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tume qui autorisait les mariages des frères avec leurs sœurs. Philadelphe adorait Arsinoé, sa sœur et son épouse. Lorsqu'il la perdit, il voulut suspendre son cercueil, par la force de l'aimant, à la voûte d'un temple; mais sa mort prévint l'exécution de ce projet.

La fin de sa vie fut trop adonnée à la mollesse et aux plaisirs. Sa vieillesse fut précoce, et sa douceur le rendit plus célèbre que ses vertus.

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Ce prince, en succédant à son père, se vit obligé de porter ses armes en Syrie. Antiochus Théos, roi de ce pays, ayant répudié Laodice sa femme, avait épousé Bérénice, fille de Philadelphe et sœur d'Évergète. Après la mort de son beau-père, Antiochus, délivré de toute crainte et séduit par les artifices de sa première femme, se sépara de Bérénice, et reprit Laodice. Cette reine ambitieuse, comptant peu sur le cœur d'un époux qui l'avait déjà abandonnée, l'empoisonna et plaça Séleucus, son fils aîné, sur le trône. Bérénice, échappée à son poignard, s'était sauvée avec son fils dans la ville de Daphné, d'où elle avait écrit à son frère pour implorer sa protection et son secours. Le jeune roi d'Égypte marcha précipitamment en Syrie, à la tête d'une armée, pour défendre sa sœur; mais il arriva trop tard: Bérénice, assiégée et livrée par des traitres à son implacable ennemie, venait d'être égorgée avec son fils. Ptolémée furieux combattit l'armée syrienne, la défit complétement, s'empara de tous les états que gouvernait Laodice, et livra la tête de cette femme cruelle au fer des bourreaux.

Conquérant de la Syrie, de la Phénicie, maitre de Babylone, il s'attira l'amour des Égyptiens en leur renvoyant et en faisant replacer dans leurs temples les idoles que Cambyse leur avait enlevées. Cet acte religieux le fit surnommer Évergèle, ou bienfaiteur. Une ancienne inscription a fait croire aux historiens que depuis il porta ses armes avec succès dans plusieurs

autres contrées. Cette inscription le nommait souverain de Libye, de Phénicie, de Chypre, et y ajoutait même la Cilicie, la Thrace, la Mésopotamie, la Perse, la Médie, l'Illyrie, la Carie et les Cyclades.

Pendant son expédition en Syrie, sa femme, nommée aussi Bérénice, avait promis aux dieux, s'il triomphait, de leur consacrer sa chevelure, qui était d'une grande beauté. Ptolémće revint victorieux; Bérénice se fit couper les cheveux, et les déposa sur l'autel de Vénus, dans le temple que Philadelphe avait bâti en l'honneur d'Arsinoé. Peu de temps après, on s'aperçut de la disparition de ces cheveux. Irrité contre les prêtres qui devaient les conserver, le roi allait ordonner leur supplice. Dans cet instant Conon, habile astronome, se présente et lui dit : « Seigneur, levez les yeux; voyez dans le ciel ces sept étoiles qui sont à la queue du dragon; c'est la chevelure de Bérénice que les dieux ont enlevée, et qu'ils ont placée dans les cieux comme une constellation favorable. » Le roi, trompé par cette ingénieuse flatterie, ou feignant de l'être, ne montra plus de courroux, et ordonna de rendre des hommages solennels à la nouvelle constellation. Callimaque l'a célébrée dans un hymne que Catulle a traduit.

En revenant de Syrie, Ptolémée assista, dans le temple de Jérusalem, aux cérémonies des Juifs, et offrit un sacrifice au Dieu d'Israël.

Il fut encore obligé de porter ses armes contre les Syriens. Séleucus avait profité de son absence pour reprendre une partie de ses états. Le roi d'Égypte eut d'abord des succès sur mer et sur terre; mais comme il apprit, après ses victoires, qu'Antiochus rassemblait des forces considérables pour secourir son frère, il sacrifia son ambition au repos de ses peuples, et conclut avec Séleucus une trêve de dix ans. De retour dans ses états, il ne fit plus qu'une expédition militaire pour s'assurer de la soumission de l'Éthiopie et des habitants des côtes de la mer Rouge.

Ce prince consacra le reste de son règne à de grands travaux

pour faire fleurir l'agriculture et le commerce; il se livra particulièrement à l'étude des sciences et des lettres. Il avait fait composer une histoire des rois de Thèbes par Ératosthène, son bibliothécaire, ainsi que plusieurs autres ouvrages qui ne sont pas venus jusqu'à nous.

Tandis que l'Égypte jouissait d'une paix profonde, l'Asie était troublée par la guerre cruelle que se faisaient Antiochus et Séleucus. Le premier, vaincu par son frère, vint chercher un asile à la cour de Ptolémée'; mais le roi d'Egypte, loin de vouloir le protéger, le retint en prison pendant plusieurs années. Ce prince, parvenu enfin par l'adresse d'une courtisane à briser ses fers, s'échappa et fut tué par des voleurs sur les frontières de l'Egypte.

Dans ce même temps, Sparte, après avoir tenté un dernier effort sous la conduite du brave Cléomène, son roi, pour recouvrer sa gloire et sa liberté, fut conquise par Antigone. Ce prince, en lui accordant la paix, voulut s'arroger la gloire. d'être son libérateur; mais il anéantit ses lois. Elles faisaient toute la force de Lacédémone; et, dès qu'elle les eut perdues, elle cessa bientôt d'exister.

Cléomène, battu sans être découragé, s'était réfugié à Alexandrie. Ptolémée l'accueillit d'abord froidement; mais dès qu'il eut connu l'étendue de son esprit et la fermeté de sa vertu, il lui accorda son amitié, et résolut de l'aider à relever sa patrie. La mort l'empêcha d'exécuter ce généreux dessein. Il termina sa carrière après avoir régné vingt-cinq ans. On soupçonna son fils d'avoir attenté à ses jours, et les Égyptiens, toujours gravement satiriques, lui donnèrent le surnom de Philopator.

Ptolémée Evergète fut le dernier des Lagides qui montra des vertus. Son règne, ainsi que ceux de son père et de son aïeul, furent l'âge d'or de l'Egypte.

Ce beau pays, fertile, peuplé, redoutable par ses richesses et par la vaillance de ses troupes, était devenu l'asile des lettres, des sciences et des arts, et le centre du commerce de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe: mais les successeurs de

Ptolémée Evergète, par la férocité de leur caractère, par l'ineptie de leur administration et par la corruption de leurs mœurs, amenèrent promptement la décadence et la ruine de ce grand empire, qui se fondit dans la monarchie romaine comme les fleuves de la terre perdent à la fin leur cours, leur nom et leur existence dans les eaux du vaste Océan.

PTOLEMÉE PHILOPATOR.

(An du monde 3783.- Avant Jésus-Christ 221.)

Ptolémée Philopator reçut aussi de ses sujets le nom de Tryphon, c'est-à-dire l'efféminé, nom que méritaient sa mollesse et ses débauches. Antiochus, roi de Syrie, connaissant l'indolence du nouveau souverain et la haine qu'il inspirait aux Égyptiens, crut le moment favorable pour reconquérir la Phénicie et la Palestine. L'un des généraux de Philopator, nommé Théodote, ne pouvant supporter le joug de ce monarque aussi cruel que vicieux, quitta son service et commanda l'armée syrienne. Pendant les deux premières campagnes, les armes d'Antiochus furent heureuses. Il s'empara de Séleucie, de Damas, de Samarie, de Sidon, et, s'approchant de Péluse, il conçut l'espoir de conquérir l'Egypte; mais les inondations du Nil l'obligèrent de renoncer à cette entreprise.

Au bruit des victoires de ses ennemis, Ptolémée sortit enfin de sa mollesse. Il se mit à la tête d'une armée de soixante-dix mille hommes d'infanterie, de vingt mille chevaux et de cent vingt éléphants. Il marcha en Palestine contre Antiochus; les deux armées se rencontrèrent à Raphia. La nuit qui précéda le combat, Théodote eut la témérité de pénétrer seul dans le camp égyptien et d'arriver jusqu'à la tente du roi. Il n'y trouva pas ce prince; mais il tua son médecin et deux officiers. Le lendemain les deux armées se livrèrent bataille. Antiochus, qui avait d'abord enfoncé l'aile droite de Ptolémée, ne put secourir à temps son centre enfoncé et battu. Sa défaite fut complète; il perdit dix mille hommes, et se vit obligé de se retirer à Ptolémaïde.

Ce triomphe ne donna point de gloire à Ptolémée: on attribua avec raison ses succès à la reine Arsinoé, sa femme et sa sœur, qui haranguait elle-même les soldats, et combattait à leur tête. Elle était secondée par Nicolas, Etolien, général habile, qui avait su longtemps arrêter les progrès d'Antiochus par son courage et par ses manœuvres.

Après la victoire de Raphia, Ptolémée vint à Jérusalem. Il y offrit des sacrifices, et voulut, au mépris de la loi de Moïse, "entrer dans le saint des saints. La résistance des prêtres et les prières du peuple ne pouvaient réprimer sa curiosité: mais au moment où il s'approchait du sanctuaire, une terreur panique le saisit, et il prit la fuite sans avoir exécuté son entreprise.

De retour à Alexandrie, il voulut se venger de cet affront; il ordonna à tous les Juifs d'Egypte d'adorer les dieux, sous peine d'être marqués avec un fer chaud qui imprimerait sur leur front l'image d'une feuille de lierre, plante consacrée à Bacchus. Tous, à trois cents près, résistèrent, préférant le supplice à l'apostasie. Le roi furieux les fit venir à Alexandrie au nombre de quarante mille, et les destinait à être écrasés sous les pieds des éléphants; mais troublé par un songe, qu'il prit pour un avertissement céleste, il n'acheva point ce massacre.

Le roi avait un frère, nommé Magas, dont les vertus contrastaient avec ses vices. Jaloux de l'amour que lui portait le peuple, il le fit périr, malgré les prières de Cléomène. Cet infortuné rci de Sparte devint sa victime peu de temps après. Il lui avait refusé des secours et la permission d'aller combattre avec les Achéens et les Lacédémoniens pour la liberté. Craignant qu'il ne s'échappât, et que, vainqueur de la Grèce, il ne portât ses armes en Egypte, il le fit assassiner.

On lui impute aussi la mort de Bérénice, sa mère. Un nommé Sosibe était l'agent de ses fureurs. Cet homme artificieux, ministre sous trois règnes, flattait ses vices, servait ses passions, l'éloignait des affaires, gouvernait seul l'état, et en partageait les richesses avec de vils courtisans.

La reine Arsinoé osa faire entendre la vérité et justifier le

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