les pince trèsfortement, on enfonce des épingles jusqu'à trois lignes dans leur corps, on débouche sous leur nez un flacon plein d'ammoniaque ou d'acide hydrochlorique, qu'on y laisse pendant cinq ou six inspirations, on fait subitement des bruits violents; rien ne les réveille ni ne paraît les affecter. Même il est avéré que M. Jules Cloquet, en 1829, appelé près d'une femme qui avait au sein un cancer ulcéré, pendant qu'elle était endormie, dans une opération de dix à douze minutes, a extirpé cette tumeur, sans que la malade donnât le plus léger signe de sensibilité, et sans aucun changement du pouls. Au milieu du bruit confus des conversations, le somnambule n'entend que la voix de son magnétiseur, se souvient exactement de ce qui s'est passé pendant ses précédents accès de sommeil, et ne se souvient de rien au réveil. Les somnambules ont-ils le don de lire dans la pensée de leur magnétiseur et d'obéir à sa volonté inexprimée? Beaucoup d'expériences semblent contraires, et plusieurs sujets présentés par des magnétiseurs comme merveilleux en ce genre ne font que des bévues. Enfin un sujet vraiment remarquable se présente. Placé derrière lui, et sur les indications écrites ou par gestes des commissaires,

le magnétiseur le meut avec précision : « Il dirigea son doigt en premier lieu vers la cuisse gauche, puis vers le coude gauche, et enfin vers la tête. Ces trois parties furent presque aussitôt prises de mouvements convulsifs. M. Dupotet dirigea sa jambe gauche vers celle du magnétisé ; celui-ci s'agita de manière qu'il fut sur le point de tomber. M. Dupotet dirigea ensuite son pied vers le coude droit du somnambule, et ce coude droit s'agita; puis il porta son pied vers le coude et la main gauches, et des mouvements convulsifs trèsforts se développèrent dans tout le membre supérieur. Malgré cette épreuve heureuse, les commissaires avouent qu'ils ont besoin de faits

«

nouveaux. »

attestés

Clairvoyance. Les somnambules peuvent-ils lire les yeux fermés? A travers des expériences fàcheuses, on arrive à des faits curieux, avec la plus grande force par le rapport: Un somnambule les yeux fermés, si bien que les cils s'entre-croisent, sous la surveillance continuelle des commissaires, lit ce qui lui est offert, et joue avec une vivacité extrême plusieurs parties de piquet. Il ne lit point les lettres fermées. M. Bourdois consigne à part, sur le procès-verbal, cette attestation: « Il est impossible de refuser sinon sa croyance, du moins son étonnement à tout ce qui s'est passé dans cette séance.... » Mais voici mieux : dans une

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séance où se trouvaient, outre les commissaires, M. Em. de Las Cases, député, M. de Rumigny, premier aide de camp du roi, et M. Ségalas membre de l'Académie, un jeune somnambule, Paul Villagrand, étudiant en droit, tandis que ses paupières sont tenues fermées constamment et alternativement par MM. Fouquier, Itard, Marc et Husson, qui appliquent les doigts sur la totalité de la fente de l'œil, en pressant du haut en bas, montre une clairvoyance prodigieuse. Il devine des cartes toutes neuves, il lit des mots et des lignes. « On lui présente, ayant les paupières tenues fermées par M. Ségalas, un volume dont le rapporteur s'était muni. Il lit sur le titre : Histoire de France. Il ne peut lire les deux lignes intermédiaires, et lit sur la cinquième le nom seul de Anquetil, qui y est précédé de la préposition par. On ouvre le livre à

la

page 89, et il lit à la première ligne: Le nombre de ses.... il passe le mot troupes, et continue: Au moment où on le croyait le plus occupé des plaisirs du carnaval.... Il lit également le titre courant Louis, mais ne peut lire le chiffre romain qui le suit. On lui présente un papier sur lequel on a écrit les mots agglutination et magnétisme animal, il épelle le premier et prononce les deux autres. Enfin on lui présente le procès-verbal de cette séance; il en lit assez distinctement la date et quelques mots plus lisiblement écrits que d'autres.

Dans une autre séance, Paul essaya inutilement de distinguer différentes cartes qu'on lui appliqua sur l'épigastre; mais il lut encore les yeux fermés, dans un livre ouvert au hasard, et cette fois ce fut M. Jules Cloquet qui lui boucha les paupières. Le rapporteur écrivit aussi sur un morceau de papier deux noms propres : Maximilien Robespierre, qu'il lut également bien. » Le rapport constate, pour ce somnambule comme pour le précédent, que le globe de l'œil était dans un mouvement continu de rotation et paraissait se diriger vers l'objet soumis à sa vision.

atta

Vision intérieure, prévision. Instinct des remèdes. Les somnambules ont-ils l'intuition de leurs maladies et de celles des autres, la prévision des accidents futurs de ces maladies pour eux et pour les autres? Un étudiant en droit, ce même Paul que nous venons de voir lisant les yeux fermés, qué d'une paralysie de tout le côté gauche du corps, désigne en sommeil les remèdes qu'il faut lui appliquer, et annonce un jour qu'en suivant ce traitement, trois jours après il marchera sans béquilles; il tient parole. Un nommé Cazot, épileptique, prédit de loin les attaques de ce mal pour un jour, une heure et une minute donnés, et l'accès arrive comme il a été prédit. Une somnambule décrit à un des commissaires, M. Marc, les symptômes de maladie qu'il éprouve et tombe

I

juste. Présentée à une dame malade, elle décrit l'altération de ses intestins et ordonne un traitement; mais le traitement ne fut pas suivi, et l'autopsie ne fut pas faite. Consultée par une malade scrofuleuse, elle voit ses scrofules intérieurs et prescrit un traitement qui réussit quelque temps et est interrompu. Les commissaires constatent l'exactitude des déclarations de cette somnambule là où elles ont pu être vérifiées, et le discerneinent qu'elle a montré dans le choix des remèdes.

L'Académie fut un peu étonnée de ce rapport; la discussion, toujours suspendue, éclata en 1837. Une histoire avait paru dans les journaux, où l'on parlait d'une dent arrachée sans douleur à une personne endormie par le magnétisme. On donnait ce fait sous la garantie de M. Oudet, de l'Académie de médecine, qui se trouvait ainsi compromise. Interpellé, M. Oudet lut le récit du magnétiseur. « Au moment de l'extraction, la tête sembla fuir un peu la main de l'opérateur, et nous entendîmes un léger cri. Ces deux signes de douleur eurent la rapidité de l'éclair, le pouls de la patiente était calme, son visage n'indiquait pas la moindre émotion; ses mains étaient demeurées immobiles sur ses genoux. » A ce propos, le fait attribué à M. Jules Cloquet, et rapporté avec complaisance Į par M. Husson, dans son rapport, l'extraction d'un sein sans douleur, revint en mémoire, et on

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