Page images
PDF
EPUB

Dans son art bienfaisant il n'a point de rival,
Et la Grèce l'eût pris pour le dieu d'Épidaure.

La France, qui a peu de goût pour les apothéoses, s'amusa des vers suivants, bons ou mauvais

Le magnétisme est aux abois :
La Faculté, l'Académie

L'ont condamné tout d'une voix,
Et l'ont couvert d'ignominie.
Après ce jugement bien sage et bien légal,

Si quelque esprit original

Persiste encor dans son délire,

Il sera permis de lui dire :

Crois au magnétisme.... animal.

Watelet, à qui Mesmer avait prédit qu'il ne passerait pas l'automne, se vengea gaiement :

Docteur, tu me dis mort, j'ignore ton dessein;
Mais je dois admirer ta profonde science:
Tu ne prédirais pas avec plus d'assurance,
Quand tu serais mon médecin.

Ainsi se termine la première période de l'histoire du magnétisme en France : tout finit par des chansons.

Le magnétisme en province.

VII.

Découverte du somnambulisme

par le marquis de Puységur. — Magnétisme spiritualiste : le chevalier Barbarin, l'abbé Faria. Les cataleptiques de PéTransformation du mesmérisme.

tétin.

ciétés de l'Harmonie bourg, etc.

[ocr errors]

Progrès des SoLyon, Bordeaux, Bayonne, Stras

Chassé de Paris, le magnétisme se réfugia en province, mais il s'y transforma par une aventure étrange. MM. de Puységur avaient été des auditeurs de Mesmer, et convaincus. Retirés dans leur terre de Busancy, près de Soissons, ils magnétisaient en imitant les effets du maître, quand un jour se produisit un phénomène entièrement inattendu. Laissons parler le marquis de Puységur: « C'était un paysan, homme de vingt-trois ans, alité depuis quatre jours, par l'effet d'une fluxion de poitrine. J'allai le voir. La fièvre venait de s'affaiblir. Après l'avoir fait lever, je le magnétisai. Quelle fut ma surprise de voir, au bout d'un demi-quart d'heure, cet homme s'endormir paisiblement dans mes bras, sans convulsions ni douleurs! Il parlait, s'occupait tout haut de ses affaires. Lorsque je jugeais ses idées devoir l'affecter d'une manière désagréable, je les arrêtais et cherchais à lui en inspirer de plus gaies. Il ne me fallait pas pour cela de grands efforts;

dan

alors, je le voyais content, imaginant tirer à un prix, danser à une fête, etc. Je nourrissais en lui ces idées, et par là je le forçais à se donner beaucoup de mouvements sur sa chaise, comme pour ser sur un air qu'en chantant (mentalement) je lui faisais répéter tout haut. J'ai pris le parti de magnétiser un arbre, j'y ai fait venir mon premier malade; sitôt qu'il a eu mis la corde autour de lui, il a regardé l'arbre, et a dit, pour toute parole, avec un air d'étonnement qu'on ne peut rendre Qu'est-ce que je vois là? Ensuite sa tête s'est baissée, et il est entré en somnambulisme parfait. Au bout d'une demi-heure, je l'ai ramené à sa maison, où je lui ai rendu l'usage de ses sens. Dans une autre lettre, il revient à son premier paysan: « Quand il est dans l'état magnétique, ce n'est plus un paysan niais, sachant à peine répondre une phrase; c'est un être que je ne sais pas nommer. Je n'ai pas besoin de lui parler; je pense devant lui et il m'entend, me répond. Vient-il quelqu'un dans ma chambre, il le voit si je veux; il lui parle, lui dit les choses que je veux qu'il lui dise, non pas toujours telles que je les lui dicte, mais telles que la vérité l'exige. Quand il veut dire plus que je ne crois prudent qu'on en entende, alors j'arrête ses idées, ses phrases, au milieu d'un mot, et je change son idée totalement..... Les malades affluent autour de mon

arbre; il y en avait ce matin plus de cent trente. C'est une procession perpétuelle dans le pays; j'y passe deux heures tous les matins. Mon arbre est le meilleur baquet possible; il n'y a pas une feuille qui ne communique la santé.... Mon homme, ou pour mieux dire mon intelligence, m'apprend la conduite que je dois tenir. Suivant lui, il n'est pas nécessaire que je touche tout le monde : un regard, un geste, une volonté, c'en est assez; et c'est un paysan, le plus borné du pays, qui m'apprend cela. Quand il est en crise, je ne connais I rien de plus profond, de plus prudent et de plus clairvoyant que lui. » Cela se passait en mars et mai 1784. Le marquis de Puységur a laissé la réputation incontestée d'un homme éclairé et d'un homme de bien.

Un curieux, Clocquet, receveur des gabelles à Soissons, attiré par ce spectacle, nous l'a retracé. Après avoir décrit, comme il le mérite, l'orme célèbre de Busancy, arbre antique, immense, mais très-vigoureux encore et verdoyant, au pied duquel coule une fontaine de l'eau la plus limpide, il décrit la foule des malades assis sur des bancs circulaires en pierre, enlaçant avec la corde qui part de l'arbre les parties souffrantes de leur corps, et formant la chaîne en se tenant par le pouce. Parmi eux le maître en choisit quelquesuns, et, les touchant de ses mains, en leur présen

tant sa baguette de fer, il les fait tomber en crise parfaite, qui dégénère en sommeil. Les malades dans cet état, qu'on nomme médecins, « ont un pouvoir surnaturel, par lequel, en touchant un malade qui leur est présenté, en portant la main même par-dessus ses vêtements, ils sentent quel est le viscère affecté, la partie souffrante; ils le déclarent et indiquent à peu près les remèdes. Comment le maître désenchante-t-il ces médecins? Il lui suffit de les toucher sur les yeux, ou bien il leur dit : « Allez embrasser l'arbre. Alors ils se lèvent, toujours endormis, vont droit à l'arbre; el bientôt après leurs yeux s'ouvrent. J'ai interrogé plusieurs de ces médecins, qui m'ont assuré n'avoir aucun souvenir de ce qui s'était passé pendant les trois ou quatre heures de leur crise. Tous les malades n'ont pas la faculté de tomber dans cet état. »

A Lyon, mêmes merveilles par d'autres procédés. Le chevalier Barbarin se mettait en prières près du lit du malade, et assez souvent le somnambulisme se déclarait avec les mêmes propriétés que nous avons rapportées. « On a, dit un témoin, présenté aux somnambules des sujets malades qui leur étaient inconnus; elles ont indiqué avec la plus grande exactitude les maux dont ils étaient affectés. Je les ai vues ressentir vivement les maux de ceux qu'elles magnétisaient, et le manifester en portant la main sur elles-mêmes aux mêmes parties.

[ocr errors]
« PreviousContinue »