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malheurs d'une société grossière et sans cesser exposée à tous les désastres, telles sont les causes. qui contribuèrent à propager la magie et la p sorcellerie dans l'Europe du moyen âge, et cette triste aspiration vers les mystères du monde in-cl fernal prouve combien alors étaient profondes la misère et la barbaric. La croyance est univer-s selle, et la terreur toujours persistante jusqu'au seuil même de notre temps. Tous les hérétiques des premiers siècles de l'Église, les basilidiens, les carpocratiens, les gnostiques, les manichéens, sont accusés de magie et de sorcellerie. En France, l'existence des sorciers nous est révélée par le plus ancien de nos codes, la loi salique, qui porte au chapitre LXVII : « Quiconque en appellera un autre sorcier ou l'accusera d'avoir porté la chaudière au lieu où les sorciers s'assemblent, et ne pourra le prouver, sera condamné à deux mille cinq cents deniers d'amende. » Grégoire de Tours nous apprend que le duc Boson usait de sortilége, et qu'à cette époque, c'est-à-dire aut vre siècle, on n'entreprenait rien d'important sans recourir aux enchantements et aux philactères. Agobard, qui écrivait au commencement du Xe siè cle, parle de certaines gens qui excitaient des tempêtes, et d'autres qui pouvaient, au moyen de ce qu'il appelle aura levatitia, se transporter à travers es airs. Agobard était évêque de Lyon, et l'on

était si convaincu de la vérité de ce fait dans son diocèse, qu'on lui amena un jour un homme et une femme qu'on avait vus tomber du ciel.

Dans le monde entier, la contagion fut générale. Dans toutes les contrées de l'Orient soumises à l'islamisme, la magie, au moyen âge, était regardée comme la science par excellence, et il se forma sur son histoire une foule de légendes dans lesquelles se confondent en s'altérant les traditions chrétiennes et musulmanes. Suivant l'une de ces légendes, Adam lui-même aurait inventé la magie. Suivant d'autres, les descendants de Caïn s'y seraient adonnés les premiers, et Cham, au moment du déluge, en aurait été le dépositaire et le propagateur. N'osant point porter avec lui dans l'arche les livres qui traitent de cette science, il en grava en trois mille vers, suivant les uns, et en deux cent mille vers, suivant les autres, les principaux dogmnes sur des pierres très-dures qui résistèrent à l'effort des eaux; ces pierres furent recueillies par son fils Misraïm, qui fonda de nombreuses écoles, entre autres la célèbre école de Tolède, où, dans les xIe et XIIIe siècles, on venait de tous les points de l'univers étudier les sciences occultes.

Par une bizarrerie singulière, ces sciences se développèrent en raison mème du progrès de la civilisation, et le XVIe siècle, qui fut vraiment le

grand siècle du scepticisme, fut aussi le grand si‹ Icle de la sorcellerie. Les écrits sur les sciences o cultes se multiplièrent propagés par l'imprimeri Elles eurent alors un rapport marqué avec le affaires publiques; et les sorciers, les astrologue et les devins furent souvent consultés pour le choses du gouvernement, comme on avait fait de oracles dans l'antiquité. A cette date cependant sous la pression des études scientifiques, la magi et la sorcellerie elle-même tentèrent de se mani fester sous des formes nouvelles. Elles se rappro chèrent de la philosophie, des sciences exactes comme on peut le voir dans le traité célèbre d'Agrippa De la philosophie occulte. La sorcellerie fut vivement attaquée par quelques esprits émi· nents, tout en gardant sur la foule son antique puissance; et ce fut seulement dans les dernières années du XVIIe siècle, qu'elle perdit le prestige dont elle avait joui si longtemps.

V.

But de la sorcellerie au moyen âge.

Elle est avant tout matérialisté et sensuelle. La religion la considère justement comme une idolâtrie sacrilége. — Elle s'inspire de toutes les sciences apocryphes. - Énumération et définition de ces

sciences. · Cabale. Science des nombres.

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judiciaire. · Divination et ses diverses branches.

Astrologie

Comme les sciences les plus positives elles

mêmes, la sorcellerie a un but nettement déterminé, et une série de formules et de pratiques à l'aide desquelles elle opère. Son but est le même dans tous les temps: elle veut donner à l'homme la connaissance des secrets de la nature, satisfaire tous ses désirs, lui révéler le passé et l'avenir, le rendre riche, puissant, invisible comme les esprits, léger comme les oiseaux; elle veut soumettre à sa volonté les êtres du monde supra-sensible, réveiller les morts de leur sommeil éternel, défendre les sens du vieillard contre les atteintes de l'âge, livrer au jeune homme les femmes qu'il convoite, débarrasser l'amant de ses rivaux, l'ambitieux de ses ennemis. Elle est donc dans son but essentiellement matérialiste et sensuelle; elle est impie dans sa curiosité, parce qu'elle veut pénétrer les secrets que Dieu cache aux yeux des hommes. Elle est sacrilége, parce qu'elle parodie les prières et les mystères les plus vénérables de la religion.

Elle est absurde dans ses pratiques, parce que, laissant de côté l'expérience et l'observation, elle attribue à ce qu'elle appelle les forces élémentaires des vertus qu'elles ne possèdent pas, qu'elles ne peuvent pas posséder. Aux yeux de la religion, elle n'est qu'une idolâtrie, parce qu'elle rend aux créatures un culte qui n'appartient qu'à Dieu, et quand l'Eglise la proscrit, elle a, comme la science, complétement raison contre elle. Ceci posé, nous

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allons indiquer d'abord les diverses branches dora l'ensemble constitue les sciences occultes, et qui servent comme de prolégomènes à la sorcelleries: ce vaste pandémonium de toutes les aberration de l'esprit humain.

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Au premier rang, et dans les hautes sphères d l'illuminisme, nous trouvons la cabale, sorte di dégénérescence de la théurgie antique, qui ensei gne à découvrir le sens mystérieux des livres sa te crés, et à se mettre en rapport direct avec Dieu les anges et les esprits élémentaires, au moyen de certains mots auxquels est attachée une puissances surnaturelle. On distingue deux sortes de cabales la haute cabale, la plus ancienne, qui s'inspire des dix attributs de Dieu, couronne, sagesse, intelligence clémence, justice, ornement, triomphe, louange, base et règne. Cette cabale reconnaît en outre soixantedouze anges, agents intermédiaires entre l'homme et Dieu, et qui prêtent leur assistance à l'homme pour l'élever au-dessus de la condition ordinaire.. La cabale élémentaire, beaucoup moins abstraite, opère au moyen de quatre sortes d'esprits, qui sont les sylphes qui président à l'air; les salamandres, au feu; les ondines à l'eau; les gnomes, à la

terre.

Tandis que la cabale cherche dans la combinaison des lettres empruntées au nom de Dieu, des anges ou des génies, un pouvoir supérieur à celui

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