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entretenir ce feu, on se servait d'un bois sans tache. Les mages n'en approchaient qu'avec un linge sur la bouche, dans la crainte de le souiller par leur haleine. La pureté du code moral et religieux de Zoroastre était ternie par sa tolérance pour l'inceste; la religion des mages approuvait le mariage des frères et des sœurs; on prétend même qu'ils avaient porté leur coupable erreur jusqu'à préférer, pour les hautes dignités sacerdotales, l'homme né de l'inceste du fils de la mère, mais rien ne prouve la vérité de cette accusation. Ce qui paraît probable, c'est que Zoroastre, en promulguant sa loi, ne se crut pas assez fort pour détruire la coutume établie de tout temps en Perse, en Médie, comme en Égypte, qui avait consacré le mariage entre frères et sœurs, et qu'il craignait, s'il l'entreprenait, de voir tous ses prosélytes abandonner son culte pour embrasser une religion plus conforme à leurs habitudes.

La capitale de la Perse, dans les anciens temps, était la ville de Persépolis, située dans une plaine arrosée par l'Araxe. Tous les voyageurs ont vanté la beauté de ce pays, fertile en riz, en froment, en fruits, en vins excellents. On y trouve des mines d'or, d'argent et de fer. Le golfe Persique fournit les plus belles perles de l'Orient. La terre est jonchée de tulipes, d'anémones, de jasmins, de tubéreuses, qui croissent sans culture. On y mange les dattes les plus sucrées, les pêches les plus savoureuses; on y recueille le meilleur opium. Les chevaux persans ne le cèdent en vitesse qu'aux chevaux arabes.

Les Grecs, indifférents sur les événements qui s'étaient passés en Asie avant les conquêtes de Cyrus, nous ont laissés dans l'ignorance sur les règnes et même sur l'existence de ses prédécesseurs. Mais, avant de faire connaître le peu de lumières qu'ils nous ont transmises sur la famille de ce grand monarque, nous croyons devoir rapporter ce que les Perses ont écrit sur les premiers temps de l'histoire de leur pays.

Suivant les fastes héroïques des Arabes, Cajumaroth, dont le nom signifie, en persan, juge équitable, fut le premier roi des Perses. I disait qu'un roi doit toujours sacrifier son bon

heur au bonheur de son peuple; et comme il se conforma constamment à cette maxime, pendant un règne long et glorieux, sa mémoire fut toujours révérée en Orient. Son fils vécut dans la retraite et s'adonna aux sciences.

Cajumaroth avait abdiqué pour laisser le trône à son petitfils; mais, ce jeune prince ayant été tué dans une bataille, Cajumaroth reprit la couronne, civilisa les Perses, leur apprit à bâtir, à filer; et on le regarde comme le fondateur de la religion des mages.

Un de ses petits-fils, nommé Husang, qui lui succéda, inventa la charrue, creusa des canaux, apprit à ses sujets l'art d'exploiter des mines, et celui de fondre et de forger des métaux.

Les Perses citent parmi ses successeurs Thamasrab (ou celui qui humilie le diable). Il conquit plusieurs provinces et se fit chérir par ses vertus. Gjemschid (c'est-à-dire soleil) est regardé par les écrivains arabes comme le plus célèbre des anciens rois de Perse. Savant et législateur, on l'appelait le Salomon persan. Il réforma le calendrier, partagea son peuple en trois classes, celle des guerriers, celle des laboureurs et celle des artisans. Il établit des greniers d'abondance qui préservèrent ses sujets du fléau de la famine. Avant lui le vin n'était qu'un remède; sous son règne il devint une boisson générale. Au renouvellement de l'année, ce prince célébrait des fêtes qui duraient sept jours. Il accordait pendant ces solennités un grand nombre de grâces à tous ceux qui s'en étaient rendus dignes. Semblable en tout à Salomon, il se laissa vaincre par la volupté, et se fit mépriser dans sa vieillesse. Ses sujets se révoltèrent sous la conduite de Déhoc. Le roi voulut en vain défendre son trône. Il fut vaincu et pris dans une bataille. Déhoc le fit scier en deux. Le nom de l'usurpateur présageait un règne tyrannique, car il signifiait la réunion des deux vices. Ce prince cruel gouverna la Perse avec un sceptre de fer. On prétendait qu'il était magicien et qu'il avait fait un pacte avec Arimane ( le génie du mal), qui lui appliqua ses

lèvres sur l'épaule, et fit naître un ulcère dont on ne pouvait apaiser la douleur qu'en le lavant avec du sang et en le couvrant de cervelle humaine.

Les peuples, las de sa férocité, se soulevèrent. Un forgeron, dont le fils avait été sacrifié au tyran, se mit à la tête des révoltés, prit pour étendard son tablier de cuir qu'il portait dans toute la Perse, en criant: Guerre aú barbare, et vengeance! Ce généreux artisan battit l'usurpateur, le tua, et plaça sur le trône Phrydun, l'un des fils de Gjemschid, qu'il avait dérobé au poignard de Déhoc. Le règne de ce prince fut glorieux et signalé par d'importantes conquêtes. Phrydun, entraîné par sa passion pour une fille du meurtrier de son père, l'avait épousée; il en eut un fils nommé Turc, qui se révolta et lui fit la guerre. Ce fils ingrat et rebelle, vaincu, banni et forcé de s'établir dans une province voisine, y fonda un royaume qui prit son nom. Les Arabes ont cru trouver dans cette histoire l'origine de la haine des Perses contre les Turcs.

Phrydun laissa son trône au second de ses fils, nommé Manujarh, dont le caractère pacifique rendit ses peuples heureux. Nudar, son successeur, fut presque toujours en guerre avec les Turcs. Un des visirs de ce roi, nommé Séhan, habitait le Sygistan, sur la frontière des Turcs. Le fils de Séhan, qu'on appelait Zalzer, à cause de la couleur dorée de ses cheveux, rencontra à la chasse une fille turque, nommée Roudaba. Il en devint amoureux et l'épousa secrètement, malgré les périls auxquels devaient l'exposer le ressentiment de son père et celui du roi. De ce mariage naquit Rustan, le héros des temps fabuleux de la Perse.

Zalzer fut obligé de cacher longtemps dans les forêts son existence et celle de son fils; mais, apprenant que le roi Nudar était vivement pressé par les Turcs, il sortit de sa retraite, et fit des prodiges de valeur pour défendre son prince et sa patrie. Malgré ses efforts, le roi perdit la bataille et la vie. Zalzer le vengea par des victoires, et couronna Zab, l'héritier du trône. Ce monarque, dont les Perses vantaient la sagesse et

l'économie, eut l'ingratitude de vouloir perdre son défenseur. Zalzer irrité le combattit, le détrôna et fit régner à sa place Kejkobad. Ainsi finit, par la mort de Zab, la première race des rois persans, à peu près dans le même temps où Josué gouvernait les Hébreux. Le règne de Kejkobad fut avantageux pour la Perse; ce prince protégea l'agriculture, encouragea le commerce, et rendit les communications plus faciles en perçant le pays de grandes routes. Zalzer le secondait dans son administration. Le fameux Rustan, qui commandait ses troupes, remporta plusieurs victoires contre les Turcs, et répandit au loin la gloire de ses armes.

Le roi éprouva le sort de Thésée. Sa femme, aussi coupable que Phèdre, devint amoureuse de Siavek, son beau-fils, qui repoussa ses vœux criminels: elle l'accusa. Le roi furieux avait juré la mort de son fils; mais il découvrit la fourberie de la reine, et voulut la faire périr. Siavek fléchit son père et sauva la vie à cette femme impudique et cruelle.

Kejchosran, héritier de Kejkobad, combattit toute sa vie contre les Turcs. Ce fut, dit-on, sous son règne que vécut le célèbre Lockman, l'Esope des Orientaux, et dont les fables font encore les délices des Turcs et des Perses modernes. On demandait un jour à ce sage comment il était parvenu à se rendre heureux. Il répondit : « En disant toujours la vérité, en << tenant constamment ma parole, et en ne me mêlant jamais << de ce qui ne me regardait pas. » Lhoraspe régna peu de temps après. Son fils Guztaspe se révolta contre lui. Le jeune prince, vaincu et banni, vécut longtemps ignoré dans une profonde retraite.

Suivant un usage antique, lorsque le roi de Perse voulait marier une de ses filles, il la conduisait dans une galerie où se trouvaient réunis tous les princes et tous les grands qui prétendaient à sa main, et celui d'entre eux auquel elle offrait une pomme d'or devenait son époux. Lhoraspe voulait marier sa fille. Le jeune prince Guztaspe quitta sa solitude, vint secrètement dans la ville, et, au moment de la cérémo

nie, se mêla parmi les prétendants. La princesse l'aperçut et lui donna la pomme. Le roi fit d'abord éclater son courroux : les larmes de ses enfants l'apaisèrent. Il était vieux, dégoûté du trône : il le quitta et y plaça son fils.

Il paraît que le roi Guztaspe est le premier Darius des auteurs grecs. Les Persans prétendent que Zoroastre parut sous le règne de ce prince et perfectionna le culte des mages. Les Arabes lui attribuèrent beaucoup de miracles. Il transporta, dit-on, le roi Guztaspe dans le paradis, et il lui en fit admirer toutes les merveilles. Le règne de Guztaspe fut belliqueux et glorieux. Cependant à la fin de ses jours, le roi de Touran le battit, s'empara de Bach, égorgea quatre-vingts mages, et fit, à ce qu'on croit, périr Zoroastre.

Bahaman monta sur le trône. Il employa toute sa vie à guérir les blessures que les guerres étrangères et les troubles civils avaient faites à son royaume. Tolérant pour toutes les religions, il protégeait également les Sabéens et les mages, quoiqu'il penchât personnellement pour le culte de Zoroastre. Il gagna la confiance du peuple, en le consultant sur l'administration. Cette déférence apparente affermit son autorité. Son fils aîné dédaigna de régner et se retira dans une solitude. Dégoûté lui-même du trône, il le céda à sa femme Omaï qui était enceinte. Bahamad acquit la réputation du plus populaire des rois. On cite de lui cette maxime: Que la porte du prince ne doit jamais étre fermée.

Lorsque Omaï accoucha, les devins consultés prédirent que son enfant serait le fléau de sa patrie. Sa mort fut décidée; mais la reine, ne pouvant se résoudre au sacrifice de son fils, ordonna qu'on exposât sur la rivière le berceau qui le renfermait. On avait eu soin d'y placer des bijoux précieux. Un teinturier qui lavait sa laine aperçoit le berceau et le porte à sa femme. L'enfant, élevé par eux, grandit, embrassa le métier des armes, acquit une grande renommée par ses exploits, et se fit reconnaître par sa mère qui lui céda le trône, sur lequel il monta sous le nom de Darah Ier.

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