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Écoutez d'autres bêtes raisonnant sur les bêtes; leur âme est un être spirituel qui meurt avec le corps: mais quelle preuve en avez-vous ? quelle idée avez-vous de cet être spirituel, qui, à la vérité, a du sentiment, de la mémoire, et sa mesure d'idées et de combinaisons; mais qui ne pourra jamais savoir ce que sait un enfant de six ans? Sur quel fondement imaginez-vous que cet être, qui n'est pas corps, périt avec le corps ? Les plus grandes bêtes sont ceux qui ont avancé que cette âme n'est ni corps ni esprit. Voilà un beau système ! Nous ne pouvons entendre par esprit que quelque chose d'inconnu qui n'est pas corps. Ainsi le système de ces messieurs revient à ceci, que l'âme des bêtes est une substance qui n'est ni corps ni quelque chose qui n'est point corps.

D'où peuvent procéder tant d'erreurs contradictoires? de l'habitude où les hommes ont toujours été d'examiner ce qu'est une chose, avant de savoir si elle existe. On appelle la languette, la soupape d'un soufflet, l'âme du soufflet. Qu'est-ce que cette âme? c'est un nom que j'ai donné à cette soupape qui baisse, laisse entrer l'air, se relève, et le pousse par un tuyau quand je fais mouvoir le soufflet.

Il n'y a point là une âme distincte de la machine. Mais qui fait mouvoir le soufflet des animaux ? Je vous l'ai déjà dit, celui qui fait mouvoir les astres. Le philosophe qui a dit, Deus est anima brutorum, avait raison: mais il devait aller plus loin.

BETHSAMÈS, OU BETHSHEMESH.

Des cinquante mille soixante et dis Juifs morts de mort subite, pour avoir regardé l'arche; des cinq trous du cu d'or payés par les Philistins, et de l'incrédulité du docteur

Kennicott.

Les gens du monde seront peut-être étonnés que ce mot soit le sujet d'un article; mais on ne s'adresse qu'aux savants, et on leur demande des instructions.

Bethshemesh ou Bethsames était un village apparte nant au peuple de Dieu, situé à deux milles au nord de Jérusalem, selon les commentateurs.

Les Phéniciens ayant battu les Juifs du temps de Samuel, et leur ayant pris leur arche d'alliance dans la bataille où ils leur tuèrent trente mille hommes,en furent sévèrement punis par le Seigneur (1). Percussit eos in secreliori parte natium, et ebullierunt villæ et agri..... et nati sunt mures, et fucla est confusio mortis magna in civitate. Mot à mot: « Il les frappa dans la plus se>>crète partie des fesses, et les granges et les champs » bouillirent, et il naquit des rats, et une grande confu>>sion de mort se fit dans la cité. »

Les prophètes des Phéniciens ou Philistins, les ayant avertis qu'ils ne pouvaient se délivrer de ce fléau qu'en donnant au Seigueur cinq rats d'or, et cinq anus d'or, et en lui renvoyant l'arche juive, ils accomplirent cet ordre, et renvoyèrent, selon l'exprès commandement de leurs prophètes, l'arche avec les cinq rats et les cinq anus, sur une charrette attelée de deux vaches qui nourrissaient chacune leur veau, et que personne ne conduisait.

Ces deux vaches amenèrent d'elles-mêmes l'arche et les présents droit à Bethsamès; les Bethsamites s'approchèrent et voulurent regarder l'arche. Cette liberté fut punie encore plus sévèrement que ne l'avait été la profanation des Phéniciens. Le Seigneur frappa de mort subite soixante et dix personnes du peuple, et cinquante mille hommes de la populace.

Le révérend docteur Kennicott, Irlandais, a fait imprimer, en 1768, un commentaire français sur cette aventure, et l'a dédié à sa grandeur l'évêque d'Oxford. Il s'intitule à la tête de ce commentaire, docteur en théologie, membre de la Société royale de Londres, de l'Académie palatine, de celle de Gottingue, et de l'Aca.

(1) Livre de Samuel, ou premier des Rois, Chap. V et VI.

pu

démie des Inscriptions de Paris. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'est pas de l'Académie des Inscriptions de Paris. Peut-être en est-il correspondant. Sa vaste érudition a mais les titres ne font rien à la chose. le tromper; Il avertit le public que sa brochure se vend à Paris, chez Saillant et chez Molini; à Rome, chez Monaldini; à Venise, chez Pasquali; à Florence, chez Cambiagi; r Amsterdam, chez Marc-Michel Rey; à La Haye, chez Gosse; à Leyde, chez Jaquau; à Londres, chez Béquet, qui reçoivent les souscriptions.

Il prétend prouver dans sa brochure, appelée en anglais Pamphlet, que le texte de l'Écriture est corrompu. Il nous permettra de n'être pas de son avis. Presque toutes les Bibles s'accordent dans ces expressions: « Soixante et dix hommes du peuple, et cinquante mille » de la populace,» de populo septuaginta viros, et quinquaginta millia plebis.

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Le révérend docteur Kennicott dit au révérend milord, évêque d'Oxford, « qu'autrefois il avait de forts préjugés en faveur du texte hébraïque, mais que depuis » dix-sept ans, sa grandeur et lui sont bien revenus de » leurs préjugés, après la lecture réfléchie de ce chapi

>> tre. >>>

Nous ne ressemblons point au docteur Kennicott; et plus nous lisons ce chapitre, plus nous respectons les voies du Seigneur, qui ne sont pas nos voies.

« Ilest impossible, dit Kennicott, à un lecteur de bon>>ne foi, de ne se pas sentir étonné et affecté à la vue de >> plus de cinquante mille hommes détruits dans un seul » village, et encore c'était cinquante mille hommes occu» pés à la moisson. >>

Nous avouons que cela supposerait environ cent mille personnes au moins dans ce village. Mais monsieur le docteur doit-il oublier que le Seigneur avait promis à Abraham que sa postérité se multiplierait comme le

sable de la mer?

«Les Juifs et les chrétiens, ajoute-t-il, ne se font point » de scrupule d'exprimer leur répugnance à ajouter for » à cette destruction de cinquante mille soixante et dix » hommes. »

et

Nous répondons que nous sommes chrétiens, que. nous n'avons nulle répugnance à ajouter foi à tout ce qui est dans les saintes Ecritures. Nous répondrons avec le révérend père dom Calmet, que s'il fallait « rejeter » tout ce qui est extraordinaire et hors de la portée de »notre esprit, il faudrait rejeter toute la Bible.

Nous sommes persuadés que les Juifs étant conduits par Dieu même, ne devaient éprouver que des évènements marqués au sceati de la Divinité, et absolument différents de ce qui arrive aux autres hommes. Nous osons même avancer que la mort de ces cinquante mille soixante et dix hommes est une des choses les moins surprenantes qui soient dans l'ancien Testament.

On est saisi d'un étonnement encore plus respectueux, quand le serpent d'Ève et l'âne de Balaam parlent; quand l'eau des cataractes s'élève avec la pluie quinze coudées au-dessus de toutes les montagnes; quand on voit les plaies de l'Égypte, et six cent trente mille Juifs combattants fuir à pied à travers la mer ouverte et suspendue; quand Josué arrête le soleil et la lune à midi; quand Samson tue mille Philistins avec une mâchoire d'àne.... Tout est miracle sans exception dans ces temps divins; et nous avons le plus profond respect pour tous ces miracles, pour ce monde ancien qui n'est pas notre monde, pour cette nature qui n'est pas notre nature, pour un livre divin qui ne peut avoir rien d'hu

main.

Mais ce qui nous étonne, c'est la liberté que prend M. Kennicoft d'appeler déistes et athées ceux qui, en révérant la Bible plus que lui, sont d'une autre opinion que lui. On ne croira jamais qu'un homme qui a de pareilles idées soit de l'Académie des Inscriptions et Mé

dailles. Peut-être est-il de l'Académie de Bedlam, la plus ancienne, la plus nombreuse de toutes, et dont les colonies s'étendent dans toute la terre

BIBLIOTHÈQUE.

UNE grande bibliothèque a cela de bon, qu'elle effraie celui qui la regarde. Deux cent mille volumes découragent un homme tenté d'imprimer; mais malheureusement il se dit bientôt à lui-même : On ne lit point la plupart de ces livres-là; et on pourra me lire. Il se compare à la goutte d'eau qui se plaignait d'être confondue et ignoree dans l'océan; un génie eut pitié d'elle, il la fit avaler par une huître; elle devint la plus belle perle de l'orient, et fut le principal ornement du trône du grandmogol. Ceux qui ne sont que compilateurs, imitateurs, commentateurs, éplucheurs de phrases, critiques à la petite semaine; enfin ceux dont un génie n'a point eu pitié, resteront toujours gouttes d'eau.

Notre homme travaille donc au fond de son galetas avec l'espérance de devenir perle.

Il est vrai que dans cette immense collection de livres, il y en a environ cent quatre-vingt-dix-neuf mille qu'on ne lira jamais, du moins de suite; mais on peut avoir besoin d'en consulter quelques-uns une fois en sa vie. C'est un grand avantage, pour quiconque veut s'instruire, de trouver sous sa main, dans le palais des rois, le volume et la page qu'il cherche, sans qu'on le fasse attendre un moment. C'est une des plus nobles institutions. Il n'y a point eu de dépense plus magnifique et plus utile.

La bibliothèque publique du roi de France est la plus belle du monde entier, moins encore par le nombre et la rareté des volumes, que par la facilité et la politesse avec laquelle les bibliothécaires les prêtent à tous les savants. Cette bibliothèque est sans contredit le monument le plus précieux qui soit en France.

Cette multitude étonnante de livres ne doit point épou

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