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qui était caché dans l'intérieur du temple d'Aby dos, qu'ils arrêteraient la course du vaisseau C.l'Égypte; et que, pour plaire à Typhon, ils di perseraient les membres d'Osiris. Les enchanteu de l'Inde procédaient de même par la menace l'imprécation; seulement ils s'adressaient aux g nies au lieu de s'adresser aux astres, et leur écri vaient au lieu de leur parler.

La plupart des récettes qui figurent en si gran nombre dans les livres de la sorcellerie modern se retrouvent dans l'antiquité. Sans parler de divination qui faisait partie intégrante du culte, le philtres, les charmes, les évocations des morts, le métamorphoses d'hommes en animaux, tout cela est dans le paganisme gréco-romain. Homère nou montre le devin Tirésias préparant une fosse plein de sang pour évoquer les mânes; il nous montre Circ changeant en pourceaux les compagnons d'Ulysse comme Horace nous montre Canidie et Sagone so rendant la nuit dans un cimetière pour procéder à leurs maléfices. Là elles enterrent un jeune enfant tout vivant pour préparer un philtre avec son foie et sa moelle; elles ramassent des herbes malfaisantes, des ossements desséchés; elles déchirent une brebis noire et versent son sang dans une fosse creusée avec leurs ongles; elles animent, comme les envoûteurs du moyen âge, des figures de cire et les brûlent ensuite. Les poëtes, dans ces

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récits, ne font que traduire les superstitions populaires; car le monde païen n'est pas moins riche en légendes de cette espèce que le monde fantastique du moyen âge. S'agissait-il d'évoquer un mort, on pouvait en toute sûreté recourir aux magiciens de Thessalie; on savait que quand les Lacédémoniens eurent fait périr de faim Pausanias dans le temple de Pallas, des magiciens avaient été chargés de débarrasser ce temple du spectre qui venait y rôder chaque jour, et en écartait la foule. Dans ce but, ils évoquèrent les âmes de plusieurs citoyens qui, pendant leur vie, avaient été les ennemis déclarés de Pausanias; et celles-ci, en retrouvant le spectre de l'homme qu'elles avaient détesté, lui donnèrent une telle chasse qu'il n'osa plus se présenter, et laissa parfaitement paisibles les visiteurs du temple. Voulait-on se faire aimer d'une femme, on demandait aux disciples des prêtres de Memphis, pour l'enterrer sur le seuil de la maison qu'elle habitait, la lame d'airain chargée d'images lascives. On savait que les magiciens faisaient tomber la grêle, le tonnerre, qu'ils excitaient les tempêtes, qu'ils voyageaient par les airs, qu'ils faisaient descendre la lune sur la terre, et qu'ils transportaient les moissons d'un champ dans un autre. On savait que pour se défendre de leurs maléfices, il fallait faire des fumigations de soufre, ou clouer à la porte de sa maison une tête de

loup. Les plus grands hommes eux-mêmes acceptaient ces croyances. César avait son amulette, et Auguste portait pour talisman une peau de veau marin dans la persuasion que cette peau le préserverait de la foudre.

A Rome, comme chez nous, les magiciens et les sorciers, qui n'étaient souvent en réalité que des malfaiteurs ou des empoisonneurs, abritant leurs crimes sous les mystères d'une doctrine secrète, furent rigoureusement poursuivis par les lois. Ils s'étaient tellement multipliés en Italie, au temps de Tacite, sous le nom de mathématiciens, ils s'y livraient à de si ténébreuses pratiques, que ce grand historien les place au nombre des plus redoutables fléaux de l'empire, et malgré la sévérité des lois romaines qui les frappaient des peines les plus sévères, malgré l'exil ou la mort, ils reparaissaient toujours plus nombreux, et, comme les sorciers du moyen âge, ils semblaient se multiplier par la persécution.

mons.

III.

Transformation de la sorcellerie païenne à l'avènement du christianisme. Les dieux de l'Olympe se changent en déLes druides el les bardes se changent en enchanteurs. Différence de l'enchanteur et du sorcier. Biographie fantastique de Merlin.-Sa naissance; il parle en venant au monde et prophétise à l'âge de six mois. Viviane et la forêt de Brocéliande. - La tour enchantée. Merlin n'est

pas mort.

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Lorsque l'Évangile se fut propagé dans le monde romain, et qu'il eut renversé les autels des dieux païens, on vit se produire un phénomène étrange. Parmi les nouveaux chrétiens, un grand nombre acceptant, comine un fait réel, l'existence des divinités de l'Olympe, considérèrent ces divinités comme des démons; la croyance se répandit que Satan ligué avec tous ces vaincus du passé contre le vainqueur de l'avenir, animait d'une vie factice leurs idoles mourantes, et Salvien s'écria tristement: « Le démon est partout, ubique dæmon. » Les folies du vieux monde firent invasion en se modifiant dans la société nouvelle; à la chute du paganisme, ses rites, ses formes cérémonielles multiples et variées, se convertirent en pratiques superstitieuses, en magic; Diane devint le démon Dianum, el conduisit les femmes au sabbat, comme Mercure avait conduit les âmes dans le royaume des ombres.

L'influence de ce que l'on pourrait appeler l'agonie de l'idolâtrie sur les sciences occultes du moyen âge est un fait évident et incontestable, et qui se produisit en même temps pour le polythéisme et le culte druidique. On sait qu'au ve siècle une sorte de résurrection de ce culte se manifesta dans la grande et la petite Bretagne. Deshérités de leur antique puissance comme Jupiter et Vénus, les bardes furent également adoptés par les superstitions populaires, et l'on vit paraître alors un être intermédiaire entre le magicien inspiré et savant de la théurgie antique et le sorcier des démonographes. Cet être, d'une nature supérieure à celle de l'homme, et qui se rapproche des génies de l'Orient, c'est l'enchanteur, dont nous allons parler avec quelque détail à cause de la place qu'il occupe dans la tradition et la littérature du moyen âge.

Le type le plus parfait de l'enchanteur du moyen âge, c'est Merlin, personnage réel, qui vécut, on le sait, au ve siècle dans la Bretagne armoricaine, et que l'on retrouve partout, à travers le moyen âge, dans l'histoire, la légende, la poésie ⚫ et les romans chevaleresques. Les voix prophétiques qui avaient parlé si longtemps dans les vieilles forêts de la Gaule, ne pouvaient se taire tout à coup. Aussi Merlin est-il prophète. Fantastique incarnation des dernières traditions du druidisme, de la mythologie scandinave et du polythéisme, il défend,

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