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IV.

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Deslon demande une enquête à la Faculté. Souscription pour rappeler Mesmer.

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Il revient et fait un cours. - Société de l'Harmonie. Discussions d'intérêt avec ses élèves. Irritation de la Faculté contre les membres mesméristes: formulaire, radiations. Mesmériennes et desloniennes. verses dans les livres.

Contro

Cependant Deslon, encore sous le coup de la radiation, paya d'audace, se présenta devant la Faculté, proposant d'opérer sous ses yeux, et consentant à être jugé par elle. Mesmer s'en émut, craignant de voir son secret divulgué ou compromis; et des disciples qu'il avait, l'avocat Bergasse, le banquier Kornmann, ouvrirent une souscription, qui devait être de cent personnes au moins, à cent louis par personne, moyennant quoi le maître les instruirait de sa découverte. Cette souscription monta bientôt à trois cent quarante mille livres. Mesmer, rappelé par cette offre et inquiet du côté de Deslon, revint. Les auditeurs s'engagèrent au secret, et se formèrent en une Société de l'Harmonie, qui eut des affiliations dans plusieurs villes, à Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux.

Ce fut le temps du succès et de la lutte. Lutte de Mesmer avec ses élèves, qui prétendaient avoir acheté le droit de répandre la découverte du ma

gnétisme animal, et la répandirent en effet dans des cours publics, Mesmer prétendant l'exploiter seul et la porter dans diverses villes, moyennant des souscriptions de cinquante louis par personne. Lutte de Mesmer et de Deslon, qui se partagèrent les partisans du magnétisme. Lutte de la Faculté contre ceux de ses membres qui seraient tentés de prendre la doctrine nouvelle, avec l'invention d'un formulaire à signer, sous peine d'exclusion. (D'Onglée et Varnier refusèrent et furent exclus.) Lutte des disciples contre l'opinion dans divers manifestes, et de l'opinion contre eux dans des vaudevilles, des pièces de vers et des livres sérieux ou satiriques. Le rapport des commissaires royaux et celui de la Faculté couvrirent ou excitèrent tout ce bruit.

Notre temps ne sait plus qu'il s'éleva alors un vrai schisme. Il y eut des mesmériennes et des desloniennes, implacables ennemies. Dès que les maîtres furent brouillés, les disciples se brouillè rent. Mesmer avait pour lui son autorité de chef d'école, son âge et ses nombreux prodiges en diverses contrées; Deslon avait pour lui les grâces de la jeunesse et de l'esprit. La réputation de Mesmer était faite, grande séduction! celle de Deslon était à faire, grande tentation! Enfin pour des âmes passionnées ce n'est pas assez d'une religion, il faut une secte; il ne suffit pas d'aimer quelque

chose, il faut haïr quelqu'un. Mesmériennes et desloniennes se haïrent donc de tout leur cœur ; il ne plut pas de sang, mais des malices qui firent tort un peu à tout le monde. Mesmer et Deslon, voulant arrêter cette guerre fâcheuse, se réconcilièrent il y eut une trêve entre les partis, mais les hostilités reprirent bientôt, amenèrent des scènes très-vives, et finirent en scandale, ce qui força Mesmer et Deslon à se séparer de nouveau. Notez que les partis étaient nombreux et considérables: grâce à la vogue et à la faveur de la reine, le magnétisme ne tenait pas moins que la moitié de la cour.

Il parut pour et contre le magnétisme nombre de brochures et de livres, dont on peut voir le détail dans Deleuze (Histoire critique du Magnétisme animal). Le P. Hervier, docteur en Sorbonne, se distinguait même parmi les enthousiastes : il chantait le retour de l'âge d'or, le triomphe du mesmérisme sur la maladie et la mort. Entre les adversaires était Berthollet, qui, après avoir suivi le cours de Mesmer pendant un mois, se retira en déclarant qu'il n'avait rien vu ni entendu de nouveau ou de solide, rien de plus que ce que produit chez tous les animaux le penchant à l'imitation; et Thouret, le futur directeur de l'École de médecine lors de sa réorganisation, Thouret, pour ôter au magnétisme son prestige, voulut lui ôter sa nou

veauté. D'abord, sur cet esprit vital universel, il n'y a qu'à choisir les textes dans les savants qui précèdent. Mais, sur la ressemblance de cet esprit avec l'aimant, il y a des rapprochements curieux. Paracelse regardait l'homme comme un aimant avec deux pôles, le pôle arctique étant à la bouche. Il ajoutait même : « Si, au-dessus d'une barque dans l'eau, on suspendait exactement, par quelque art, un homme en équilibre, sa face se tournerait toujours naturellement vers le nord. » Quant à la marche de l'agent magnétique et à ses vertus, Pierre Borel a écrit avant Mesmer : « Les émanations s'étendent à des distances très-grandes en tous sens, par la réflexion des rayons de la lumière et l'action du vent. » Et Libavius pense qu'on peut le réfléchir comme la lumière par un miroir, et le diriger ainsi sur un individu. On rapporte, ajoutet-il, que c'est ainsi que le basilic se tue lui-même, et que les femmes, imprégnées de poison, en se regardant trop souvent dans une glace, le réfléchissent sur leurs yeux et leur visage. Un des auditeurs de Deslon, Doppet, disait ingénieusement, justement, de l'aveu de Deleuze: « Ceux qui savent le secret en doutent plus que ceux qui l'ignorent. » Il fallait de plus rudes coups pour accabler le magnétisme ils ne lui furent pas épargnés.

ས.

Rap

Le gouvernement nomme des commissions pour examiner le magnétisme (1784): commission de la Société royale, commission de la Faculté et de l'Académie des sciences. Rapport public de la dernière commission (Bailly). Rapport secret. port de la Société royale. Rapport particulier de Laurent de Jussieu. Mesmer retourne en Allemagne.

Deslon ayant demandé une enquête à la Faculté de médecine, le gouvernement se résolut à terminer cette affaire. Il demanda à la Faculté et à la Société royale de médecine de lui faire un rapport sur le magnétisme. Parmi les membres qu'il nomma dans la Société royale de Médecine était Laurent de Jussieu. Il choisit également plusieurs médecins dans la Faculté, et, sur leur demande, leur adjoignit cinq membres de l'Académie des sciences, entre autres trois hommes illustres : Franklin, Lavoisier, Bailly. Ce dernier fut rapporteur. Le rapport collectif de la Faculté et de l'Académie des sciences fut contraire, et terrible par l'autorité de ceux qui l'avaient signé.

Il s'agissait d'abord de savoir ce qu'on avait à constater, et par quel moyen on pourrait le constater. Deslon annonçait le fluide décrit par Mesmer. Ce fluide échappant à tous les sens, malgré quelques illusions contraires, on ne peut le reconnaître que

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