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Le 8 juin de l'année 1743 naquit à Palerme Joseph Balsamo, qui porta dans la suite le prénom d'Alexandre et le nom et le titre de comte de Cagliostro.

Pierre Balsamo, son père, et Félicie Braconieri, sa mère, étaient d'honnêtes marchands palermitains, très-bons catholiques et fort soucieux de l'éducation de leur famille; ils avaient plusieurs enfants. Ils vendaient des draps et des étoffes de soie. Leur boutique était, dit-on, fort bien achalandée, dans le quartier populeux que partage en deux la belle rue del Calsaro.

Malheureusement pour cette famille, et surtout pour Joseph, Pierre Balsamo mourut avant d'avoir

vu grandir tous ses enfants et d'avoir pu pourvoir à leur établissement.

Le jeune Joseph avait un esprit prompt et subtil, une imagination ardente, un caractère aventureux et passablement rusé. Il avait deux oncles maternels, bons bourgeois de Palerme, qui jugèrent que cet enfant pourrait aller loin dans les sciences et dans les lettres, et qui se chargèrent de son édu- · cation.

Le plus court chemin pour se distinguer dans la carrière qu'on voulait faire suivre à Joseph était d'entrer dans les ordres ecclésiastiques. Malheureusement les oncles ne pré virent pas combien le neveu serait mauvais prêtre, s'il persistait à rester dans l'Église. Ils le placèrent au séminaire de SaintRoch de Palerme. Joseph Balsamo ne tarda pas à céder à ses instincts d'indépendance et de complète indiscipline il s'enfuit du séminaire. Rattrapé en compagnie de vagabonds, il fut confié et sévèrement recommandé au père général des Bonfratelli, qui se trouvait de passage à Palerme. Joseph avait alors treize ans. Le père général s'empara de lui et promit d'en faire un moine, bon gré mal gré. Il partit avec lui, et, montés chacun sur une mule, suivis de deux autres frères, ils gagnèrent le couvent de l'ordre de Saint-Benoît, situé aux environs de Cartagirone.

Les murs du couvent étaient fort élevés, et la

et.

porte était confiée à un frère tourier inflexible. Il fallut se résigner. Joseph Balsamo endossa la casaque de novice. Le père général devina son goût pour l'herborisation et sa curiosité pour l'histoire naturelle. Il le confia à l'apothicaire du couvent, espérant ainsi l'attacher à son nouvel état et l'amener un jour à devenir un assez bon religieux. Le jeune Joseph s'accommoda d'abord assez bien de ses relations avec le frère apothicaire; il profita même de ses leçons, et, au bout d'un certain temps, il parvint à manipuler les drogues avec une grande sagacité. Mais les instincts de Joseph s'éveillaient singulièrement, et, dans les premiers éléments de la science, le rusé Sicilien devinait déjà des secrets utiles au charlatanisme. Cependant il s'adonna assez franchement à l'étude des principes de la chimie et de la médecine. Son maître apothicaire espérait beaucoup d'un élève tel que lui.. Un trait assez singulier révèle le caractère à la fois rusé et hâbleur qui, dans la suite, se développa d'une manière si prodigieuse chez le jeune Balsamo. Un jour le novice fut chargé, au réfectoire, de faire la lecture d'usage pendant le repas des religieux. Le livre que lisait Balsamo était le Martyrologe; mais voilà que tout à coup il céda à une inspiration diabolique, et se mit à substituer au texte sacré on ne sait quelle version suggérée par son imagination déréglée, altérant le sens et les

faits, et poussant l'audace jusqu'à remplacer les noms des saintes par ceux des courtisanes les plus renommées. Le scandale fut au comble et les bons pères jugèrent dès ce moment-là à quel degré de vice et d'effronterie pourrait un jour arriver un écolier capable à cet âge d'un trait si hardi.

On infligea au novice une rude pénitence. Il s'y soumit en apparence; mais l'occasion qu'il guettait se présenta fortuitement. Une nuit, trouvant moyen de se dérober à la surveillance des gardiens, il s'évada du couvent, courut la campagne, et, après quelques jours de vagabondage, arriva à Palerme.

Ses oncles commencèrent à désespérer de lui. Ni les remontrances ni les conseils n'étaient écoutés. Joseph Balsamo se riait de tout; son goût effréné pour la licence l'entraînait. Il se lia avec des vauriens; ses mœurs furent bientôt perdues. Il se livra à la débauche en compagnie de la jeunesse la plus dissolue. L'ivrognerie, le jeu, le libertinage amenaient des querelles fréquentes, souvent même avec les gens de la police. Joseph Balsamo avait déjà des démêlés fort sérieux avec la justice correctionnelle.

Une accusation très-motivée pesa sur lui: il passait pour fabriquer avec habileté de faux billets de théâtre qu'il vendait avec une rare effronterie. Un de ses oncles voulut le retirer chez lui. L'indigne neveu vola à ce bon parent une somme assez ronde

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