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fictions qu'il donnait pour des faits certains et dont il disait avoir été le témoin oculaire.

Nous allons cependant rapporter brièvement ce que les anciens ont dit de l'empire d'Assyrie; et, tout en avertissant nos lecteurs qu'ils vont entendre des fables, nous pensons qu'il serait peu convenable de les leur laisser ignorer, puisque la science de l'histoire consiste non seulement à savoir des vérités, mais à connaître tout ce qu'on a dit de remarquable des peuples célèbres qui ont brillé sur la terre.

La Mésopotamie est située entre le Tigre et l'Euphrate : c'est une terre fertile, dans un des plus beaux climats du monde; on appelait ce pays la Chaldée : les prêtres de Babylone gardèrent le nom de Chaldéens; ils passaient pour avoir fait les premières observations astronomiques, et leur pays disputait à l'Égypte l'avantage d'avoir été le berceau des arts et des sciences.

On cherche en effet, avec plus de raison, la source de la civilisation dans une vaste plaine comme celle de Babylone, que dans un pays inondé comme l'Egypte.

Les Chaldéens, astronomes, prirent bientôt les astres pour des dieux, et on les regarde comme les inventeurs de l'astrologie, science par laquelle on prétendait connaître l'avenir.

Ils avaient découvert le mouvement des planètes d'occident en orient. Ils divisaient le zodiaque en trente degrés, et chaque degré en trente minutes. Leurs années étaient de trois cent soixante-cinq jours, auxquels on ajoutait cinq heures et quelques minutes. Ils regardaient les comètes comme des planètes excentriques à la terre; on leur attribuait l'invention des cadrans solaires. Une haute tour au centre du temple de Bel leur servait d'observatoire. Leurs prêtres disaient que leur dieu Bélus, après avoir créé le monde et les animaux, s'était fait couper la tête, et que, du sang de sa blessure, les autres dieux détrempèrent la terre, qui produisit des hommes doués d'une portion de l'intelligence divine.

Bérose regardait les fables des Chaldéens comme une allégo

rie mystérieuse du chaos et de la création. On trouve aussi, dans l'Ezourvedham, l'histoire d'un dieu dont les membres coupés donnèrent naissance aux différentes castes indiennes ; celle des Brames, la première de toutes, venait de la tête du dieu.

Tout l'Orient semblait reconnaître un dieu suprême qui avait chargé un ou plusieurs autres dieux d'établir et de maintenir l'ordre dans l'univers; mais ce qu'on ne pourra jamais connaître, c'est la source de cette doctrine : les uns pensent qu'elle est sortie de l'Inde; les autres que les Egyptiens et les Chaldéens l'ont répandue sur la terre; d'autres enfin l'attribuent aux Chinois.

De temps immémorial les arts florissaient à Babylone, et l'on y vit aussi régner de tout temps le luxe et la débauche. La superstition favorisait le vice. On regardait la Vénus des Babyloniens, nommée Mélitta, comme une divinité malfaisante qu'on devait apaiser par le sacrifice de la vertu. On prétend que chaque femme était obligée, une fois dans sa vie, de se livrer dans le temple à un étranger. Justin et Ælien disent que la même loi existait en Chypre et en Lydie.

Ce qui est remarquable, c'est que, dans presque toute l'Asie, les femmes se dérobaient aux regards des hommes, et que les Babyloniennes seules vivaient et communiquaient librement

avec eux.

Pour favoriser la population, on vendait les plus belles femmes à l'enchère et les laides au rabais, de sorte que la partie pauvre du peuple trouvait toujours à se marier. On punissait sévèrement l'adultère; mais le lien conjugal était rompu facilement en rendant la dot que les femmes avaient reçue de leurs maris.

Le peuple babylonien adorait beaucoup de dieux et divinisait les héros ; il montrait une vénération particulière pour un monstre sorti de la mer, moitié homme, moitié poisson, qu'ils nommaient Oanes; ils prétendaient que ce dieu avait enseigné toutes les sciences,

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Les historiens anciens nous représentent l'Assyrie comme l'un des plus puissants empires du monde. Justin lui donne treize cents ans de durée ; d'autres cinq cent vingt; cette dernière opinion est celle d'Hérodote. L'Ecriture sainte nous apprend que la ville de Babylone fut bàtie par Nembrod, le plus ancien des conquérants. Callisthène écrivait à Aristote que les Babyloniens comptaient au moins mille neuf cent trois ans d'antiquité, lorsque Alexandre entra triomphant à Babylone; ce qui ferait remonter son origine à l'an du monde 1771, c'està-dire cent quinze ans après le déluge.

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Nembrod avait aussi le nom de Bélus, qui signifie maître; on l'adora sous ce titre. Il était petit-fils de Cham et arrièrepetit-fils de Noé. La Genèse en parle comme d'un violent chasseur devant le Seigneur. En exerçant la jeunesse à la chasse, il la préparait à la guerre et la formait au courage, à la fatigue et à l'obéissance. On croit que ce fut lui qui le premier entoura de murailles la tour de Bel.

Cette tour, construite en briques et plus haute que les pyramides, servait d'observatoire aux Chaldéens. (Il paraît que c'est elle que l'Ecriture nommait la tour de Babel.) Réunissant dans cette enceinte ses amis et ses confédérés, Nembrod se vit bientôt assez fort pour soumettre tous les environs; il passa ensuite dans l'Assyrie, où il commença la fondation d'une grande ville qu'il nomma Ninive, du nom de son fils Ninus.

Ce qui paraît certain, c'est que Nembrod est le fameux Bélus des Babyloniens, et que son fils, plein de vénération pour sa mémoire, lui érigea des temples et le fit adorer par ses sujets. On ignore la durée de son règne et celle de sa vie.

NINUS.

(An du monde 1842. Avant Jésus-Christ 2162.)

Ninus, suivant l'exemple de son père, augmenta et disciplina son armée. Soutenu par les Arabes, il conquit, pendant l'espace de quinze ans, presque tous les pays qui se trouvaient entre l'Inde et l'Egypte. Il acheva Ninive, que son père avait commencé à bâtir; il lui donna huit lieues de diamètre et vingtquatre lieues de circuit, si l'on en croit Jonas, qui disait qu'il fallait marcher trois jours pour faire le tour de cette ville. Ses murs, hauts de cent pieds et fortifiés de quinze cents tours élevées de deux cents pieds, étaient assez épais pour qu'on y pût conduire de front trois chars. Ctésias, qui rapporte ces fables, prétend que l'armée de Ninus se composait de dix-sept cent mille hommes de pied, de deux cent mille chevaux, et de seize mille chariots armés de faux.

Malgré ses forces, Ninus assiégeait en vain, depuis longtemps, Bactres, capitale de la Bactriane; et il aurait peut-être été forcé de se retirer, sans les conseils et le courage de Sémiramis, femme d'un des premiers officiers. Elle découvrit le moyen de s'introduire dans la citadelle et de s'en emparer; elle exécuta elle-même avec audace le plan qu'elle avait conçu, et rendit Ninus maître de la ville, où il trouva d'immenses tré

sors.

La reconnaissance du roi se changea en amour. Le mari de Sémiramis, effrayé par les menaces du monarque, se donna la mort. Sa veuve devint reine et eut un fils qu'elle nomma Ninias. Plusieurs auteurs ont cru que Sémiramis, ayant obtenu du roi la puissance souveraine pour cinq jours, en avait profité pour le tuer. Rollin et d'autres historiens le nient et disent que Ninus mourut paisiblement, en laissant à sa femme le gouvernement de ses états et la tutelle de son fils. On voyait, longtemps après la ruine de Ninive, un superbe tombeau que cette reine célèbre fit bâtir pour son époux.

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Sémiramis était née à Ascalon, en Syrie. Diodore raconte qu'étant abandonnée après sa naissance, elle avait été nourrie d'une façon miraculeuse par des colombes. Son nom, qui voulait dire colombe, a peut-être donné lieu à cette fable.

Sémiramis s'occupa toujours à couvrir la bassesse de sa naissance par la grandeur de ses entreprises. Voulant surpasser en magnificence ses prédécesseurs, elle employa vingt et un millions d'hommes, tirés de toutes les parties de son vaste empire, à bâtir la célèbre Babylone, dont les anciens ont décrit, avec tant d'éloges et d'exagération, les murs élevés, les jardins suspendus, le lac superbe, les palais magnifiques, le pont hardi et les vastes temples que dominait celui de Bel. Ce dernier subsistait encore du temps de Xercès, qui le pilla et le démolit entièrement.

Alexandre, à son retour des Indes, voulut le rebâtir; et dix mille hommes travaillaient à en déblayer les décombres, lorsque la mort de ce grand roi interrompit cette entreprise.

Sémiramis parcourut toutes les parties de son empire; elle agrandit et embellit les villes; elle construisit des aqueducs pour conduire les eaux, perça des montagnes et combla des vallées, afin d'ouvrir partout de grandes routes et des communications faciles.

La vénération qu'elle inspirait était telle que sa vue seule apaisait une sédition. On vint l'avertir un jour, à sa toilette, que le peuple se soulevait. Elle partit aussitôt, la tête à demi coiffée; sa présence calma les esprits. On lui érigea une statue qui rappelait à la fois le négligé de sa parure et la force de son autorité.

Ses armes conquirent une grande partie de l'Ethiopie. Elle visita le temple de Jupiter Ammon, dont l'oracle lui apprit que sa vie finirait lorsque son fils Ninias conspirerait contre elle, et

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