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était connue dès les premiers siècles de l'Églis chrétienne; et en consultant les écrivains orien taux, grecs et romains, on en suit les traces travers les siècles païens.

Dans l'Inde, on pratiquait la conjuration en re gardant certaines couleurs consacrées, et en prove nonçant huit mots qui signifiaient: DIEU EST PUIS SANT ET GLORIEUX. C'était ce qu'on appelait les nom. efficaces. Chez les Grecs, les lettres éphésienne. jouaient le même rôle; en Égypte, on opérait en nommant les trente-six génies qui présidaient au zodiaque; enfin le moyen âge s'inspira de toutes les traditions antérieures; il ramassa des mots grecs, latins, chaldéens, qu'il mêla au hasard en. les défigurant; il y ajouta, par une profanation sacrilége et toujours dans un but coupable, les mots de la liturgie, les noms les plus respectables, et il en forma une langue barbare, inintelligible, à l'usage des rites de la sorcellerie, en un mot, l'argot infernal.

Les démonographes sont loin d'être d'accord. sur la manière d'opérer dans les conjurations. Agrippa en reconnaît de trois espèces : 1o par les éléments; 2° par le monde céleste: étoiles, rayons, force, influence; 3° par le monde des intelligences: religion, mystère, sacrement, Dieu. Il est facile de reconnaître à première vue que le mysticisme, l'astrologie et la cabale se confondent dans cette

théorie bizarre. « Pour opérer dans la magie, dit Agrippa, il faut une foi constante, de la confiance, et la ferme conviction que l'on réussira. » Ici, on le voit, nous retrouvons la théorie des magnétiseurs. Suivant Agrippa, la voix a une grande puissance en ce qu'elle exprime l'intention; mais elle ne l'exprime que passagèrement. L'écriture qui la fixe, qui lui donne un corps, est douée d'une puissance encore plus grande. On doit donc, quand on fait une conjuration magique, exprimer le vœu, d'abord par la voix, et ensuite par l'écriture; et ce n'est pas à l'écriture vulgaire qu'il' appartient de figurer dans de si grands mystères; il faut au magicien, comme aux prêtres des anciens cultes, un caractère accessible aux seuls initiés, une écriture céleste, dont le type se trouve dans la juxtaposition des astres. Cette formule est certainement parmi toutes celles que nous avons rencontrées la moins déraisonnable, et on peut par là juger des

autres.

Suivant quelques écrivains, moins enthousiastes qu'Agrippa de l'astrologie et de la cabale, on ne doit dans les invocations s'adresser qu'aux démons; mais pour que l'opération soit efficace, il faut les nommer tous, et c'est là que l'embarras commence, car il est fort difficile, à cause du nombre, de connaître tous les sujets de ce que les démonographes appellent la monarchie infernale,

laquelle se compose : 1o de Béelzébuth, empereur des toutes les légions diaboliques; 2° de sept rois, qu sont: Bael, Pursan, Byleth, Paymon, Bélial, Asmodée, Zapan, lesquels règnent aux quatre points cardinaux; 3° de vingt-trois ducs, de dix comtes, de onze présidents, et de quelques centaines de chevaliers; 4° de six mille six cent soixantesix légions, formées chacune de six mille six cent soixante-six diables, soit pour le tout: quarantequatre millions quatre cent trente-cinq mille cinq cent cinquante-six diables. Quelques docteurs en sorcellerie comptent différemment en prenant toujours le chiffre 6 pour multiplicateur cabalistique ; ainsi ils reconnaissent parmi les esprits de ténèbres soixante-douze princes (6 × 12), et sept millions quatre cent cinq mille neuf cent vingt-six démons (1 234 321 × 6). Il est à remarquer que ce dernier nombre offre, tant à gauche qu'à droite, les quatre nombres qui constituent la tétrade de Pythagore et de Platon. En opérant sur de pareilles quantités, l'erreur était inévitable, et le cérémonial d'ailleurs se compliquait tellement, que quand l'opération manquait, le sorcier pouvait toujours, pour lui-même ou pour les autres, invoquer l'excuse de l'oubli. Du reste, pour remédier aux défaillances de la mémoire, on avait des livres où se trouvaient consignées les évocations et les conjurations les plus redoutables, et ces livres, soumis

ux-mêmes à une foule de consécrations magiques, acquéraient par ce seul fait une sorte de pouvoir surnaturel. Nous avons nommé les clavicules et les grimoires.

IX.

De la bibliothèque infernale. - Clavicula et grimorium. Arcanum arcanorum, etc.-Absurdité et impiété grossière des livres de conjurations. Exemples.-Satan assigné par huissier. - Formalités accessoires, sacrifices et présents. — Histoire d'un étudiant de Louvain. Les mariages diaboliques.

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Les clavicules sont attribuées à Salomon. On sait, en effet, que d'après les croyances de l'Orient, croyances qui, du reste, ne paraissent pas remonter au delà des premiers siècles de l'islamisme, Salomon avait asservi à ses ordres tous les êtres du monde invisible; il tenait les génies dans un état complet de dépendance; son nom apposé sur un cachet suffisait seul à donner à ce cachet une vertu magique; et l'on pensait que ce roi, qui savait et qui pouvait tant de choses, n'avait point voulu quitter la terre sans y laisser pour l'instruction des hommes des monuments de son génie. Il avait dans ce but composé un livre de formules, auquel il avait donné le nom de clavicule (clavicula), c'està-dire petite clef avec laquelle on ouvre en quelque sorte tous les secrets de la nature et les portes de

l'enfer. Si les adeptes de la sorcellerie s'étaient donné la peine de vérifier l'âge des clavicules, ils n'auraient point tardé à reconnaître qu'ils étaient dupes d'une étrange mystification; car on y cite non-seulement Porphyre et Jamblique, mais Paracelse, Agrippa et d'autres personnages du xvre siècle. Les grimoires n'étaient pas regardés comme aussi anciens que les clavicules; mais on ne leur en attribuait pas moins une puissance irrésistible. Outre ceux qui sont restés manuscrits, nous en connaissons plusieurs imprimés, qui tous ont été | fort célèbres. L'un sous le titre de Mystère des mystères, perle rare et unique des secrets nous traduisons littéralement : Arcanum arcanorum, детта rara et unica secretorum. a circulé sous le nom du

pape Honorius. Les autres sont intitulés : l'Art du grimoire (Ars grimoriæ)) le Grimoire vrai (Grimorium verum), et le Grand grimoire.

Pour donner à ces livres absurdes, où les choses les plus respectables sont indignement profanées, une autorité plus grande, on disait qu'il fallait les faire baptiser par un prêtre, et les nommer comme un enfant. Le prêtre recommandait aux puissances. infernales d'être favorables à ce néophyte; et il sommait l'une de ces puissances de venir, au nom de toutes, apposer son cachet sur le volume. Le livre signé et scellé, tout l'enfer se trouvait soumis, aux volontés de celui qui s'en servait, et il n'y

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