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malade; il n'arriva que lors de sa convalescence. Quelques personnes de la société de M. le cardinal, qui ont été à portée de le consulter, se sont fort bien trouvées de ses ordonnances, et n'ont jamais pu parvenir à lui faire accepter la moindre marque de leur reconnaissance. On a soupçonné longtemps le comte de Cagliostro d'être un valet de chambre de ce fameux M. de Saint-Germain, qui fit tant par ler de lui sous le règne de Mme de Pompadour; ou croit aujourd'hui qu'il est le fils d'un directeur des mines de Lima; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il a l'accent espagnol (quatre ans plus tard, on lui trouvait l'accent napolitain), et qu'il paraît fort riche. Un jour qu'on le pressait chez Mme la comtesse de Brienne de s'expliquer sur l'origine d'une existence si surprenante et si mystérieuse, il répondit en riant Tout ce que je puis dire, c'est que je suis « né au milieu de la mer Rouge, et que j'ai été « élevé sous les ruines d'une pyramide d'Egyple: c'est là que, abandonné de mes parents, j'ai trouvé un bon vieillard qui a pris soin de moi: je tiens de lui tout ce que je sais. »

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Mesmer trouva ainsi un allié naturel dans le mysticisme qui couvait sourdement. Il y avait en France des disciples secrets de Swedenborg et de Saint-Martin, auxquels le magnétisme devait convenir; car il y a chez le mystique et chez le ma gnétiseur une prétention commune, la prétention

d'établir des rapports directs d'âme à âme sans l'intermédiaire du corps. Swedenborg a voyagé vingt-quatre ans dans le monde des esprits, et a raconté ce qu'il y a vu; le magnétisme fut d'abord très-modeste, mais depuis il s'est émancipé.

III.

Premières relations avec les corps savants: avec l'Académie des sciences, la Société royale de médecine, la Faculté de médeMesmer menace de quitter la France. - Offres que lui fait le gouvernement, refusées. — Il se rend à Spa.

cine.

Les relations de Mesmer et de Deslon avec les corps savants furent fâcheuses. Ils eurent affaire successivement avec l'Académie des sciences, la Société royale de médecine, la Faculté de médecine, et n'eurent pas à s'en louer.

Dès son arrivée à Paris, Mesmer fit des démarches auprès de M. Le Roi, alors président de l'Académie des sciences. Celui-ci avait vu chez Mesmer des expériences, et voulut bien se charger de faire un rapport à sa compagnie sur les opinions de ce médecin. Il s'apprêtait à le lire quand Mesmer, jugeant l'auditoire inattentif ce jour-là et les esprits très-mal disposés, insista pour qu'il remît la chose à un autre jour, qui ne vint pas. Retiré à Creteil avec quelques malades, il écrivit à l'Académie qu'il

était prêt à faire des expériences sur ces malades devant les députés qu'elle nommerait. L'Académie ne jugea pas les conditions d'une bonne information suffisantes et refusa.

Il s'adressa alors à la Société royale de médecine. Il fut convenu que plusieurs membres de cette Société examineraient les procédés de Mesmer, mais que d'abord ils constateraient l'état des malades. On ne s'entendit pas sur une première malade, présentée par Mesmer comme épileptique, sans que les médecins en fussent assez convaincus. En conséquence il ne leur envoya plus personne à examiner. Tout à coup il est averti qu'une commission arrive à Creteil; il proteste et refuse, et va se plaindre aux commissaires de leur procédé. Ceux-ci prétendent qu'ils ont voulu accéder à une demande de Mesiner, qui désavoue toutes démarches. On se sépare avec aigreur. A une lettre de la Société, qui lui rappelle la condition convenue de l'examen préalable des malades, Mesmer répond par une simple invitation de prendre jour pour se rendre à Creteil, substituant à l'examen préalable par les commissaires eux-mêmes les attestations de médecins. La Société refusa décidément. Il lui parut sans doute que, pour être certain que des malades eussent été guéris, il fallait être certain que les gens guéris eussent été malades.

Enfin le magnétisme eut affaire avec la Faculté

de médecine. Deslon, professeur de cette faculté, nouveau converti, et qui venait de publier ses Observations sur le magnétisme animal, demanda à ses collègues une assemblée générale, pour y rendre compte des observations qu'il avait faites et des propositions de Mesmer. On la lui accorda suivant les statuts. Pendant ce temps l'irritation contre le transfuge croissait, et un jeune professeur, M. de Vauzèmes, s'étant proposé pour accuser Deslon d'avoir manqué à l'honneur et aux règlements de la Faculté, et demander sa radiation de la liste des docteurs-régents, on fixa, pour ses interpellations, le même jour qu'on avait fixé à Deslon (septembre 1780). La séance débuta par le discours de M. de Vauzèmes, discours violent. Deslon répliqua avec mesure et communiqua les propositions de Mesmer. Ving-quatre malades devaient être choisis par la Faculté et par l'auteur. Douze seraient traités par la Faculté, douze par l'auteur, et les malades seraient tirés au sort. Leur état serait constaté par la Faculté, par l'auteur et par des commissaires du gouvernement. Les juges des résultats seraient les commissaires du gouvernement; mais, afin d'éviter tout soupçon de partialité, ils ne pourraient être pris dans aucun corps de médecine. La Faculté rejeta les propositions de Mesmer, suspendit Deslon pour un an de voix délibérative dans les assemblées de la Faculté, avec radiation du tableau des médecins

de la Faculté, au bout de l'année, s'il ne se corri

geait pas.

Ainsi repoussé Mesmer s'adressa au gouvernement, et, après les premières négociations, il annonça l'intention de quitter la France. L'émotion fut grande parmi les malades, qui se remuèrent, et, la reine ayant fait attention à lui, il fut mandé chez un ministre, M. de Breteuil, où une première convention fut signée. Si Mesmer faisait ses preuves, le gouvernement devait 1° reconnaître qu'il avait fait une découverte utile; 2o lui donner en toute propriété un château et une terre où il traiterait ses malades; 3° une pension viagère de vingt mille livres. Des commissaires nommés par le gouver nement, deux seulement pourraient être pris dans la Société de médecine. Quelques jours après, le même ministre déclarait à Mesmer qu'on était suf fisamment édifié sur son traitement on le dispensait de l'examen des cinq commissaires, et on demandait seulement qu'il admît au nombre de ses auditeurs trois savants nommés par le gouverne. ment, qui rendraient compte de ce qu'ils auraient entendu. Leur rapport défavorable n'entraînerait la révocation d'aucun des avantages accordés; favorable, il lui procurerait de superbes avantages nouveaux. Le fait est étrange, mais Mesmer refusa tout et partit pour Spa.

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