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sadeurs d'Antoine n'obtinrent point de réponse; on amusa ceux de Cléopâtre par des paroles flatteuses et des espérances vagues.

Auguste, qui connaissait le prix du temps, n'en perdit pas et arriva bientôt devant Péluse, dont les ordres secrets de la reine lui firent ouvrir les portes. Elle consommait ainsi la ruine de son amant, toujours trompé par ses perfides caresses. Cependant, comme Octave la laissait dans l'incertitude sur son sort, elle cacha ses trésors dans un tombeau près du temple d'Isis.

L'armée d'Octave arriva sans obstacles auprès d'Alexandrie. Antoine, au comble du malheur, retrouva enfin son courage: à la tête d'une troupe peu nombreuse, mais fidèle, il fit une sortie vigoureuse, battit son ennemi, revint triomphant aux pieds de sa maîtresse, et passa la nuit en fêtes et en festins. Le lendemain il voulut livrer bataille; la flotte de Cléopâtre l'abandonna et se livra à Octave. Désespéré de cette trahison, il défia son rival en combat singulier. Auguste répondit que, «< si >> Antoine était las de vivre, il pouvait prendre d'autres moyens » pour mourir. »

Cléopâtre alors, voulant se délivrer des importunités d'Antoine, répandit dans la ville le bruit de sa mort, et quelques-uns de ses affidés vinrent dire à cet infortuné général qu'elle s'était poignardée. Il ne tenait à la vie que pour elle; il ordonna à un esclave de lui enfoncer un poignard dans le sein. Ce serviteur fidèle refusa d'obéir et se tua devant lui. Antoine suivit son exemple et se précipita sur son épée; mais apprenant dans le même instant que Cléopâtre vivait encore, il se fit panser et porter à la forteresse où elle était renfermée.

Comme on craignait d'être surpris par les troupes d'Auguste, on n'ouvrit point les portes du fort; mais du haut d'un balcon on jeta des cordes et des chaînes auxquelles on attacha le malheureux Antoine; et Cléopâtre, aidée de deux de ses femmes, le monta dans son appartement. Pendant qu'elle l'élevait péniblement en l'air, on voyait cet amant, mourant

et passionné, les yeux fixés sur la reine, oublier l'univers et ne soupirer qu'après l'instant qui allait pour la dernière fois le rejoindre à sa maîtresse. Arrivé près d'elle, il recueillit le peu de forces qui lui restaient, pour la conjurer de veiller à son salut et de se méfier de la fausseté d'Octave; il l'assura qu'il mourait heureux puisqu'il finissait sa vie entre ses bras, et qu'il ne rougissait pas de sa défaite puisque Rome seule l'avait vaincu. En disant ces mots il expira. A l'instant même, Proculéius se présenta, dans l'intention d'inviter la reine à se rendre. Elle refusa de le voir; mais cet officier, suivi de quelques soldats, entra par une fenêtre dans sa chambre. A sa vue, Cléopâtre voulut se tuer; il lui arracha le poignard, en la priant de laisser à Auguste une si belle occasion de montrer sa clémence et sa générosité. La reine se soumit en apparence et ne demanda que la permission d'ensevelir Antoine; l'ayant obtenue, elle lui rendit des honneurs magnifiques, le fit embaumer, et le plaça dans le tombeau des rois d'Égypte.

Auguste, après l'avoir laissée quelques jours livrée à sa douleur et à la solitude, vint chez elle. La reine se jeta à ses pieds, les cheveux épars, le visage pâle, les yeux baignés de larmes, la voix tremblante et le sein couvert de contusions et de plaies; malgré ce désordre, quelques éclairs de sa dangereuse beauté brillaient encore, étonnaient Auguste, et presque mourante, elle ne désespérait pas d'enflammer son vainqueur. Sa chambre était pleine des portraits de Jules César; elle dit à Auguste: << Voilà les images de celui qui vous a adopté et qui m'a pro» tégée; vous lui devez l'empire, et je lui dois ma couronne. » Elle lui montra plusieurs lettres de ce grand homme qui lui assurait son trône, et qui lui promettait sa protection et sa foi; elle méla à ses discours des louanges délicates pour enivrer le jeune conquérant; enfin elle déploya tous les artifices de la plus adroite coquetterie : mais Auguste y parut insensible; dirigé par son ambition, éclairé par l'exemple de César et d'Antoine, il l'écouta froidement, l'exhorta au courage et ne lui promit rien.

Cléopâtre vit alors toute sa destinée; dissimulant ses sinistres projets, elle parla des présents qu'elle réservait à Octavie, et à l'impératrice Livie, pour en obtenir un traitement favorable lorsqu'elle serait à Rome.

Octave, qui voulait la tromper, fut trompé par elle, crut à sa résignation, et ne soupçonna pas son désespoir. Elle lui demanda la permission d'aller rendre ses derniers devoirs au tombeau d'Antoine; Octave la lui accorda.

La reine, décidée à ne pas subir l'humiliation du triomphe et la honte de la captivité, couvrit d'abord de fleurs la tombe de son amant; rentrée chez elle, elle se mit au bain et se fit ensuite servir un repas magnifique. Étant sortie de table, elle écrivit un billet à Octave, et renvoya tous ceux qui étaient dans son appartement, excepté deux de ses femmes. Sa porte fermée, elle se mit sur un lit de repos; et demanda une corbeille pleine de figues, qu'un de ses serviteurs, déguisé en paysan, venait d'apporter. Un moment après que cette corbeille eut été placée près d'elle, on vit Cléopâtre s'étendre sur son lit comme endormie. La longueur et l'immobilité de ce sommeil étonnèrent ses femmes; elles s'approchèrent et virent bientôt qu'un aspic, caché parmi les fruits, l'ayant piquée au bras, son venin était parvenu jusqu'au cœur et l'avait fait périr sans qu'elle eût donné aucun signe de douleur.

Cependant Auguste, après avoir lu le billet de la reine qui lui demandait de placer son corps dans le tombeau d'Antoine, envoya précipitamment deux officiers pour l'empêcher d'attenter à ses jours, mais ils la trouvèrent morte.

Elle périt à trente-neuf ans, son règne en avait duré vingt-deux. On renversa les statues d'Antoine; celles de Cléopâtre restèrent longtemps sur les places publiques. Un de ses favoris, pour les conserver, donna mille talents à Auguste.

L'indépendance de l'Égypte finit avec la vie de Cléopâtre ; ce royaume devint une province romaine gouvernée par un préfet. Jamais les Égyptiens ne recouvrèrent leur liberté, et de la

domination des Romains ils passèrent sous celle des Arabes et des Turcs.

Le règne des Ptolémée, qui datait de la mort d'Alexandre le Grand, avait duré deux cent quatre-vingt-treize ans, depuis l'an du monde 3681 jusqu'à l'an 3974.

Cléopâtre mourut trente ans avant la naissance de JésusChrist.

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RAMIS.- Fable sur sa naissance. Babylone bâtie par vingt et un millions d'hommes. Grands travaux sous ce règne. Guerre sanglante de l'Inde. Conspiration contre Sémiramis.. Sa mort. - NINIAS.

Règne de ses successeurs inconnus. SARDANAPALE.
Conspiration contre lui. Sa mort sur un bûcher.

Son règne obscur.

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Son règne honteux.

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Les premiers temps des peuples de l'Asie sont enveloppés d'épaisses ténèbres; aucun savant n'a pu les percer, on y cherche en vain la vérité. On nous parle, dans les livres anciens, des Babyloniens et des Assyriens, comme de deux peuples différents, dont les capitales, Ninive et Babylone, étaient sept fois plus grandes que Paris. On nous représente ces nations si rapprochées, et occupant le petit territoire qui se trouve entre le Tigre et l'Euphrate, comme des états assez puissants pour inonder et conquérir l'Asie avec des armées de deux millions d'hommes. Aucun lecteur sensé ne peut croire de pareils contes l'invraisemblance de ces récits et les contradictions de leurs auteurs prouvent assez qu'on ne saurait acquérir aucune connaissance certaine de cette partie de l'histoire du monde.

Il est évident que Ctésias de Gnide, médecin du jeune Cyrus, n'a écrit que des fables répétées depuis par Diodore. Plusieurs autres historiens l'ont copié : et, pour savoir le peu de foi qu'il mérite, il suffit de rappeler qu'Aristote le jugeait indigne de croyance, et que cet auteur a rempli son Histoire des Indes de

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